Déjà secouée par la crise financière, la Caisse de dépôt et placement (CDEP) a été aspirée hier dans le tourbillon électoral et a convoqué une conférence de presse exceptionnelle.

Pierre Brunet, président du conseil d'administration, a reconnu qu'il avait convenu avec la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, de la nécessité de s'adresser aux médias, en pleine campagne électorale.

 

«Nous avons eu des conversations ensemble (avec Mme Jérôme-Forget), a indiqué M. Brunet. C'est tout à fait normal. On s'est parlé. On s'est demandé: est-ce qu'il est temps de faire quelque chose?»

M. Brunet a donné raison au gouvernement libéral et refusé de révéler avant la date prévue pour la présentation de ses états financiers (en février) les pertes que la crise financière a fait subir à la Caisse.

Il affirme du même souffle que la CDEP, qui gère 150 milliards de dollars d'épargne publique, conserve son indépendance même si, «en tant qu'organisation, quand il y a une campagne électorale, il y a un devoir de réserve».

Le Parti québécois et l'Action démocratique demandent tous deux à connaître dès maintenant l'état des finances de la Caisse. L'ADQ affirme que ses pertes atteignent 30 milliards.

Hier, la chef péquiste, Pauline Marois, a accusé M. Charest d'avoir déclenché des élections hâtives «parce qu'il savait ce qui se passait à la Caisse» et voulait «éviter d'avoir à rendre des comptes». «Actuellement, j'ai le sentiment que Jean Charest fait du gambling avec l'argent des Québécois», a-t-elle déclaré.

De son côté, le chef adéquiste, Mario Dumont, a traité M. Charest de «spéculateur» devant une centaine de partisans rassemblés à Ville-Marie, au Témiscamingue.

La Caisse ne leur fournira pas de nouvelles munitions. «Il y a actuellement une forte pression pour que la Caisse déroge à ses règles de gouvernance et publie un rendement intérimaire pour l'année en cours, a dit M. Brunet. S'il doit y avoir des changements à nos règles de gouvernance, cela doit se faire dans un cadre formel où tous les avantages et inconvénients d'une telle approche seront pesés ou soupesés, et non dans un contexte de crise.»

Il y va, selon M. Brunet, de la crédibilité de la Caisse. «En tout temps, la Caisse se doit de préserver son intégrité en tant qu'institution financière indépendante et gouvernée selon des règles claires et prévisibles, et non aléatoires. Cela est important, notamment, pour conserver la confiance des marchés et des institutions avec lesquelles elle transige.»

«Ce n'est ni dans l'intérêt de la Caisse ni dans celui de ses déposants de faire des actions qui pourraient se situer en marge des règles qui la gouvernent depuis toujours, y compris dans une période aussi agitée que celle que nous traversons.»

Circonstances particulières

Mario Dumont insiste pour voir une «commande politique» dans l'intervention de la Caisse.

Mais, selon M. Brunet, «des circonstances très particulières» exigeaient l'intervention publique d'hier.

D'abord, la controverse suscitée par le congé de maladie du PDG, Richard Guay. «Ça a pris une proportion plus grande qu'on pensait», dit-il. Ensuite, la crise financière en général. Puis, «surtout», l'information diffusée la veille par Radio-Canada sur les problèmes de liquidités de la CDEP, que ses représentants ont niés hier.

Quelques heures avant le point de presse, Jean Charest avait nié avoir fait pression pour que l'institution convoque les médias.

«Est-ce qu'il y a eu une commande de passée, des communications entre votre gouvernement et la Caisse?» a demandé un journaliste.

«Je ne suis vraiment pas maître des communications de la Caisse de dépôt et placement, a souligné M. Charest, qui s'est bien gardé d'impliquer d'autres membres de son gouvernement. Autant je ne suis pas maître politiquement de ce qui se passe à la Caisse, autant je ne commande pas ses communications.»

M. Dumont insiste: l'impact de la crise sur la Caisse ne tardera pas à se transformer en problème politique à cause de tous les organismes publics qui y déposent leurs fonds. «Ça soulève la question des cotisations au Régime de rentes du Québec, ça soulève des questions sur les cotisations à la CSST, sur les permis de conduire, sur les immatriculations.» Il affirme que le gouvernement Charest «cache l'information maintenant» afin que «les mauvaises nouvelles arrivent après l'élection».

Avec Malorie Beauchemin, Tommy Chouinard et Martin Croteau.