Mélanie Joly a suscité la surprise cette semaine en se hissant en deuxième place dans la course à la mairie de Montréal. Au début de l'été, la candidate était totalement inconnue du grand public. Un Montréalais sur quatre compte maintenant voter pour elle. Étoile montante ou filante? Pour ses proches collaborateurs, son ascension est le fruit d'une stratégie de visibilité élaborée depuis plusieurs mois. Et même si elle n'était pas planifiée, il y a fort à parier qu'après la controverse entourant le choix d'avoir une ex-escorte dans son équipe, la majorité des Montréalais sauront désormais qui est Mélanie Joly.

Performance inattendue dans les sondages, première controverse médiatique. Cette semaine, Mélanie Joly est montée à bord des montagnes russes politiques.

«Avec l'affaire Bibiane Bovet, on a compris qu'on était rendus dans les ligues majeures, et quand tu joues dans les ligues majeures, tu dois prendre les coups qui viennent avec. Si on était à 4% dans les sondages, personne ne se serait soucié de nos candidats.»

François Leblanc, l'organisateur politique de Mélanie Joly, était d'un calme surprenant vendredi, une heure à peine avant que sa candidate affronte les médias pour défendre son choix de garder dans ses rangs une candidate transsexuelle qui a travaillé comme escorte pour financer son changement de sexe.

Au cours de sa carrière en politique, François Leblanc a vu passer bien des crises. L'ancien chef de cabinet de Gilles Duceppe s'était toutefois juré de ne plus revenir en politique après la défaite du Bloc québécois en 2011, mais Mélanie Joly, dit-il, l'a convaincu de diriger sa campagne au début de l'été

«Je n'avais jamais entendu parler d'elle. La semaine précédente, quelqu'un m'a téléphoné pour me demander conseil pour savoir s'il devait s'engager ou pas avec elle et j'ai répondu: «Regarde, je ne la connais pas, mais disons que tu ne feras pas une longue carrière avec elle»", se souvient-il.

C'est Lucien Bouchard, que Mélanie Joly décrit comme son mentor, qui a suggéré à la candidate d'approcher François Leblanc. «Quand elle m'a contacté à mon tour, je lui ai dit: OK, je ne suis pas contre le fait de te rencontrer demain. Elle m'a répondu: non, pas demain, tout de suite! Je me suis dit: wow, elle a du front! Je l'ai rencontrée le soir même. Ce qui m'a beaucoup surpris, c'est sa détermination et la confiance qu'elle dégage.»

Au cours de cette rencontre, François Leblanc lui a franchement dit qu'elle partait de loin. Mais aujourd'hui, il trouve qu'elle a parcouru bien du chemin.

Mardi, un sondage CROP-Radio-Canada a dévoilé que Denis Coderre menait dans la course à la mairie de Montréal avec 41% des intentions de vote, suivi de Mélanie Joly (24%), Richard Bergeron (21%) et Marcel Côté (11%).

La grande surprise fut l'ascension de Mélanie Joly. Neuf jours plus tôt, un sondage du Journal de Montréal lui donnait 16% des intentions de vote des Montréalais, soit la quatrième place, un point derrière Côté.

«On a dit à nos candidats, au lendemain du premier sondage, qu'on s'attendait à finir en deuxième place aux élections, mais honnêtement, on ne s'attendait pas à être deuxième la semaine d'après!»

Marcel Côté a lui-même attribué sa chute dans les sondages à la controverse des appels automatisés. Le sondage a aussi été mené deux jours après un débat télévisé à Radio-Canada, où Mélanie Joly a été invitée à la dernière minute.

«Dépasser Marcel Côté n'était pas en soi surprenant; dépasser Projet Montréal, c'est un bonus», affirme l'attaché de presse de Mélanie Joly, Frédéric Lepage.

Youri Rivest, vice-président de la maison de sondage CROP, admet avoir été surpris qu'elle passe au deuxième rang. Il nuance toutefois la portée du sondage.

«Il faut vraiment le prendre avec un grain de sel, c'est-à-dire que les gens qui votent Mélanie Joly sont surtout des gens qui ne s'intéressent pas beaucoup à la politique. Au fond, je pense qu'elle incarne l'anti-politicienne. Est-ce que ce capital de sympathie va se traduire le jour de l'élection? Ça va être tout un défi pour elle.»

