Le Parti québécois (PQ) pourrait enregistrer un déficit dans les premières années d'un mandat et faire ce qu'il a reproché aux libéraux: déposer une loi pour effacer l'ardoise.

En mai, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a présenté le projet de loi 85 afin de remettre le compteur à zéro et faire disparaître le déficit accumulé, évalué à 5,8 milliards de dollars au 31 mars 2007 par le vérificateur général. Le PQ s'est opposé à cette «manigance» visant selon lui à contourner la loi antidéficit.

 

Le critique péquiste en matière de Finances, François Legault, a alors condamné le «tripotage comptable» du gouvernement. «La ministre Jérôme-Forget joue à la fée Carabosse et veut faire disparaître d'un simple coup de baguette magique le déficit cumulé», disait-il dans un communiqué de presse.

«Elle espère, avec le projet de loi 85, obtenir le même résultat que le concours de Visa, c'est-à-dire que le solde disparaisse et tombe à zéro. Tous les Québécois en rêvent. C'est bien de rêver. Mais il faut aussi vivre dans la réalité.»

Hier, la chef péquiste Pauline Marois a tenu un tout autre discours. «Écoutez, 5,8 milliards, c'est énorme à traîner comme déficit. La loi 85 ouvre une porte. On devra l'évaluer», a-t-elle affirmé.

Interrogée pour savoir si une telle loi serait adoptée avant, pendant ou après les turbulences économiques, Mme Marois a répondu que c'était «hypothétique», avant de laisser entendre que la dernière option serait privilégiée. «J'aime agir quand j'ai en main tous les faits et toutes les données. Quelle est la situation budgétaire actuelle du gouvernement? La crise financière, quelle ampleur prendra-t-elle? Quel impact aura la crise économique?»

Au cours des derniers jours, Pauline Marois a indiqué qu'un gouvernement péquiste pourrait faire des déficits de façon temporaire si la conjoncture économique est mauvaise, mais que l'équilibre budgétaire serait retrouvé à la fin de son mandat de cinq ans. Elle a aussi précisé que son engagement de création de places en garderie, 500 millions dès la première année, et ses mesures économiques, environ 600 millions pour chacune des deux premières années, seraient tenus peu importe l'état des finances publiques, donc même si cela creuse un trou budgétaire.

Pour financer ses mesures économiques, Pauline Marois dit vouloir cesser pendant un an les paiements au Fonds des générations (400 millions), épuiser une réserve pour éventualité de 200 millions de dollars, et cogner à la porte d'Ottawa pour réclamer les 435 millions qu'il doit toujours au Québec à titre d'indemnité pour la crise du verglas de janvier 1998.

Pour le reste, la chef péquiste demeure évasive. Hier, elle a d'abord répondu que le PQ «ne comprimera pas» les services publics pour financer les mesures promises. Puis, elle a dit exactement le contraire. «On peut en cours de route décider que telle politique, on la change, elle remet en question les services qui sont rendus, ou ceux-ci seront rendus autrement. Je ne veux pas me priver de ça. Mais je ne vous dirai pas ce matin: ''je vais faire ci, je vais faire ça''. Je sais quelles sont mes priorités, et ça impliquera des choix.»

Avec le projet de loi 85, le gouvernement Charest voulait adapter ses méthodes comptables aux principes généralement reconnus par l'Institut canadien des comptables agréés. Et pour ce faire, il voulait effacer l'ardoise de 5,8 milliards de dollars, en envoyant ce déficit accumulé à la dette. Une partie de ce déficit est attribuable aux gouvernements péquistes, et une plus grande aux libéraux. Le projet de loi 85 n'a pas été adopté.

«Pauline Marois vient de faire un virage à 180 degrés, a réagi le chef libéral Jean Charest. La semaine dernière (...), elle était contre (cette loi). Et là, elle dit qu'elle est en faveur. Elle vient de dire aux Québécois pour quelle raison il y a une campagne électorale et pourquoi, dans une période de turbulence économique, c'est important d'avoir de la stabilité politique. Ça nous permettrait de s'épargner tout ce que Mme Marois a voulu nous imposer comme débat depuis la semaine dernière.»

Jean Charest a martelé le même message toute la journée: «Quand Pauline Marois gère, ça coûte cher.»