Dès le premier appel au Parti conservateur, pour savoir s'il était possible d'avoir une entrevue avec Laureen Harper, cette mystérieuse motocycliste et ancienne chef d'entreprise, on nous a dit qu'elle ne le ferait pas. Mais on nous a invité à envoyer des questions par courriel, dont les réponses nous seraient ensuite transmises.

Les questions envoyées étaient assez directes. On lui demandait, en gros, pourquoi elle préfère ne pas donner d'entrevue, qui sont ses modèles, si elle se considère comme une hockey mom, une soccer mom ou une veuve de la politique, comment elle voit son rôle de femme de premier ministre, ce qu'elle pense de Sarah Palin (une autre femme conservatrice passablement d'actualité...), si elle se considère comme féministe et quelles sont ses opinions en matière d'avortement et de mariage pour les conjoints de même sexe.

 

Voici, textuellement, ce qu'elle nous a donné comme réponses:

«Mes modèles sont mes amies qui travaillent et s'occupent de leur famille. Elles donnent l'impression que tout cela se fait sans effort, mais je sais que ce n'est pas le cas. Elles travaillent fort pour construire les communautés où nous vivons.»

«J'aime vraiment le plein air et je passe beaucoup de temps en randonnée en été et en raquettes en hiver. J'adore le camping et j'aimerais pouvoir en faire beaucoup plus. J'aime amener des gens explorer le parc de la Gatineau ici à Ottawa ou la région de Kananaskis, près de Calgary.»

Le tout était accompagné de notes biographiques soulignant notamment sa compassion pour les chatons - les mêmes notes que sur le site officiel du premier ministre du Canada, où on voit Mme Harper, très souriante, debout en costume gris dans une salle lambrissée.

Indépendante d'esprit

Aujourd'hui mère à temps plein de deux enfants nés en 1996 et en 1999, Mme Harper est née Laureen Teskey en 1963 à Turner Valley, communauté d'environ 1000 habitants nichée au pied des Rocheuses, à moins d'une heure de voiture de Calgary. Cette aînée d'une famille de trois enfants a grandi dans un ranch. Son père était électricien et sa mère, à la maison.

Après avoir terminé ses études secondaires, elle est partie à Calgary étudier la photo et le graphisme, domaine où elle a ensuite fait carrière en démarrant notamment sa propre entreprise.

D'ailleurs, ce n'est que lorsque son mari a été élu chef de l'opposition, en 2002, qu'elle a officiellement déménagé à Ottawa et opté pour la vie domestique à temps plein. Et ce n'est qu'en 2006, après l'élection de M. Harper comme premier ministre, que la Presse Canadienne a été avisée qu'on devait maintenant la désigner sous le nom de Mme Harper.

C'est à travers les activités du Parti réformiste que la jeune Albertaine a rencontré son futur mari en 1990. Elle avait déjà été mariée pendant trois ans à un Néo-Zélandais qu'elle avait rencontré lors d'un séjour de six mois en Afrique à la fin de ses études.

Dans un long profil publié l'an dernier dans le magazine Maclean's - pour lequel elle a aussi refusé d'être interviewée -, on la décrit comme une femme indépendante d'esprit, qui n'a pas peur de ses opinions lorsqu'elle est loin des micros, farouche partisane de la limitation de la taille du gouvernement, mais moins religieuse que son mari.

«Elle est passionnée et prend très au sérieux le mandat qui a été accordé à son mari. Mais ce n'est pas une personne effacée. Elle ne fait pas que répéter la ligne du parti», affirme Leah Murray, amie proche et femme du whip conservateur Jay Hill, dans le reportage du Maclean's.

À titre d'exemple, Mme Harper appuie le gala annuel du Centre national des arts - l'équivalent à Ottawa de la Place des Arts -, dont elle devait être présidente d'honneur encore cette année.

Mais en septembre, au lendemain de la déclaration fort controversée de son mari au sujet des «riches galas» de la communauté artistique, elle a fait savoir qu'elle n'y serait pas.