La Colombie-Britannique, première province à adhérer au Western Climate Initiative, première à se doter d'une taxe sur le carbone, est habituée à prendre les devants sur le plan de l'environnement. Pour les verts, c'est une terre fertile, d'autant plus que le Parti vert provincial recueille quelque 10% du vote. La Presse est allée observer si les verts pouvaient percer dans la province du Pacifique. L'intérêt est évident, mais les chances d'élection de députés restent franchement minces.

Une Toyota Prius blanche aux couleurs du candidat est garée devant le local de campagne de Blair Wilson, sur une grande artère de West Vancouver.

 

M. Wilson, 45 ans, porte une chemise d'un vert sobre, sur un t-shirt d'une nuance plus éclatante de vert. Bien mis, très souriant, enthousiaste, il veut nous convaincre qu'il a de réelles chances de remporter l'élection sous les couleurs du Parti vert du Canada dans West Vancouver-Sunshine Coast-Sea to Sky Country.

WVSCSTSC (l'abrégé est de mise) regroupe la zone urbanisée de West Vancouver et toute la région du nord-ouest de Vancouver, un immense pays d'îles, de mer et de montagnes.

La circonscription a été, de manière très éphémère, la première à être représentée à la Chambre des communes par un député vert. Éphémère, en effet, car Blair Wilson s'est joint au parti d'Elizabeth May quelques jours avant le déclenchement des élections. Il n'a jamais siégé en tant que vert.

Le Parti vert du Canada considère la circonscription parmi les plus propices au pays pour une éventuelle percée. Aux dernières élections provinciales, le Parti vert de Colombie-Britannique a obtenu 26,5% du vote dans West Vancouver-Garibaldi, qui regroupe la partie est de WVSCSTSC.

«Même si Dieu»...

«Il y a deux défis pour faire élire un vert», soutient M. Wilson, élu en 2006 en tant que libéral, mais exclu du caucus pour avoir commis des infractions électorales mineures. «Il faut que les gens puissent compter sur le candidat, et il faut qu'ils croient qu'il a des chances de gagner.»

Sur ce second point, les électeurs sont très loin d'en être sûrs.

«Même si Dieu se présentait pour les verts, il ne gagnerait pas, nous dit la propriétaire d'un petit café de Horseshoe Bay, près du terminal des traversiers. Ce n'est pas que le candidat vert ne devrait pas gagner, mais tout le monde a peur de perdre son vote.»

Sirotant une boisson chaude devant un café de West Vancouver, Norman et Daphne Read, un couple de retraités, ne se font pas prier pour discuter politique.

«J'aime bien les politiques des verts, mais je ne crois pas qu'ils vont entrer à la Chambre des communes, dit M. Read entre deux bouffées de pipe. C'est un vote gaspillé.»

Selon un sondage Angus Reid publié fin septembre, 58% des Canadiens croient qu'il serait bon pour le Canada qu'un député vert siège à la Chambre des communes.

Plusieurs ont de l'intérêt pour les verts, mais de l'intérêt jusqu'au vote, il y a un pas que beaucoup d'électeurs hésitent à faire. «Les verts ont cette habitude d'avoir de meilleurs résultats dans les sondages qu'au jour des élections», note Kathryn Harrison, professeure de sciences politiques à l'Université de Colombie-Britannique.

Voter contre Harper

À Squamish, à mi-chemin entre Vancouver et Whistler, c'est soir de débat entre les quatre candidats de WVSCSTSC. Quelque 200 personnes sont présentes. Les candidats des partis de l'opposition attaquent Stephen Harper et le candidat conservateur John Weston, le favori de la course.

Dans les remarques de fermeture, Blair Wilson demande aux gens d'écouter leur coeur pour voter.

Le libéral Ian Sutherland fait plutôt appel à la raison des électeurs qui en ont contre les conservateurs. La seule façon de contrer M. Weston, c'est de voter libéral, explique-t-il sans détour.

Le message semble porter, du moins chez Russell Coughman, un vert de longue date. «J'hésite entre voter vert et voter libéral, confie-t-il après le débat. J'aimerais voir Wilson gagner, même si je ne suis pas son plus grand partisan.»

Dans Saanich-Gulf Islands, une circonscription de l'île de Vancouver, le vote vert avait atteint presque 10% en 2006. L'absence de candidat du NPD - qui a quitté la course parce qu'il s'était déshabillé devant des mineurs il y a 12 ans - pourrait théoriquement profiter au candidat vert Andrew Lewis, qui sollicite les suffrages pour la troisième fois.

Mais dans une rue commerçante de la petite ville de Sidney, Eric, bénévole de l'organisme environnemental Conservation Voters of BC, distribue des cartons qui appellent à voter pour la candidate libérale Briony Penn, une environnementaliste reconnue dans la région.

«Il y a deux bons candidats ici, mais Mme Penn a de meilleures chances d'être élue que M. Lewis», dit Eric, qui appelle clairement au vote stratégique pour battre le ministre des Ressources naturelles, Gary Lunn.

Dans ce contexte, c'est sans surprise que le directeur des communications du Parti vert du Canada, John Bennett, manifeste son désaccord avec le procédé.

«Nous n'aimons pas et n'appuyons pas le concept du vote stratégique. Notre chef propose plutôt la coopération stratégique entre les partis dans des circonscriptions données.»

En attendant, les verts doivent s'adapter à l'environnement politique actuel.