Ils sont quatre et ils s'affrontent pour devenir maire de Montréal. Ils ont un parti, une équipe, un programme. Mélanie Joly et Marcel Côté se lancent en politique pour la première fois, Denis Coderre est un vétéran de la scène fédérale et Richard Bergeron connaît tous les recoins de l'hôtel de ville de Montréal où il ronge son frein dans l'opposition depuis huit ans. Notre chroniqueuse Michèle Ouimet les a suivis pendant une journée, de l'aube à la nuit, sans les lâcher d'une semelle. En métro, en BIXI, en auto et à pied. Aujourd'hui, Denis Coderre.

1- Mauvais début

Il est 6h10. La rue Lamoureux est plongée dans le noir. Seule la maison de Denis Coderre, modeste cottage à Montréal-Nord, est éclairée.

Ding dong. Le bruit de la sonnette résonne dans le silence de la nuit. Denis Coderre ouvre la porte, contrarié. «Il y a du monde qui dort ici!»

Le ton est bête, tranchant. Je me confonds en excuses. «On avait rendez-vous à 6h10, j'ai vu de la lumière...»

Denis Coderre me laisse entrer à contrecoeur. Le salon est en désordre. Du linge traîne sur les fauteuils et sur la rampe d'escalier qui monte au deuxième, des souliers s'entassent au pied des marches, une pile de livres encombre le manteau de la cheminée, des livres sur le cinéma, Spielberg, Al Pacino, les arts décoratifs et le design.

Denis Coderre a une femme et deux grands enfants, de 18 et 20 ans, qui dorment - ou plutôt dormaient - à l'étage.

Coderre est un matinal. Tous les matins, il se lève à 5h15. «Je lis les journaux, je regarde mes affaires, je planifie ma journée.»

Son chauffeur, ancien pompier de Montréal, l'attend. Denis Coderre se glisse dans l'auto. Il ne prendra ni métro, ni BIXI, ni taxi. Auto et chauffeur toute la journée. On file à Radio-Canada dans les rues endormies de Montréal-Nord. Le soleil se lève, l'air est doux. Il fera chaud, même si l'été est fini.

On est en avance. Denis Coderre arrête dans un café près de Radio-Canada. Il salue tout le monde, met sa main sur l'épaule des gens et leur demande de sa voix forte: «Ça va ce matin? Oui? Good!»

Il achète un grand café, puis il s'engouffre dans l'édifice de Radio-Canada, prêt à répondre aux questions de Marie-France Bazzo.

2- Le brusque Coderre (7h30)

Après l'entrevue avec Bazzo, Denis Coderre se dirige vers la cafétéria de Radio-Canada. Il prend des oeufs, des saucisses, des pommes de terre, des tomates et des rôties. Entre deux bouchées, il parle de la Charte des valeurs. Il est contre, archicontre.

«Tu peux pas définir Montréal par sa diversité, puis l'enlever, dit-il. J'ai été ministre de l'Immigration après le 11-Septembre et j'ai vu des choses pas très jolies, de l'islamophobie, des courriels haineux.»

Puis il passe au Vieux-Port.

- Je veux redonner les berges aux Montréalais.

- Allez-vous enlever le chemin de fer?

- Je suis pas rendu là. Je veux que le Vieux-Port soit sous la juridiction de Montréal.

Il parle de zone franche, de foire, de centre de croisière. Je lui demande des précisions. Quelles seront les limites du Vieux-Port? Plus tard dans la journée, je lui pose la même question. Coderre s'impatiente. «Tu me l'as demandé ce matin. Écoute! Sinon, je vais mettre mes écouteurs!»

Retour dans l'auto. En avant, l'attachée de presse, Isabelle Perreault, est débordée et passe son temps au téléphone, noyée dans ses notes. En arrière, Denis Coderre pianote sur son iPhone et passe des coups de fil.

Il veut assister à la clôture des Mosaïcultures. Un banquet est organisé le soir même à l'hôtel de ville pour souligner l'événement. Le Tout-Montréal sera là. Entre deux appels, l'attachée de presse écoute les ordres de M. Coderre.

«Il faut revoir l'agenda pour rentrer les Mosaïcultures. Trouve une façon d'attacher tout ça.»

Denis Coderre peut se mettre en colère. Il a fait de la radio à CKVL pendant trois ans au début des années 90, entre deux défaites électorales. Il a engueulé l'ex-felquiste Paul Rose. «J'ai pété les plombs, avoue-t-il. Je lui ai dit: "Comment un enfant de chienne comme toi qui a tué quelqu'un peut ne pas avoir de remords?" C'est venu me chercher.»

Il me regarde prendre des notes. «Écris pas ça.»

3- Le populiste (entre 9h et 17h)

Au cours de la journée, Denis Coderre rencontre des producteurs multimédias, les Amis de la montagne et une entreprise d'économie sociale. Chaque fois, il fait le tour des bureaux, serre la main des gens, puis il s'assoit, écoute et prend des notes sur une feuille pliée en quatre qu'il range ensuite dans la poche intérieure de son veston.

