Le gouvernement du Québec risque de perdre 500 millions sur les 3,3 milliards de dollars en papiers commerciaux adossés à des actifs, détenus par l'ensemble de ses organismes et agences, révèle le vérificateur général du Québec.

Dans son rapport spécial sur les comptes publics, publié hier, le vérificateur Renaud Lachance établit, par ailleurs, à 3,25 milliards le déficit accumulé au 31 mars 2008. Mais c'est essentiellement parce que de nouvelles règles comptables n'ont pu être mises en place, l'Assemblée nationale n'a pas adopté le projet de loi 85 au déclenchement des élections.

Dans son commentaire, M. Lachance convient avec la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget qu'il y a un surplus de 1,2 milliard pour 2007-2008. Essentiellement, le vérificateur se dit «satisfait» des efforts faits par le gouvernement pour adopter des règles comptables transparentes. Il met un bémol toutefois sur la dette accumulée, venue de déficits des réseaux de la Santé et de l'Éducation qui, depuis 2006, a bondi de 12,6 milliards. Le vérificateur général devrait, insiste M. Lachance, avoir le droit d'y mettre le nez.

Hier, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, était «réjouie» par le constat du vérificateur général. «Beaucoup de choses ont été dites, et je pense qu'il est important d'apporter un éclairage pour les citoyens», a-t-elle dit en point de presse à Montréal.

Le vérificateur Renaud Lachance, a-t-elle estimé, convient qu'il y a 2,3 milliards en banque pour contrer le ralentissement de l'économie, cette année et l'an prochain. Le vérificateur général du Québec a signé, sans réserve, les comptes publics, une première en 32 ans, a-t-elle insisté.

Tout le boucan autour des équilibres budgétaires est nourri par l'opposition adéquiste et péquiste, à des fins électorales. «Ce n'est pas par hasard que tout ce cinéma se passe en ce moment. (...) Je pense c'est un faux débat», a-t-elle lancé.

Selon François Legault, critique péquiste des Finances, le vérificateur général confirme le déficit annoncé par l'opposition: «au cumulatif, c'est un déficit de 3,3 milliard; il n'y a pas de réserves et «le vérificateur ajoute que les perspectives budgétaires pour 2008-2009 laissent entrevoir un déficit. C'est ça son verdict», a-t-il estimé.

Même constat du député adéquiste Gilles Taillon: le vérificateur est venu confirmer les prétentions de l'opposition; il y a un déficit cumulé de 3,2 milliards. En outre, M. Taillon a relevé les inquiétudes de Renaud Lachance devant les déficits accumulés des réseaux de la santé et de l'éducation.

Mme Jérôme-Forget n'a pas manqué de lancer une flèche à Pauline Marois, critiquant le bilan financier du gouvernement péquiste en 1998. Mme Marois, qui était alors présidente du Conseil du Trésor, a fait des «coupes sauvages dans les services de santé et d'éducation, a accusé la ministre. Mme Marois a joué dans ce film d'horreur et elle veut rejouer dans ce film d'horreur».

Papiers commerciaux

C'est l'importance des sommes détenues en papiers commerciaux par les organismes du gouvernement du Québec qui surprend à la lecture du rapport du vérificateur. Une dizaine d'organismes publics dont la Société d'habitation, l'Agence métropolitaine de transports, et la Régie des installations olympiques détiennent au total 221 millions en papiers commerciaux adossés à des actifs. Trois entreprises du gouvernement, la SGF, Capital Financière agricole, et la Société Innovatech de Québec, ajoutent 159 millions à ces créances boiteuses.

Au total, le gouvernement détient en propre 445 millions de dollars de ces papiers adossés à des actifs. En plus, ses organismes en ont mis en dépôt 2,8 milliards à la Caisse de dépôt et placement, pour un total de 3,3 milliards de dollars de ces produits controversés dans les coffres de Québec. Même le Fonds des générations, des redevances d'Hydro-Québec, en a acheté pour 58 millions.

De ces 3,3 milliards, 84 millions sont d'ores et déjà radiés pour pertes. Mais le gouvernement a dû prendre des provisions «pour moins value», des pertes anticipées de 421 millions. C'est un total de 506 millions qui risquent d'être perdus, 15,3% des fonds investis par Québec ou ses agences dans ce type de produit. À la fin d'août, le ministère des Finances a prévenu tous les organismes qu'aucune transaction ne devrait être effectuée touchant ces papiers détenus, «sans l'aval du Ministère», note M. Lachance.

Depuis le début de 2008, on savait déjà que la Caisse de dépôt détenait un total de 12,6 milliards dans ces papiers commerciaux, dont 782 millions dans les subprimes, les créances les plus vulnérables. La crise des papiers commerciaux qui a éclaté en août 2007 a entraîné une diminution de 1,9 milliard des actifs de la Caisse en 2007. La CDP avait dévalué ces investissements de 15%, la même provision qu'avait prise l'Industrielle Alliance. La Banque Nationale avait opté pour des pertes prévisibles de 25%.

M. Lachance a fait le même exercice distinguant la qualité des papiers commerciaux détenus. Ceux détenus par la Caisse sont taxés d'une dévaluation d'environ 15%. Mais les produits détenus directement par les organismes sont de qualité bien variables. La Société de développement des industries culturelles (SODEQ) et la Régie des installations olympiques doivent s'attendre à perdre 20% de leurs investissements. La Société du Palais des congrès a déjà radié 1,4 millions des 4,5 millions qu'elle détenait en PCAA, soit 31%. La Société générale de financement, le bras investisseur du gouvernement, n'a pas eu beaucoup de flair pour ces produits; 34 millions sont perdus sur 140 millions, soit 24%.

Selon la ministre Jérôme-Forget, le gouvernement souhaite «transformer ces papiers commerciaux en papiers à long terme, de sept à dix ans. Et ce qu'on nous dit, jusqu'à maintenant, c'est que les papiers commerciaux que nous avons sont de bons papiers commerciaux», soutient la ministre des Finances.

Une perte appréhendée de 500 millions, «c'est toujours trop. Vous me posez la question: est-ce que c'est beaucoup? C'est beaucoup», a-t-elle laissé tomber.

Mais elle a tenu à rappeler le contexte de la tourmente mondiale, «par rapport à ce qui se passe dans le monde actuellement avec les papiers commerciaux, avec des pertes de 30 à 40 milliards, selon ce que rapportent les journaux» a-t-elle dit, ajoutant que ces pertes étaient tout de même «inacceptables».