Le risque d'être reçu avec une brique et un fanal était bien là. La semaine avait été longue, dure, et les manchettes et les sondages, pas très positifs.

Marcel Tremblay, le frère du maire de Montréal, nous a pourtant accueillis vendredi avec un large sourire. Comme si de rien n'était. Vous prendriez un petit café?

 

L'initiative de l'entrevue était la nôtre, pas la sienne. Elle ne pouvait tomber plus à point.

La photo parue dans La Presse la semaine dernière valait mille mots. On voyait Gérald Tremblay sur la sellette comme jamais, face à une horde de journalistes. En arrière-plan, Marcel Tremblay et d'autres conseillers, dans l'entrebâillement d'une porte, assistent à la scène, impuissants, l'inquiétude dans l'oeil.

Oui, la semaine a été dure, admet Marcel Tremblay, «mais on est très combatif. Et moi, je me lève tous les jours de bonne humeur».

Les deux frères - tout comme Louise Harel, d'ailleurs - ont l'âge où l'on songe à une petite retraite tranquille. Qu'est-ce qu'ils ont tous, la soixantaine bien entamée, à courir après le trouble?

Louise Harel l'expliquera d'elle-même, mais Marcel Tremblay n'hésite pas à parler pour lui et son frère. Gérald Tremblay est resté en selle parce qu'il voulait un troisième mandat, «qui n'a été accordé à aucun maire de Montréal depuis Jean Drapeau».

C'est donc par défi, ce troisième mandat? Pour la postérité? Un peu, dit Marcel Tremblay, mais aussi pour terminer ce qui a été entrepris. «Pendant le premier mandat, on était pris dans les défusions, à essayer de garder la ville ensemble, à contenir le chaos. Le deuxième mandat a été celui du gouvernement minoritaire à Québec. On a passé notre temps en mode séduction avec les trois partis. Gérald voudrait donc un troisième mandat pour terminer ce qu'il a commencé: le tramway, l'agrandissement du métro, une belle entrée au centre-ville par Bonaventure, le Quartier des spectacles, etc.»

Un troisième mandat désiré par Gérald Tremblay, donc, pour laisser une marque durable de son règne.

Sorti de sa retraite annoncée

Et lui, Marcel Tremblay? En mars, n'avait-il pas annoncé qu'il ne se représenterait pas, en novembre? «J'étais essoufflé, admet-il. Je travaillais sept jours sur sept depuis huit ans, mon couple en avait souffert, j'avais trois petits-enfants dont je voulais profiter un peu.»

Le coeur n'y était pas non plus depuis l'épisode des crampons. C'était en janvier de cette année. Exaspéré d'entendre les citoyens se plaindre du piètre déneigement dans la Ville, Marcel Tremblay, avec sa bonhomie caractéristique, avait avancé une solution que personne n'avait vu venir. Achetez-vous donc des crampons, avait-il suggéré aux Montréalais.

Peu de temps après, son frère lui a retiré la responsabilité de la neige.

N'avait-il pas compris que les gens avaient plutôt envie de se faire dire que tous les efforts seraient faites pour mieux déneiger la ville?

«Non, répond-il du tac au tac. Ce que les gens veulent, c'est que la neige soit ramassée avant qu'elle ne tombe.»

C'est par accident que la responsabilité du déneigement lui est tombée dessus, raconte-t-il encore. «Il y a deux hivers, il s'est mis à neiger, et à neiger encore. Ça tombait de partout. Gérald m'a dit: le déneigement, ça fait partie des services aux citoyens, non?»

«Moi, la neige, je ne connaissais pas ça. J'ai constitué une petite équipe, je me suis assis avec les fonctionnaires. Le premier hiver, il y a eu un dépassement dans le budget de 150 millions. Tous les arrondissements étaient en faillite.»

L'été 2008, Marcel Tremblay l'a consacré à la neige. À tout organiser pour que tout se passe rondement l'hiver suivant. «J'avais même lancé ce que j'avais appelé les 10 commandements de la neige, ce qui m'avait valu d'être baptisé Moïse Tremblay!»

Sur papier, tout était parfait. Mais à la première tempête, «les policiers n'étaient pas là pour régler la circulation et les camions de déneigement ne sont pas sortis».

Ont suivi, dans le temps des Fêtes, d'importantes fluctuations de température. Des -15 degrés à des "10. La ville est devenue une patinoire. «J'entendais les statistiques sur les fractures de jambes et de hanches. C'est là que j'ai dit qu'à la Ville, malgré la meilleure volonté du monde, jamais on ne parviendrait à avoir des trottoirs sur le ciment. J'ai suggéré les crampons, et là, ils ont dit: Ça y est, il est débile!»

Quand son frère Gérald lui a retiré la responsabilité de la neige, Marcel Tremblay ne cache pas avoir vécu cela comme un échec.

Des responsabilités moindres

Marcel Tremblay, est aujourd'hui tout heureux avec ses responsabilités moindres - la préparation du 375e anniversaire de Montréal, la participation de Montréal à l'exposition universelle de Shanghai en 2010, par exemple.

Il ne représente plus Notre-Dame-de-Grâce, mais Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension. Ses promesses électorales locales? Préserver le parc Jarry - pas question, finalement, d'agrandir le poste de police attenant à son détriment. Marcel Tremblay entend aussi tout faire pour «empêcher les enfants de courir les rues».

Il faut savoir ici que, dans une autre vie, Marcel Tremblay a été directeur d'école, puis directeur de ParticipACTION. La belle jeunesse, il faut qu'elle bouge. Villeray, c'est le quartier du centre de tennis Jarry, alors son idée, c'est de miser là-dessus. D'inciter tous les jeunes du quartier à jouer au tennis.

Au chapitre de ses réalisations, il est fier d'avoir implanté le service 311, la ligne téléphonique d'Accès-Montréal - fier de ses efforts pour faire de Montréal une ville plus propre.

Reste qu'on est loin des visées plus ambitieuses de son frère le maire. Ce n'est pas comme cela que Marcel Tremblay fera son chemin dans les livres d'histoire.

Il ne vise rien de tel de toute façon. Il s'est lancé en politique en 2001 pour aider son frère Gérald à «conquérir Montréal», puis passer lui-même à autre chose. Il avait déjà tenté deux fois le coup de la politique et avait été battu deux fois - une fois sous la bannière du Parti civique, une autre fois avec les libéraux.

Et la fois où il n'avait pas songé à se présenter, c'est celle où l'a été élu.

«C'est la première fois de ma vie que je fais le même job pendant huit ans!» lance-t-il en riant.

Quand se sont accumulés les «pépins» - pour reprendre son euphémisme -, Marcel Tremblay est revenu sur son idée et a décidé que la retraite pouvait attendre. Il a dit au maire: «Je vais t'accompagner, mon frère.»

Le temps d'une dernière tempête.