Des associations de personnes âgées ont réclamé, hier, que le Directeur général des élections enquête sur le fait qu'on ait fait voter des aînés gravement atteintes de la maladie d'Alzheimer.

La semaine dernière, La Presse a relaté l'histoire d'Annette, résidante de Saint-Lambert atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui a voté dans un bureau de vote itinérant le 24 octobre, alors qu'elle ne reconnaît plus ses enfants et n'est même plus capable de tenir un crayon.

 

Depuis, La Presse a reçu plusieurs témoignages qui dénoncent pareilles situations. Bianca Battistini, qui se présentait comme conseillère dans le district Marie-Rivier, à Sherbrooke, a été témoin de ce qu'elle appelle un «vote forcé».

Dans son district, sept résidences pour personnes âgées ont reçu la visite d'un bureau de vote itinérant, dont le CHSDL Saint-Vincent-de-Paul. Mme Battistini connaît très bien cet établissement puisqu'elle s'y rend tous les midis pour faire manger son père.

Quand Mme Battistini a obtenu la liste des gens qui avaient voté grâce à ce bureau itinérant, elle a été très surprise d'y voir les noms de 70 pensionnaires du CHSLD Saint-Vincent-de-Paul. «La majorité des gens qui habitent là ne savaient même pas qu'il y avait des élections! Je n'en revenais pas!» raconte Mme Battistini.

Toujours dans le district de Mme Battistini, la Résidence Murray a aussi reçu la visite d'un bureau de vote itinérant. Mais le propriétaire, Pierre Chapdelaine, a refusé de faire voter tous ses pensionnaires. «Aux dernières élections provinciales et fédérales, des gens totalement inaptes avaient voté. Je ne voulais pas que ça se reproduise», raconte M. Chapdelaine.

«Certains résidants atteints d'alzheimer se rendaient dans l'isoloir avec une personne pour les aider. Ils ne savaient même pas ce qu'ils faisaient! La personne qui les accompagnait aurait pu leur faire écrire n'importe quoi», ajoute la directrice adjointe de la Résidence Murray, Micheline Aubut.

Mme Aubut a tenté de convaincre le personnel électoral de ne pas faire voter les gens trop confus. «On m'a répondu que s'ils savaient leur nom, ils pouvaient voter!» dit-elle.

L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) a dénoncé, hier, «le fait que des scrutateurs peu scrupuleux aient «tenu le crayon» pour faire voter des personnes âgées atteintes d'alzheimer». «On demande au DGE d'enquêter là-dessus et de corriger la situation», dit le président de l'AQDR, Benoît Laprise.

L'Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec (AREQ) a aussi dénoncé cette «usurpation du vote». «Nous ne voulons pas que le vote itinérant disparaisse. Mais si la personne ne le demande pas et ne sait même pas qu'elle vote, elle ne devrait pas voter!» commente la présidente de l'AREQ, Mariette Gélinas.

La Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ) demande elle aussi l'intervention du DGE. «Comment ces personnes peuvent-elles faire un choix éclairé? Et physiquement, si elles ne peuvent même plus tenir un crayon, comment peuvent-elles voter?» demande le directeur général de la FADOQ, Danis Prud'homme.

Pour sa part, le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés, Yves Desjardins, croit qu'il y a une limite à «faire sortir le vote». «Si le DGE enquête, nous pourrons l'aider», affirme-t-il.

Au bureau du DGE, on dit traiter le dossier comme une plainte. Car la famille d'Annette a porté plainte au DGE la semaine dernière. «Nous en sommes au stade des vérifications», indique le porte-parole du DGE, Denis Dion.