Après cinq ans au pouvoir et en ayant été élu en 2003 sur la promesse de redresser le système de santé, Jean Charest blâme toujours le Parti québécois et la chef pour les déboires actuels dans les hôpitaux.

«Pauline Marois a laissé derrière elle, dans le domaine de la santé et des services sociaux, un désastre, une vraie catastrophe, a souligné hier le chef libéral, bombardé de questions sur cet enjeu primordial pour les Québécois.

«Et 10 ans plus tard, en 2008, nous vivons encore les séquelles des décisions qu'elle a prises, a-t-il ajouté. Depuis cinq ans qu'on nettoie ce dégât qu'elle nous a laissé.»

Le manque de médecins de famille, notamment, est selon lui directement attribuable à la chef péquiste, qui a mis à la retraite 1500 médecins dans les années 90, tout en réduisant le nombre d'admissions dans les facultés de médecine.

À la fin des années 90, le gouvernement de Lucien Bouchard s'est lancé, pour atteindre le déficit zéro, dans une vaste campagne de mises à la retraite, notamment de médecins et d'infirmières. Mais c'était alors Jean Rochon qui était ministre de la Santé. Mme Marois lui a succédé à la fin de 1998.

«Ça prend 10 minutes mettre à la retraite un médecin, ça prend 10 ans en former un autre», a martelé M. Charest, hier.

Le chef libéral rejette toute responsabilité pour les déboires actuels, même si les urgences de plusieurs hôpitaux débordent toujours et que les listes d'attente pour les interventions chirurgicales sont encore longues.

«On a posé tous les gestes possibles. On a fait des efforts très importants. Il faut continuer ces efforts-là. Mais le travail qu'on a fait est colossal», a-t-il souligné, de passage en Beauce pour parler d'économie et d'innovation.

«Si on veut maintenir nos services en santé, en services sociaux, dans l'éducation, ça nous prend un gouvernement qui va s'occuper de l'économie et de l'emploi, qui va tout mettre en oeuvre pour que les Québécois travaillent», a-t-il mis en garde.

S'il a rejeté la plupart des questions sur son bilan en santé, il a toutefois fait la liste d'actions de son gouvernement, notamment l'augmentation des inscriptions en médecine et sciences infirmières. «Aujourd'hui, 92% des gens se font opérer dans un délai de six mois au Québec, 80% dans un délai de trois mois. C'est suite aux efforts que nous avons faits justement», a-t-il ajouté.

L'économie, pas la santé

En 2003, Jean Charest s'était pourtant fait élire sur la promesse de «régler une fois pour toutes» les problèmes dans le réseau de la santé.

La priorité de cette campagne électorale, c'est l'économie, et non la santé, a dit le chef libéral, au moment même où un sondage conclut que l'enjeu le plus important pour les Québécois demeure la qualité et l'accessibilité aux soins de santé.

M. Charest n'a pas voulu se commettre sur d'éventuels engagements en santé, affirmant que la question serait soulevée plus tard dans la campagne.

De passage à Longueuil, Pauline Marois a réfuté l'accusation, allant jusqu'à tourner en dérision les propos du chef libéral. «Là, il va arrêter de nous mettre sur le dos le fait qu'il n'y a pas d'infirmières, qu'il y ait une pénurie. Ça fait plus de cinq ans, presque six ans, qu'il est là. Il avait le temps d'en former des infirmières. Les infirmières qui sont parties il y a 10 ans, elles auraient 70 ans maintenant», s'est moquée Mme Marois.

«Le gouvernement de M. Charest est au pouvoir depuis six ans, a ajouté la chef péquiste. Il n'a pas réglé les problèmes de santé qu'il devait régler le lendemain de son élection. Lui, il les avait les solutions. Il disait qu'il n'y aurait plus de problèmes dans les urgences. Il n'y aurait plus de gens sur les listes d'attente. Tout d'un coup, cinq ans, six ans plus tard, (les patients) attendent plus longtemps à peu près partout au Québec.»

Mme Marois a estimé que le bilan du gouvernement Charest en santé était «pitoyable». «Quand Jean Charest gère, ça dégénère», a-t-elle conclu.

L'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) somme quant à elle les partis politiques de se positionner sur les enjeux importants de financement du système de santé, des besoins en main-d'oeuvre et de la réduction des délais d'attente.

«Je comprends que la priorité, ça peut être l'économie, mais j'ai trouvé dans les premiers jours de la campagne que la santé n'était pas du tout sur l'écran radar, et ça nous inquiétait», souligne la directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis. Selon elle, il est «fondamental» que les partis donnent à la santé un niveau de priorité important, puisque l'enjeu est «au coeur des préoccupations des Québécois».

Mme Denis attend des engagements clairs des partis, pour faire face à des besoins qui seront grandissants en période de ralentissement économique.

Jean Charest a fait campagne dans trois circonscriptions autrefois libérales, passées à l'ADQ en 2007. Deux des anciens députés battus au dernier scrutin se représentent: Dominique Vien dans Bellechasse et Norbert Morin dans Montmagny-L'Islet. Mais comme la veille à Québec, M. Charest a davantage attaqué la chef du PQ, sa véritable adversaire selon les derniers sondages, que Mario Dumont et son équipe. Le chef libéral a par ailleurs annoncé des investissements de 60 millions pour l'innovation et le transfert de technologies.

Avec Tommy Chouinard