Ils sont quatre et ils s'affrontent pour devenir maire de Montréal. Ils ont un parti, une équipe, un programme. Mélanie Joly et Marcel Côté se lancent en politique pour la première fois, Denis Coderre est un vétéran de la scène fédérale et Richard Bergeron connaît tous les recoins de l'hôtel de ville de Montréal où il ronge son frein dans l'opposition depuis huit ans. Notre chroniqueur Michèle Ouimet les a suivis pendant une journée, de l'aube à la nuit, sans les lâcher d'une semelle. En métro, en BIXI, en auto et à pied. Aujourd'hui, Marcel Côté.

1- 9h - Un début tranquille

Marcel Côté ouvre la porte de son condo situé près de l'Université McGill, détendu, souriant.

Son appartement ressemble à un musée. Tout est beige et blanc, les tapis, les fauteuils en cuir, les murs. Épuré. Ordonné. Rien ne traîne. Quelques tableaux ornent les murs. Les fenêtres donnent sur la ruelle. Il fait un temps superbe, un temps d'été. Un vent léger balaie les arbres.

Sa femme m'avertit: «Je ne veux pas m'impliquer, c'est mon choix. Notre relation va s'en porter mieux. On n'est pas un couple fusionnel.»

Elle prépare deux cafés qu'elle dépose sur la table vitrée de la salle à manger, puis elle se retire dans une autre pièce.

Ils sont ensemble depuis 41 ans et ils vivent dans le même condo depuis 31 ans.

Marcel Côté aime la stabilité.

Même s'il a 71 ans, c'est une dynamo qui fait plusieurs choses en même temps. Sa femme me prévient. «Essayez de le suivre. Bonne chance.»

Il a douté avant de se lancer en politique. Il était prêt à annoncer sa candidature lorsque l'arrestation de l'ex-maire Michael Applebaum a tout remis en question. «Je me suis dit: «Qu'est-ce que je vais faire là-dedans? J'ai pas besoin de ça! " La police, la fraude, je voulais rien savoir.»

Il a reculé, hésité, puis il a décidé de plonger. Sa première expérience en politique. À 71 ans.

Depuis qu'il a fait le saut, il n'a plus une minute à lui. Son dernier film? "Ça fait neuf mois que je n'ai pas été au cinéma.» Son dernier livre? «Je ne lis plus, madame. En politique, on ne lit pas. Je n'ai plus de temps pour ça. Ça n'a pas de bon sens!»

Marcel Côté pousse sa tasse de café, se lève, va dans son bureau, ouvre son ordinateur et vérifie s'il y a des BIXI près de chez lui.

Il attrape son veston et embrasse sa femme.

«On y va?»

Il est prêt.

2 - L'hyperactif (10h)

Marcel Côté enfourche son BIXI et pédale à fond de train dans la circulation lourde du centre-ville. Il laisse son BIXI au square Victoria et fait le reste du chemin à pied. Les rues sont bloquées à cause de la journée En ville sans ma voiture. Il marche vite, des grandes foulées nerveuses, pique à travers un stationnement, saute un muret de béton et arrive en un morceau à son quartier général situé dans la rue Saint-Maurice dans le Vieux-Montréal.

Sa directrice des communications, Christine Mitton, l'attend. Elle a pris Marcel Côté sous son aile. Elle en a vu d'autres. Elle a travaillé avec Jacques Parizeau, Louise Harel, Serge Ménard, Bernard Landry. Elle s'est présentée pour Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay, en 2005. Battue. Elle a ensuite ouvert une boutique de cupcakes sur l'avenue du Mont-Royal, loin, très loin de la politique. Elle a abandonné ses petits gâteaux pour les élections.

Elle voit Marcel Côté débouler dans le bureau. Il tourne en rond, à la recherche d'occupations. «M. Côté est un hyperactif, dit-elle. Il n'aime pas les temps morts. Il faut qu'il apprenne à prendre des pauses.»

Elle l'enferme dans un bureau avec une pile de feuilles à signer.

À 11h, l'équipe de Marcel Côté se réunit. À midi, il doit donner un point de presse. M. Côté se balance sur sa chaise, écoute, jette un oeil sur le téléviseur.

Christine Mitton me regarde. «Notre défi, c'est de l'asseoir pour qu'il nous écoute. Il est habitué de mener cinq affaires de front.»

Marcel Côté sourit. Le commentaire ne le froisse pas. «J'en prends et j'en laisse», dit-il, philosophe.

Le briefing continue.

«Les journalistes vont vous parler des pancartes, l'avertit Christine Mitton. Projet Montréal (Richard Bergeron) a gagné, ils sont partout.»

Marcel Côté écoute, distrait par la télévision et le balancement de sa chaise.

«Je vais faire un discours d'ouverture. J'annonce rien? demande-t-il.

- Non, rien, répond son attaché de presse, Olivier Lapierre. On fait du bruit, tambour, trompette.»

