Sentant peut-être la soupe chaude, Stéphane Dion a mené une virulente attaque hier au Manitoba pour dénoncer la nouvelle politique annoncée la veille par le chef conservateur Stephen Harper sur les peines de prison avec sursis.

«Hier, Stephen Harper a annoncé une politique complètement folle, délirante», a accusé le chef libéral.

M. Dion, qui tente de contrer l'effort de séduction des conservateurs envers les communautés culturelles, a d'abord présenté aux étudiants et aux professeurs du Centre Asper à Winnipeg son programme de 75 millions de dollars (issu de sa plateforme) destiné à assurer la sécurité dans les écoles et les lieux de culte des groupes ethnoculturels menacés par la violence et le racisme.

M. Dion a d'ailleurs rappelé l'explosion d'une bombe dans la bibliothèque d'une école juive en 2004 dans sa circonscription de Saint-Laurent.

Le chef libéral est alors revenu sur le durcissement des peines annoncé par M. Harper pour certains crimes, ce qui entraînerait dans bien des cas la fin des peines avec sursis.

«Dans leur communiqué hier, a-t-il affirmé, les conservateurs annonçaient avec fierté que leur nouvelle mesure enverrait au moins 7161 Canadiens de plus en prison. Ils devront donc construire un plus grand nombre de prisons. Une facture de 2,2 milliards de dollars, une facture qui serait refilée aux provinces.

«Où les provinces vont-elles trouver l'argent? Elles n'auront d'autre choix que d'investir moins dans la lutte contre la pauvreté, dans le logement social, les programmes d'intervention communautaire, l'éducation, la santé, l'environnement et la lutte aux changements climatiques, a-t-il poursuivi. Cela veut dire que le Canada investira davantage dans les prochaines années dans le système carcéral qu'en éducation ou que dans les programmes sociaux. Cela n'a aucun sens.»

Le chef libéral a alors exhorté son auditoire à «stopper Stephen Harper», un slogan qu'il utilise à profusion depuis 48 heures. «Nous avons besoin de l'approche libérale, répète-t-il aussi, une approche progressiste, une approche qui a fait ses preuves au Canada.»

Mais cet appel à «stopper Stephen Harper» ne semble pas, pour l'instant, donner des résultats convaincants. Depuis lundi, le chef libéral a concentré sa campagne à l'ouest de l'Ontario pour tenter de préserver les 11 petites circonscriptions qu'il détient dans ce vaste territoire. Au Manitoba, les trois sièges de son parti seraient menacés, si l'on en croit les analystes locaux. C'est pourquoi M. Dion a choisi de s'arrêter pour la deuxième fois dans cette province en moins de sept jours.

Il est étrange par ailleurs, alors qu'il était encore à Vancouver hier matin, qu'il n'ait pas pris le temps de faire un petit saut dans la circonscription du ministre Gary Lunn (Saanich-Gulf Island) où le désistement du néo-démocrate Julian West est très favorable à son propre candidat. Les journalistes sur la caravane libérale trouvent curieux également que la campagne n'ait pas fait escale hier à Edmonton, là où se trouve le plus grand nombre de sympathisants libéraux de l'Alberta. Au lieu de cela, le chef libéral a passé la plus grande partie de la journée à voyager dans son avion qui s'est immobilisé à Québec en fin de soirée.

«Est-ce que vous êtes en train d'essayer de sauver les meubles, M. Dion?» a demandé un journaliste au chef libéral.

«Au contraire, a-t-il répondu. Je sais à quel point les conservateurs ont donné des informations erronées sur la réalité de la lutte contre le crime au Canada et en particulier ici au Manitoba. Au Manitoba, ils ont fait une campagne éhontée afin de désinformer les gens sur la réalité de la lutte contre le crime et des solutions qui fonctionnent. Alors, c'est important pour moi de dire aux Manitobains qu'il faut réduire le crime et que la meilleure façon de le faire, c'est avec l'approche libérale.»