BIXI a beau être présenté comme un fleuron de Montréal, «ville de langue française» selon l'article 1 de sa charte, les documents pour la vente de ses actifs internationaux ne seront rédigés qu'en anglais.

Et ils ne seront pas traduits, précise l'appel d'offres, dans une annexe déposée le 4 avril en Cour supérieure du Québec. Intitulée  Request for binding offers», l'annexe présente la Société de vélo en libre-service, gestionnaire de BIXI, et énumère les 27 conditions pour s'en porter acquéreur.

Le document confidentiel décrit en détail les activités internationales de «Public Bike System Company», la raison sociale de SVLS en anglais. On rappelle qu'il s'agit d'un des leaders mondiaux dans le domaine du vélo en libre-service qui s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite le 20 janvier dernier.

La condition numéro 25 précise que l'acheteur accepte que « cette entente et tous les documents y afférents soient, pour le présent ou le futur, rédigés dans la langue anglaise seulement». Il s'agit ironiquement de la seule phrase en français dans cette annexe de 16 pages.

Raymond Massi, représentant du syndic de faillite Richter, explique ce choix de l'anglais par le fait qu'on «visait surtout des acheteurs à l'international». On n'a pas voulu présenter les documents juridiques dans les deux langues «pour avoir une certaine constance dans la présentation des informations, pour que tous les soumissionnaires aient la même l'information», a-t-il indiqué en entrevue.

«On avait un processus qui dépassait le Québec. On visait des acheteurs québécois également, mais même eux ont présenté leur soumission en anglais pour être conformes aux instructions de la demande de soumission. Les échanges ont été faits dans la langue de leur choix.»

Depuis la mise en vente des activités internationales de BIXI, quatre offres sérieuses d'au moins quatre millions de dollars ont été déposées, dont une du partenaire américain Alta Bicycle Share, ainsi que d'un homme d'affaires montréalais qui a fait fortune dans l'immobilier. Pour accéder aux données complètes sur les finances de SVLS, les acheteurs potentiels avaient accès à un site sécurisé. Or, plusieurs documents n'étaient disponibles qu'en français, indique M. Massi. «Les soumissionnaires ont eu à se doter de services de traduction.»

L'anglais en cas de litige

Aucune entente n'ayant été conclue avant l'échéance du 7 avril, le syndic de faillite, Richter, a demandé et obtenu du tribunal une prolongation du délai jusqu'au 30 avril.

C'est dans le cadre de cette procédure qu'on a déposé devant la cour une série de documents, dont l'annexe détaillant les conditions posées aux acheteurs potentiels. Selon Radio-Canada, la transaction pourrait être bouclée aujourd'hui ou lundi.

Le chef de la restructuration de SVLS, Dominic Deveaux, justifie également l'utilisation de l'anglais par des raisons juridiques. « Lorsqu'on a un contrat d'achat, l'acheteur doit démontrer aux clients et aux fournisseurs qu'il est devenu propriétaire. En cas de litige, ce contrat devra être montré, et la majorité de nos clients utilisent l'anglais. »

Traduire les documents créerait deux versions du contrat, « et ça prendrait deux avocats », explique-t-il.

Au cabinet du maire Denis Coderre, on n'a pas voulu commenter ce dossier, expliquant qu'il s'agissait d'«une décision qui relève du syndic».

Ce qui est en vente

> Tous les actifs internationaux, « excluant les actifs reliés au service de vélos en libre-service de Montréal »

> Les comptes client et les retenues

> L'inventaire : pièces de rechange, matériel manufacturé, composantes

> Les équipements et appareils : ordinateurs, serveurs, matériel de bureau, prototypes, outils, démonstrateurs

> Les moules, matrices, outillage, gabarits nécessaires à la fabrication des composantes du système BIXI

> La propriété intellectuelle : design, plans, brevets. On compte 130 demandes déposées pour protéger notamment le design du vélo, les stations modulaires et indépendantes, les bornes d'ancrage et les terminaux.