L'équipe se lève. Marcel Côté bondit de sa chaise. Tout le monde prend un foulard orange, la couleur de la coalition. C'était celle du NPD qui a balayé le Québec en 2011, c'est celle aussi de Mélanie Joly, son adversaire. L'orange est à la mode.

L'équipe s'engouffre dans l'ascenseur, Marcel Côté en tête.

3 - Le débutant (16h)

16h, complexe Desjardins. Le journaliste de Radio-Canada, Michel C. Auger, interviewe les candidats à la mairie devant public. Richard Bergeron et Denis Coderre s'en tirent bien. Marcel Côté, lui, s'enfarge dans des explications compliquées. Michel C. Auger le brasse, Côté s'enlise.

Après les entrevues, trois journalistes commentent la performance de chaque candidat. Marcel Côté se fait écorcher.

Christine Mitton est assise dans la salle. Elle prend des notes et secoue la tête, découragée. Elle écrit sur une grande feuille de papier «emballant et rassembleur». «Il nous reste 43 jours pour réussir ça», me dit-elle.

Marcel Côté arrive: «Pis, comment tu m'as trouvé?»

Silence.

«Viens, on va prendre un café», dit-elle en guise de réponse.

Christine Mitton lui explique calmement qu'il n'a pas l'art du clip. Marcel Côté se rebiffe. «C'est Michel C. Auger qui a tout compliqué!» Mais il se calme rapidement.

«C'est compliqué, mais je vais réussir, dit-il. Je commence à aimer ça.

- Vous êtes tellement habitué de faire des longs discours. Il faut que vous vous ramassiez. C'est difficile de sortir la clip. C'est notre défi.

- Je pense que je fais des progrès depuis deux mois. Avant c'était long, long, long.

- N'oubliez pas: on ne s'enflamme pas pour des structures.»

Marcel Côté cale son deuxième espresso. Il doit donner une autre entrevue à Radio-Canada. «C'est quoi mon one liner? , demande-t-il. Mettre de l'ordre à l'hôtel de ville ou travailler sur les fondations? C'est quoi le meilleur?»

Il se dirige vers la rue Sainte-Catherine. L'entrevue se fait à l'extérieur devant le complexe Desjardins. Pendant qu'il s'installe devant la caméra sous les yeux des badauds, son attaché de presse lui dit:

«Il faut que vous soyez confiant et que vous souriiez.»

Marcel Côté soupire: "Ça fait beaucoup de conseils.»

4 - Le casse-cou (19h30)

Marcel Côté a couru toute la journée. Il a donné une dizaine d'entrevues, mangé une salade sur le pouce qu'il a finie dans l'auto parce qu'il était en retard pour sa rencontre avec des musulmans de Pointe Saint-Charles et interviewé une candidate potentielle prête à larguer Projet Montréal pour joindre les rangs de sa coalition... Il s'est déplacé en BIXI entre deux rendez-vous.

Il finit la soirée à l'hôtel Sheraton, invité par la consule générale de Chine. Il arrive en retard et écoute, stoïque, les discours soporifiques des invités. La grande salle du Sheraton est pleine à craquer: Richard Bergeron, Pierre Bourque, Stéphane Dion, des ministres, Lisée, De Courcy.

Après les discours, Marcel Côté vide quelques verres de vin, serre des mains, discute. Il accroche Jean-François Lisée, ministre responsable de la métropole. «J'attends les résultats des sondages, lui dit Côté. Si c'est bon, on se parlera plus sérieusement.»

Les deux hommes se tutoient. Ils se connaissent bien. Dans les années 90, Lisée conseillait Parizeau, Côté, Bourassa.

La salle se vide tranquillement, Côté est un des derniers à partir.

Il enfourche un BIXI et brûle les feux rouges. Il veut visiter le jardin de la maison Notman avec ses grands arbres qui pourraient être rasés pour faire place à des condos de luxe. La maison Notman est protégée par son statut patrimonial, mais pas le jardin. Il fait noir, on ne voit pas grand-chose.

Marcel Côté essaie d'entrer, mais le jardin est clôturé. Il fait le tour de la maison située rue Sherbrooke. Elle est en rénovation. Il voit des ouvriers et il leur demande s'il peut aller dans le jardin. Ils acceptent. Il doit descendre un mur de béton d'une dizaine de pieds pour se rendre dans le jardin. Au retour, il escalade le mur, remercie les ouvriers, reprend son BIXI et rentre chez lui. Il est 21h30.

Il est fringant, je suis crevée.

J'ai compris pourquoi sa femme m'avait souhaité bonne chance.

Marcel Côté

Âge: 71 ans

> Nom du parti: Coalition Montréal Marcel Côté

> Nombre de candidats: 97 sur 103

> Début de la journée: 9h

> Fin: 21h30

> Moyens de transport utilisés: auto, BIXI.

> Endroits visités: centre-ville, Pointe Saint-Charles (Sud-Ouest).

> Directeur de campagne: Mario Lapointe qui vient du PQ et de la CAQ et Sébastien Lachaine qui vient du PLQ.

> Twitter: Marcel Côté: 2284 abonnés Coalition Montréal: 107 abonnés

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