À Huntingdon, le maire vedette Stéphane Gendron est en «campagne continuelle». Ses ennemis aussi...

Au restaurant Au coin de l'heure - le Times Square d'avant la loi 101? -, l'homme est formel: «Il en fait plus que les six maires avant lui ensemble...» Réunis pour le café de l'après-midi, une demi-douzaine de citoyens de Huntingdon, tous des partisans du maire Stéphane Gendron, à n'en pas douter, discutent des élections à venir. Constat unanime: c'est «réglé».

Mais le maire Gendron a des adversaires, non? «Wilburn est passé chez nous l'autre soir, mais il n'a pas de programme. Il veut juste déloger Gendron...» Et l'autre candidat, M. Aichouche? «On sait qu'il se présente, dit une femme, mais on sait même pas de quoi il a l'air!» Parce que le média traditionnel de l'affiche électorale est disparu de Huntingdon, les trois candidats ayant décidé de s'en passer: il s'agit peut-être d'une première québécoise.

 

Huntingdon en a connu, des premières, depuis que son fameux règlement de couvre-feu de 2003 (jamais appliqué par ailleurs) a propulsé «la capitale du Haut-Saint-Laurent» dans les manchettes nationales avant de faire de son nouveau maire d'alors, Stéphane Gendron, une star médiatique instantanée. On l'a vu à Télévision Quatre Saisons (qui l'a congédié); on l'a entendu au 98,5 FM (qui n'a pas renouvelé son contrat). Rayé du Barreau pour quatre ans en 2007, il est aujourd'hui maire de Huntingdon «à temps plein» et chroniqueur à l'émission du matin de V (ex-TQS), animée par Gildor Roy (fils de Gildor, ancien maire de Rigaud).

Stéphane Gendron ne devait pas solliciter un troisième mandat, mais il a changé d'idée. «Je suis revenu par devoir, nous a-t-il dit hier. Nos usines (de textiles) ont fermé en 2006 et on a travaillé fort pour relever la ville. On a plein de choses en marche mais, présentement, il n'y a personne pour prendre la relève. «Après moi, le déluge», ce n'est jamais une bonne idée... Dans quatre ans, la ville va avoir repris son rythme et je pourrai partir l'âme en paix.»

Entre-temps, Stéphane Gendron est en «campagne continuelle»... sur Facebook - sur sa page intitulée «Stéphane Gendron, maire de Huntingdon», il apparaît que, au-delà des partisans, il peut compter sur des milliers de fans.

Howard Wilburn, lui, n'est pas «membre». Au comptoir de sa station-service, M. Wilburn remplit la facture - quatre pneus posés et balancés - en répondant aux questions du journaliste. «Non, je n'ai pas de programme ici, avec moi... Mon but, c'est le respect: respect des gens, respect du conseil. Ça fait six ans que je suis conseiller et il faut que je me batte pour avoir de l'information sur les finances de la Ville. On est traités comme des citoyens de troisième classe. Il faut que ça arrête!»

Trois noms figurent sur le déflecteur de la dépanneuse du garage Wilburn: le premier, à gauche, est «Tonya». Tonya Wilburn est aussi membre du conseil de la Ville de Huntingdon, formant avec son père Howard ce qu'il y a tout lieu d'appeler l'opposition officielle. Et inconditionnelle.

L'an dernier, Mme Wilburn a menacé publiquement de poursuivre Stéphane Gendron pour «harcèlement sexuel», mais n'a jamais déposé de plainte formelle contre le maire qui avait enjoint à la conseillère de ne plus porter la mini-jupe aux séances du conseil. Entre autres «problèmes de comportement», M. Gendron reprochait à Mme Wilburn d'avoir fait circuler des photos d'elle en tenue légère dans le cadre de sa campagne pour devenir Miss Mustang 2008 du Mustang Fest de Huntingdon, une manifestation parrainée par M. Gendron, lui-même un inconditionnel de la Ford au cheval sauvage. Ont suivi une poursuite en diffamation intentée contre Mme Wilburn par M. Gendron et une résolution du conseil de la Ville de Huntingdon demandant la destitution de la conseillère, sous prétexte qu'elle vit dans une autre ville avec son conjoint, Christian Genest.

M. Genest, avocat de profession, est un ancien directeur général de la Ville de Huntingdon, congédié en février 2006 pour «incompétence». Au début de 2009, il devait prendre les mêmes fonctions à Otterburn Park, mais le maire Gerard Scraforth a opposé son veto, invoquant de «fausses représentations»: la lettre de recommandation soumise par M. Genest avait été signée par... Tonya Wilburn.

Au terrain d'exposition de Huntingdon, fermé pour l'hiver, Neil Hackett, un Irlandais arrivé au Canada il y a un demi-siècle, regarde le Centre industriel Stéphane Gendron, nommé en l'honneur du maire. «Le gars aime la controverse: it's his way or no way (sa façon et pas d'autre). Mais il faut admettre qu'il provoque les choses. Il n'arrête pas: la Ville achète un immeuble ici, un autre là. Peut-être qu'on va se réveiller un matin avec une dette-surprise de 3 millions...»

Karim Aichouche, quant à lui, préconise une approche prudente. Candidat de la onzième heure, il ne fait «pas campagne contre un homme ni contre un maire». «M. Gendron a fait ce qu'il a fait. Il y a des bonnes choses mais moi, j'ai mon propre programme de développement durable», nous a dit hier l'agronome d'origine algérienne, employé d'une entreprise agroalimentaire de Huntingdon. «Il faut s'occuper des citoyens, bâtir une économie qui ne s'effondrera pas parce que ça coûtera moins cher de fabriquer les produits en Inde ou en Chine.»

M. Aichouche dit être bien accueilli dans sa campagne de porte-à-porte. «Les gens, pour la plupart, écoutent ce que j'ai à dire. Jamais, en arrivant ici il y a cinq ans, je ne pensais qu'un jour, je serais candidat à la mairie d'une ville.»

«Vive le Québec!»