Reste qu'il arrive que des gens inconnus au début d'une campagne parviennent à prendre le pouvoir. «Au niveau municipal, il y a beaucoup de gens qui ont commencé dans les «un chiffre» dans les sondages, puis qui sont devenus maires», admet M. Rivest. «C'est arrivé à Ottawa, c'est arrivé à Calgary et c'est arrivé à Régis Labeaume. Le principe derrière ce phénomène, c'est que tu n'as pas de notoriété, et à mesure que ta notoriété augmente, tes appuis augmentent.»

Le plan de l'équipe Joly

La visibilité a toujours été au centre du plan mis en oeuvre par l'équipe de Mélanie Joly. Le but ultime étant d'être invitée aux débats.

«Le défi était de la faire connaître, et c'était un défi doublement difficile parce qu'on était en période d'été alors que les médias parlaient presque exclusivement de Lac-Mégantic», explique Frédéric Lepage. «Après le lancement, il y a eu une période de vide autour de la question municipale, mais nous, on a poursuivi les approches sur le terrain.»

Durant cette période, Mélanie Joly a utilisé son compte Twitter pour se positionner sur des enjeux. «Elle est allée à la rencontre des gens durant tout l'été dans les activités publiques et les activités en plein air. On a mis cela sur les réseaux sociaux, donc à la rentrée, les journalistes qui avaient été peu présents ou qui ne l'avaient pas couvert étaient quand même conscients qu'on avait fait campagne tout l'été.»

Les partisans de Mélanie Joly sont aussi très actifs sur les médias sociaux et ils ont été nombreux à écrire à différents médias ou organismes comme la chambre de commerce pour exiger qu'elle soit présente aux débats.

Jusqu'à cette semaine, TVA résistait à l'idée de l'inviter à ses débats Face à face, mais après les résultats du dernier sondage, ils ont modifié la formule afin de pouvoir l'inclure.

Qui l'entoure?

Mélanie Joly a occupé plusieurs fonctions au cours des dernières années. Pour la campagne électorale, elle s'est entourée d'amis, d'anciens collègues, d'avocats qu'elle a côtoyés au Jeune Barreau du Québec ou de membres du mouvement Génération d'idées.

Frédéric Lepage a déjà travaillé pour Mélanie Joly lorsqu'elle était au cabinet de relations publiques Cohn&Wolfe.

L'homme chargé de rédiger sa plateforme électorale est Mathieu Bouchard, un avocat avec qui elle a fait son stage au cabinet Davies, Ward, Phillips&Vineberg. C'est aussi là qu'elle a fait la connaissance de Lucien Bouchard.

Photo David Boily, La Presse

L'ancien chef de cabinet de Gilles Duceppe François Leblanc (à droite) s'était juré de ne plus revenir en politique après la défaite du Bloc québécois en 2011, mais la jeune femme, dit-il, l'a convaincu de diriger sa campagne.

Une vingtaine de personnes ont assisté Mathieu Bouchard dans la préparation de sa plateforme. Plusieurs sont issus du groupe de réflexion M-19 (M pour Montréal, 19 pour le nombre d'arrondissements). Le groupe de gens de divers horizons se réunissait depuis deux ans chez elle pour réfléchir à des questions montréalaises.

Un autre membre de sa garde rapprochée, Mathieu Bélanger, est un urbaniste qui s'est chargé d'élaborer la portion sur le SRB (système rapide par bus), l'une des promesses phares de son programme. Il est candidat dans Verdun.

Frédéric Carle, un avocat criminaliste qui a déjà été président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal, est responsable de l'équipe de bénévoles. Depuis le dévoilement du sondage, dit-il, il reçoit environ 20 nouvelles offres de bénévolat par jour.

«Il y a des gens qui disent qu'elle n'a pas d'équipe, c'est faux», dit-il. «Par ailleurs, même si on n'a pas 103 candidats, ceux qui sont là sont motivés, ils sont confiants, ils travaillent fort sur le terrain et ils sont préparés. Il n'y a rien de ce qu'on a vu durant la vague orange du NPD où une candidate était à Vegas. Personne n'est là pour être un poteau.»

Photo David Boily, La Presse

L'homme chargé de rédiger sa plateforme électorale est Mathieu Bouchard, un avocat avec qui elle a fait son stage au cabinet Davies, Ward, Philips & Vineberg.