Ils sont quatre et ils s'affrontent pour devenir maire de Montréal. Ils ont un parti, une équipe, un programme. Mélanie Joly et Marcel Côté se lancent en politique pour la première fois, Denis Coderre est un vétéran de la scène fédérale et Richard Bergeron connaît tous les recoins de l'hôtel de ville de Montréal, où il ronge son frein dans l'opposition depuis huit ans. Notre chroniqueuse Michèle Ouimet les a suivis pendant une journée, de l'aube à la nuit, sans les lâcher d'une semelle. En métro, en BIXI, en voiture et à pied. Aujourd'hui, Mélanie Joly.

1- Le réveil

Je sonne chez Mélanie Joly à 6h23, deux minutes en avance sur l'horaire prévu. Elle ouvre la porte. Elle n'est ni peignée ni maquillée. «Je suis toujours en retard!», dit-elle en grimpant rapidement les marches qui mènent au troisième étage.

Son appartement est à couper le souffle: plafonds hauts, grandes fenêtres qui s'ouvrent sur le parc La Fontaine, six puits de lumière qui filtrent les premières lueurs du jour et une terrasse. Tout est blanc: les fauteuils, le comptoir, les armoires, les murs. Seule tache de couleur: des tabourets rouge vif. Par terre, des tableaux de peintres québécois qui attendent d'être accrochés au mur, des tableaux qu'elle a choisis en écumant les galeries d'art.

Sur la table du salon, des DVD de la série télévisée Downton Abbey qu'elle n'a pas le temps d'écouter, trop prise par la campagne électorale.

Le matin, elle ne lit aucun journal papier. Elle surfe sur le web: Facebook, Twitter, BBC, New York Times, sans oublier les blogues comme Apathy is Boring (www.apathyisboring.com/fr).

7h45. Maquillée, coiffée de son habituelle queue de cheval, Mélanie Joly traverse le parc La Fontaine pour se rendre au métro. Pendant que la ville se réveille et que le soleil inonde l'étang où glissent des canards, Mélanie Joly marche à grands pas avec ses bottes à talons hauts. Elle parle, parle et parle: des gens qui se réunissaient chez elle l'année dernière pour brasser des idées sur Montréal, de son enfance à Laval, de ses parents, père comptable, mère directrice d'école, de ses études secondaires au chic collège privé Regina Assumpta et de son ambition de devenir mairesse, même si elle n'a que 34 ans et aucune expérience en politique.

Elle s'engouffre dans le métro. À 7h30 commence un déjeuner avec des leaders en transport. Elle arrive à l'heure.

2- L'ombre de Lucien Bouchard

Une fois par mois, Mélanie Joly parle à l'ex-premier ministre Lucien Bouchard, son mentor. Elle lui demande des conseils. Elle se rend parfois à son bureau du centre-ville.

«Lucien Bouchard a créé un parti, explique-t-elle. Comme moi.»

Mélanie Joly n'a pas peur de se comparer aux plus grands.

Lucien Bouchard lui a suggéré d'embaucher François Leblanc comme directeur de campagne. Il a été le chef de cabinet de l'ex-leader du Bloc québécois Gilles Duceppe pendant 12 ans. Son attaché de presse, Frédéric Lepage, a aussi travaillé au Bloc, de 2001 à 2009. On nage en pleine filière souverainiste.

La campagne de Mélanie Joly est minimaliste. Trois employés à temps plein: Leblanc, Lepage et une secrétaire. Le reste? Des bénévoles, dont la mère de Mélanie Joly, qui regarde sa fille avec des étoiles dans les yeux.

Le quartier général du parti est situé dans un édifice industriel du Mile-Ex, nouveau quartier à la mode. Mélanie Joly arrive à son local à 9h30. À 11h, elle doit donner un point de presse pour présenter neuf nouveaux candidats. Son attaché de presse met la dernière touche au communiqué. Mélanie Joly se penche au-dessus de son épaule et change un mot ou deux.

Ses candidats arrivent, des nouveaux qui plongent pour la première fois en politique. Ils sont nerveux. Karim Metwalli, candidat dans Pierrefonds-Roxboro, est anxieux. Chaque fois que Mélanie Joly passe à côté de lui, il l'accroche.

- Penses-tu que les journalistes vont me poser des questions?

- Je le sais pas, répond-elle, légèrement agacée.

Son attaché de presse la briefe. «Les journalistes vont souvent à la pêche», la prévient-il. Elle écoute, attentive.

Juste avant le point de presse, elle s'engouffre dans les toilettes et sort sa trousse de maquillage. Un peu de mascara, du fard à joues et du rouge à lèvres qu'elle applique d'une main experte qui trahit l'habitude. Elle se regarde une dernière fois dans le miroir, satisfaite, puis elle sort, prête à affronter les journalistes.

- Nerveuse?

- Non, je suis contente!

