Avec déjà quatre jours de passés dans la campagne électorale, le temps presse pour Mario Dumont. Il se doit de trouver l'allumette, trouver la formule, le thème qui le propulsera à l'avant-scène dès cette semaine, sans quoi le sort de l'Action démocratique sera scellé. Pour toujours.

On a bien souvent enterré l'ADQ, Dumont le répète à satiété. Mais en cette cinquième journée de campagne, même des adéquistes reconnaissent qu'ils cherchent encore le fond du filet.En 2007, tout s'était enflammé à temps pour Mario Dumont. La semaine dernière, Claire Durand, spécialiste de l'Université de Montréal, disait que la montée de l'ADQ durant les deux dernières semaines de campagne relevait des lois de la balistique - une hausse de 10 points en trois semaines. À l'époque, toutefois, l'ADQ était en progression depuis l'automne 2006, au moment où l'incendie avait éclaté à Hérouxville sur les accommodements raisonnables.

Actuellement, Mario Dumont tire à l'aveuglette. Hier, devant une cinquantaine de personnes à Québec, son discours comptait une dizaine de «clips» pour les médias électroniques. Un peu comme s'il jouait à la guerre navale, Dumont bombarde dans toutes les directions. Son entourage reconnaît qu'il est toujours à la recherche d'un filon, d'un thème porteur.

Le drame des adéquistes, c'est qu'ils commencent à peine à lancer les coups de sonde quotidiens qui permettent d'évaluer, dans l'électorat, les salves qui font mouche.

Pauline Marois semble mieux pourvue de ce côté ; le PQ a toujours fait appel à des enquêtes assez sophistiquées pour détecter les enjeux susceptibles d'enflammer les électeurs. Comme quand Mme Marois a décidé de traiter de «menteur» Jean Charest, qui avait promis de ne pas augmenter les tarifs des services de garde en 2003 pour les faire passer de 5 à 7 $ six mois plus tard. Le coup de bazooka s'imposait aussi hier. Elle devait vite écraser dans les bulletins d'information l'investiture désastreuse de L'Assomption.

Mario Dumont ne s'est pas encore décidé à se rabattre uniquement sur les circonscriptions où ses candidats ont des chances véritables - il était à Montréal il y a deux jours, il ira «s'épivarder» en Outaouais au début de cette semaine. Mais on a déjà fait une croix sur tout ce qui se trouve à l'est de Québec.

Il était à Québec hier. Il y viendra souvent. En Mauricie aussi. À Trois-Rivières, surtout, son leader parlementaire, Sébastien Proulx, pourrait en avoir bien besoin. Son problème n'est pas sa performance ; Proulx s'est révélé rapidement un politicien habile et doué. Mais sa victoire de 2007, il la devait en bonne partie à l'appui souterrain du maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, qui était à couteaux tirés avec André Gabias, le député libéral. Cette fois, dit-on, le maire Lévesque appuiera davantage la candidate libérale, Danièle Saint-Amand.

Abitibi-Bowater

Dans la région de Québec, Dumont a peut-être trouvé une allumette. Les événements risquent de sauver un des députés anonymes de son caucus. Raymond Francoeur n'a fait parler de lui qu'une fois, lorsqu'il a candidement levé la main quand le premier ministre Charest avait demandé, ironique, s'il y avait des fédéralistes dans les banquettes adéquistes à l'Assemblée nationale. Dumont n'avait pas apprécié.

M. Francoeur risque de tirer profit de la controverse autour de la fermeture de l'Abitibi-Bowater à Donnacona, une papeterie maintenue à bout de bras depuis des années. Deux cent cinquante familles viennent d'apprendre qu'autant d'emplois disparaîtront. Or, le gouvernement Charest le savait, lui, depuis longtemps. Les emplois devaient être déplacés à Dolbeau et Grand-Mère, dans d'autres installations.

Or, depuis près d'un an, les fonctionnaires du gouvernement du Québec ont travaillé avec le syndicat à Donnacona sur le sauvetage d'une usine que Jean Charest et son ministre Raymond Bachand savaient condamnée.

M. Bachand s'est excusé, hier, et a concédé qu'il aurait pu être plus transparent. Il appartenait à l'entreprise de faire son annonce.

Dans Portneuf, donc, le feu est pris... Pas d'essence, mais pas mal de papier. L'histoire tourne depuis trois jours dans les bulletins d'information nationaux. Dans son bilan économique, hier, l'ADQ avait déjà intégré les emplois de Donnacona aux emplois disparus depuis le déclenchement des élections - on en est à 931.

Dans le camp libéral, on reconnaît que «ce n'était pas l'idée du siècle». À titre de préfet, le candidat de Jean Charest, Michel Matte, était membre du comité de sauvetage de l'usine. Hier midi, Dumont a vite sauté sur ce foyer d'incendie et soufflé sur la braise.

Il devra en trouver beaucoup d'autres. Les 20 jours qui restent décideront de ses 20 années de travail. La pression doit être énorme.

S'il ne trouve pas d'allumette, à compter du 8 décembre, le chef de l'opposition aura bien du temps pour lire des romans policiers.