Il multiplie les formules toutes faites: «C'est pas la grosseur de la hache qui compte, mais le swing dans le manche», «mâcher de la gomme et marcher en même temps», «c'est pas parce que le toit coule qu'il faut démolir la maison», «je ne fais pas de guerre de drapeau, je suis allergique au nylon», «moi, c'est low expectation, high delivery».

À chaque rencontre, il rappelle son expérience dans le gouvernement libéral. «Quand j'étais ministre de l'Immigration...» «Quand j'étais ministre des Sports...»

Après sa rencontre avec les producteurs multimédias, il me dit, satisfait: «Le Jello a pogné.»

Denis Coderre ne passe pas inaperçu. Certains viennent le saluer. Il met sa main sur leur épaule et il leur balance un «Ça va?» bien senti.

Il ne veut pas de pancarte. «Une pancarte, ça vote pas», aime-t-il répéter. Il ajoute: «Personne va vandaliser ma face.»

Au centre commercial Place Bourassa, à Montréal-Nord, Denis Coderre fait un malheur. Il se plante devant les portes du supermarché et accoste les gens qui sortent avec leur épicerie.

Il rit, fait des blagues, donne des tapes dans le dos, embrasse les femmes, donne la main. Il se mêle aux électeurs avec une aisance qui ferait pâlir d'envie le politicien le plus aguerri. Il est comme un poisson dans l'eau. Coderre a 10 campagnes électorales dans le corps et Montréal-Nord est son fief. Il en connaît un rayon sur les poignées de main.

Une vieille dame pousse un chariot rempli de sacs d'épicerie. Coderre l'arrête.

- Qu'est-ce qu'on mange pour souper? lui demande-t-il.

La dame rit.

- Ah! Vous avez de la crème à glace. Je vous retiens pas, sinon ça va faire des milk shakes.

La dame part, conquise.

Un homme, Clément Bisson, arrête son camion, descend et vient serrer la main de Denis Coderre.

«Je l'admire, explique-t-il. Il a l'air sincère, et c'est un fonceur.»

Coderre aime être à l'avant de la scène. En maternelle, il était président de sa classe. «J'étais très hyperactif, je parlais tout le temps.»

Il a appris jeune. «Ma mère était très sociable. Mon père, menuisier, était un conteur exceptionnel. Quand il allait chercher de l'essence, il débarquait de son auto et parlait au monde. Il me disait: "C'est important de s'intéresser aux autres."»

Le jeune Coderre avait 4 ou 5 ans, il suivait son père partout. Il a retenu la leçon.

4- Le pouvoir près, tout près (17h)

Vers 17h, Denis Coderre quitte le centre commercial et file au restaurant Costa Del Mare. Il passe en coup de vent, le temps de serrer des mains, saluer la trentaine de personnes présentes, prononcer un discours éclair et se faire prendre en photo. L'opération dure 15 minutes à tout casser. Coderre ne veut pas arriver en retard au banquet des Mosaïcultures.

Il arrive à l'hôtel de ville de Montréal vers 18h. Il monte les marches lentement, comme un conquérant. Sur la terrasse arrière, le gratin montréalais boit du vin et avale des bouchées. La vue est magnifique, le soleil se couche derrière les gratte-ciel.

Coderre croise ses adversaires Marcel Côté et Richard Bergeron. Coderre interpelle Côté, le candidat le moins connu. «Viens ici, Marcel, je vais t'aider un peu!» dit Coderre en riant. Les deux hommes se font prendre en photo. Richard Bergeron fait la même blague. Il se laisse photographier à côté de Coderre. «Hein, Denis, ça va faire du bien à ta campagne!»

Puis les trois hommes discutent de sondages et du prochain débat organisé par Radio-Canada.

Coderre doit partir, une autre activité l'attend dans l'ouest de la ville. «Bon, j'ai fait le tour deux fois, dit-il en parcourant la foule des yeux. Je jette un dernier regard avant de partir.»

Il ne partira que 15 minutes plus tard, le temps de serrer d'autres mains, d'embrasser d'autres joues, de mettre sa main sur d'autres épaules.

Denis Coderre

> Nom: Denis Coderre

> Âge: 50 ans

> Nom du parti: Équipe Denis Coderre

> Nombre de candidats: 101 sur 103

> Début de la journée: 6h10

> Fin: 20h

> Moyens de transport utilisés pendant la journée: auto avec chauffeur

> Endroits visités: Montréal-Nord, centre-ville, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal, Pointe-Saint-Charles, Plateau.

> Directeur de campagne: Pierre Paiement qui a été au Bloc québécois, avec Jean Doré en 1998 et avec Vision Montréal.

> Twitter: Denis Coderre: 112 485 abonnés Équipe Denis Coderre: 542 abonnés

> Facebook: Denis Coderre: 9857 amis Équipe Denis Coderre: 1047 amis