Elle se souvient du lancement de sa campagne, en juin, le jour où Michael Applebaum a été arrêté par la police. Le point de presse avait été musclé et elle avait été durement critiquée: mal préparée, programme bâclé, travail d'amateur.

«C'était difficile, reconnaît-elle. J'arrivais, je me lançais. En trois mois, j'ai vieilli de cinq ans.»

Après le point de presse, Karim Metwali l'accroche de nouveau. Il lui explique la vie municipale: «Il faut que tu aimes les vidanges. Montréal, c'est pas un Parlement.»

Mélanie Joly acquiesce, reprend son souffle, parle à ses collaborateurs, attrape son immense sac à main et part au Caffé Italia.

3- Trop belle pour la mairie?

Le midi, elle mange souvent au Caffé Italia, à deux pas de son local. Elle s'y rend à pied, de sa démarche nerveuse, en claquant ses talons sur le trottoir.

Elle prend toujours le même sandwich, le misto: capicollo, salami, mortadelle. Pendant qu'elle mord à pleines dents dans son sandwich au milieu du brouhaha, elle parle des raisons qui l'ont poussée en politique. «Je veux améliorer le sort de la société. La politique, c'est noble...»

Un vieil Italien s'approche de sa table d'un pas chaloupé. Petit, sec, 70 ans bien sonnés. Il se plante devant Mélanie Joly, son dépliant dans les mains. Un dépliant léché où elle pose, habillée en noir sur fond noir, les mains sur les hanches, ses cheveux blonds attachés en queue de cheval, ses yeux verts plantés dans l'objectif, sourire aux lèvres.

- Dans la vie, ce n'est pas assez d'être belle, lui dit Felice Fiorante.

- Je suis avocate, répond-elle

- Ha!

- J'ai eu une compagnie.

- Ah! C'est bien. Si, si.

- Je me suis impliquée dans la société.

- Pourquoi je dois voter pour vous?

- On va voir beaucoup d'autobus à Montréal, comme un métro, mais en surface.

- Oh! Oh! Je vais voter pour vous... peut-être. Mais n'oubliez pas, ce n'est pas que la beauté qui compte.

4- Le blitz

Métro Beaubien, milieu de l'après-midi. Mélanie Joly s'apprête à partir à l'assaut des voyageurs en compagnie d'une poignée de candidats jeunes et enthousiastes.

Elle entre dans une voiture avec une pile de dépliants qu'elle distribue avec une énergie électrisante. Elle se présente en parlant haut et fort pour couvrir le bruit du métro. «Bonjour! Je m'appelle Mélanie Joly et je me présente à la mairie de Montréal!» À chaque station, elle change de voiture. Elle croise par hasard une amie de Regina Assumpta, Lilianne Castravelli. Elles s'embrassent.

«Mélanie était brillante, dit-elle. Elle avait beaucoup de charisme. Elle était très sportive. C'était LA fille populaire. Ça ne me surprend pas qu'elle se lance en politique, elle est assez extravertie.»

Mélanie Joly sourit. «Il fallait tout le temps que je parle!», dit-elle en riant.

Elle continue de naviguer de voiture en voiture en serrant des mains. L'accueil est poli, réservé.

Après le blitz, on prend un café à la Boîte gourmande, sur le Plateau. La propriétaire, Hélène Marquis, en profite pour se vider le coeur: les taxes trop élevées, l'administration kafkaïenne qui lui empoisonne la vie. Mélanie Joly hoche la tête, lui pose des questions. Elle saute ensuite dans un taxi pour assister au lancement du Festival du film black qui se déroule au centre-ville. Elle parle, parle et parle, les yeux rivés sur son iPhone.

Que fera-t-elle si elle n'est pas élue? Elle déborde de projets. «Je vais écrire un essai sur la politique et la génération des 18-40 ans. J'ai déjà écrit 25 pages. Je vais aussi voir ce qu'on va m'offrir. Je vais peut-être lancer mon entreprise. Je ne veux pas travailler juste pour l'argent. J'ai déjà fait 90 heures par semaine dans un cabinet d'avocats. Money is overrated.»

Ce qui intéresse Mélanie Joly, c'est le pouvoir, le vrai. Être maire de Montréal. Si elle n'est pas élue - elle croit qu'elle a des chances -, elle jure qu'elle sera là en 2017.

MÉLANIE JOLY

Âge: 34 ans

Nom du parti : Le vrai changement pour Montréal

Nombre de candidats : 58 sur 103

Début de la journée: 6h23

Fin: 20h30

Moyens de transport utilisés pendant la journée: métro, taxi, voiture

Endroits visités : Plateau, centre-ville, Mile-Ex, Petite-Patrie

Slogan: Le vrai changement pour Montréal

Directeur de campagne: François Leblanc, chef de cabinet de Gilles Duceppe, ex-leader du Bloc québécois

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