Gérald Tremblay voulait parler du Quartier des spectacles et de croissance économique. Louise Harel, du recouvrement de l'autoroute Ville-Marie et de la candidature de Montréal à l'Exposition universelle de 2020. Richard Bergeron, de transports en commun et de tramway.

Ils ont parlé d'éthique, d'éthique et encore d'éthique.

De leurs discours, interventions et débats, les trois principaux candidats à la mairie de Montréal ont évacué les mots neige, trottoirs, espaces verts, qualité de vie, sécurité publique, métro, taxes, tarifs et même (!) cols bleus. Ils les ont remplacés par compteurs d'eau, entrepreneurs en construction, enveloppes brunes, collusion, corruption, financement, enquêtes policières. Et, bien sûr, éthique.

 

Alors que les électeurs se préparent à rendre leur verdict, demain, la campagne électorale qui s'achève ne passera pas à l'histoire pour ses débats d'idées et de projets.

Une mauvaise chose? Le politologue Jean-Herman Guay de l'Université de Sherbrooke croit au contraire que le temps était venu de crever l'abcès de l'éthique avant d'aller de l'avant avec de grands projets fédérateurs.

«C'est peut-être le début de quelque chose de nouveau, dit-il en entrevue à La Presse. Les citoyens doivent réinvestir le champ municipal. C'est peut-être parce que les citoyens ne se sont pas investis dans la chose municipale qu'il y a eu autant de problèmes», pose M. Guay en hypothèse.

Il ne voit donc rien de mal à ce que l'éthique soit devenue le thème principal des élections. «C'est un enjeu comme un autre. Il faut se dire que l'on doit passer par là avant d'aller ailleurs. C'est un peu comme aller chez le dentiste.»

Les Montréalais lui donnent d'ailleurs raison. Dans un sondage publié hier pour le compte de La Presse, la lutte contre la corruption et la transparence étaient devenues pour eux la priorité de la prochaine administration. De plus, 36% des répondants ont affirmé que les scandales municipaux avaient «beaucoup» d'influence sur leur vote.

M. Guay se réjouit du taux de participation (5,37% après révision) enregistré lors de la journée de vote par anticipation. «Certains ont cru que la campagne soulèverait tant de cynisme qu'elle se traduirait par un taux très élevé de non-participation. Or, on dirait que c'est le contraire qui se dessine», analyse le politicologue.

Chacun dans sa tranchée

Au-delà de l'éthique et du financement, la question des transports en commun a été l'un des thèmes pour lesquels chaque parti s'est terré dans sa propre tranchée. Alors que Louise Harel a promis un gel des tarifs en 2010, Richard Bergeron s'est engagé à baisser le coût de la carte mensuelle alors que Gérald Tremblay a qualifié ces engagements d'irréalistes.

Autre domaine fort sensible: les taxes. Louise Harel est la seule des trois principaux candidats à promettre un gel de l'impôt foncier en 2010. MM. Bergeron et Tremblay évoquent, en termes flous, un possible ajustement au taux d'inflation. Hier, nous avons annoncé que le maire Tremblay planchait sur une hausse de taxes de 16% pour les quatre prochaines années, un sujet qui a fait jaser.

Les trois chefs sont aussi en désaccord dans leur approche des relations entre la ville centre et les arrondissements. Louise Harel veut rapatrier la responsabilité de certains services, dont l'urbanisme, la voirie et le déneigement, à l'hôtel de ville. Richard Bergeron veut abolir les mairies d'arrondissement et le conseil d'agglomération. Pour le maire Tremblay, il s'agit d'un «débat de structures» inutile constituant un frein à l'essor de la ville.

Le jour du vote

À Montréal, 1 100 208 personnes sont inscrites sur la liste électorale. Dans l'urne, elles devront voter de deux à cinq fois, selon les arrondissements. On vote pour le maire de la ville, le maire de l'arrondissement, les conseillers de la ville, les conseillers d'arrondissement.

Bien sûr, la bataille pour la mairie de Montréal retient l'attention de tout le monde. Mais il est tout aussi important de voir ce qui se passera dans les arrondissements, car c'est dans ceux-ci que sont élus les maires d'arrondissement et les conseillers qui feront partie du conseil de la Ville. Cette mécanique s'apparente au système présidentiel américain en ce sens qu'une personne peut être élue maire de Montréal, mais que son parti se retrouve minoritaire au conseil.

Il faut voir aussi comment va se dérouler le vote dans les arrondissements. Encore là, le maire peut se retrouver minoritaire. Outre le maire, les conseils d'arrondissement comptent de cinq à sept conseillers municipaux. À noter qu'à la suite d'un décret adopté par Québec, le maire de Montréal sera aussi maire de l'arrondissement de Ville-Marie qui comprend le centre-ville.

Cela dit, le suspense est total. Dans un sondage publié hier dans nos pages, les trois principaux candidats étaient pratiquement à égalité, Mme Harel récoltant 34% des appuis devant Richard Bergeron (32%) et Gérald Tremblay (30%).

De quoi rappeler que chaque vote compte. Citoyens, pensez-y! Demain, le vote se déroule de 10h à 20h.