Jean Charest est député de Sherbrooke depuis près de 25 ans: de 1984 à 1998 au fédéral, puis à Québec, dont cinq ans à titre de premier ministre.

Est-ce une bonne chose, économiquement, d'avoir un député de premier plan et même un premier ministre dans une région?

Sans lui demander de trouver des remèdes à tous les maux économiques de son coin, Jean Charest a-t-il apporté quelques solutions?

La réponse à ces deux questions est: oui... et non.

Sherbrooke va mieux, économiquement, mais certains graves problèmes perdurent. Au premier rang: le décrochage scolaire, avec 33%, un des plus hauts taux du Québec. On ne peut attribuer à Jean Charest seul la responsabilité du décrochage scolaire dans sa circonscription, mais cette statistique peu reluisante entache le bilan du député Charest.

La lente transformation d'une économie traditionnellement manufacturière vers une économie du savoir se place aussi en tête de la liste des préoccupations de la région.

Quand il est question d'économie du savoir, ce n'est pas le nom de Jean Charest qui sort en premier dans le milieu des affaires, c'est celui du recteur de l'Université de Sherbrooke, Bruno-Marie Béchard.

Encore là, les pouvoirs d'un député, même premier ministre, ne suffisent pas à régler de si graves problèmes. Mais dans le milieu, certains jugent que son gouvernement a nui plus qu'il a aidé en éliminant l'aide de l'État au capital de risque en 2004.

Le rapport Brunet sur la question, initiative lancée par Charest après son élection au printemps 2003, avait conduit à l'abolition des subventions de capital de risque, ce qui a signé l'arrêt de mort d'une bonne partie des 45 entreprises regroupées sous la Société Innovatech de l'Estrie.

Cette décision a fait mal à la région, dit-on dans le milieu des affaires sherbrookois.

On ajoute que les nombreuses fermetures d'usine ont nui à l'image de la région. Mais on ne blâme pas trop sévèrement le député-premier ministre.

«Jean Charest connaît les enjeux. Il est proche de son monde, mais un premier ministre doit toujours faire attention à ne pas trop en faire pour sa circonscription, sinon il se le fait reprocher dans toute la province», nuance Louise Bourgault, présidente de la chambre de commerce de Sherbrooke.

Selon Mme Bourgault, la priorité dans la circonscription, c'est le décrochage scolaire, ce pour quoi la chambre de commerce et tout le milieu des affaires ont lancé une véritable corvée régionale.

«Pour le chômage, on s'en tire pas trop mal, mais le décrochage scolaire touche très durement la région, dit Mme Bourgault. On fait du progrès: il est passé de 43% à 33% depuis quelques années.»

Le taux de chômage a effectivement baissé: il se situe à 6,8%, soit 1,1% de moins que la moyenne québécoise, à 7,7%.

Toutefois, le salaire moyen, à 29 335$ par année, reste sous la moyenne québécoise, qui atteint 32 074$.

Autre donnée négative: le revenu des familles est de 6000$ moins élevé que la moyenne québécoise. Les familles qui vivent sous le seuil de pauvreté sont aussi plus nombreuses: 14,3%, comparativement à 12,3% au Québec.

À Sherbrooke, le décrochage scolaire et la conversion d'une «vieille» économie manufacturière vers celle du savoir ont créé un véritable sentiment d'urgence. «On voudrait aller plus vite», résume Mme Bourgault.

Et à Sherbrooke comme ailleurs au Québec, le milieu des affaires juge que le déclenchement anticipé des élections retarde les décisions et les projets.