Un homme d'affaires bien connu de Gaspé, Michel Pouliot, affirme que le Parti conservateur lui a demandé de participer à un cocktail de financement pour lui permettre de rencontrer Jean-Pierre Blackburn, ministre responsable du Développement économique, à qui il voulait parler d'un projet d'investissement.

L'incident date de deux ans, mais M. Pouliot, 77 ans, ancien propriétaire d'Air Gaspé et membre du Parti conservateur depuis des décennies, l'a encore en travers de la gorge. Il croit toujours en son projet: fonder une compagnie aérienne pour desservir les régions éloignées, avec le soutien du gouvernement fédéral. Il refuse de payer le parti pour pouvoir parler à un ministre.

Joint par La Presse, hier, M. Blackburn a nié les faits allégués par M. Pouliot. Mais ce dernier persiste et signe. Après les élections de janvier 2006, dit-il, lui et d'autres membres du comité exécutif du Parti conservateur de la circonscription de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine ont écrit plusieurs lettres à des ministres conservateurs du Québec pour tenter d'obtenir une rencontre, afin de parler de leur projet. Ils n'ont même pas reçu d'accusé de réception, affirme M. Pouliot.

«On a écrit une lettre à M. Blackburn. Pas de réponse. Quand on a vu ça, je me suis dit que la meilleure approche serait de le voir, a-t-il dit. Entre ses yeux et les miens, entre sa bouche et la mienne, entre son esprit et le mien, peut-être qu'on aurait pu détecter s'il était réceptif ou non au projet. Mais il était impossible de le rencontrer.»

L'homme d'affaires affirme qu'il a téléphoné à Pierre Coulombe, alors organisateur en chef du Parti conservateur au Québec, et au sénateur Pierre Claude Nolin. «J'ai la réputation d'être un conservateur et de les avoir supportés dans le passé, explique-t-il. Je les ai toujours supportés.»

Deux versions

Selon lui, M. Coulombe a dit: «Vous pourriez voir M. Blackburn lors d'une rencontre sociale qui aura lieu à Gaspé pour ramasser des fonds.» L'homme d'affaires a été insulté qu'on lui demande une contribution financière pour avoir accès au ministre. «Si vous voulez rencontrer quelqu'un d'homme à homme, un ministre avec qui vous partagez l'idéologie, je ne pense, moi, qu'on est obligé de payer pour ça», a-t-il dit.

«Ça devient un affront. J'ai fait mon boulot comme citoyen et comme supporteur d'un parti, je l'ai toujours fait, j'ai pour mon dire que j'ai fait plus que ma part, bien des fois. Moi, je n'aime pas avoir le couteau sur la gorge. Je suis un gars généreux. Ce n'est pas à eux de me dire combien je leur donne. C'est à mon coeur de dire: je vais leur donner tant. Il y a une différence», a conclu M. Pouliot.

Joint par La Presse, M. Blackburn a dit que les choses ne se sont pas passées de cette façon. «Un pilote m'avait en effet interpellé, j'en ai un vague souvenir, mais je lui avais dit de passer par le bureau régional ou le bureau de Montréal de Développement économique Canada, a-t-il dit. Quant au cocktail, il est possible que quelqu'un ait dit des choses comme ça (comme ce que rapporte M. Pouliot), mais je ne peux pas le savoir. Ce que je sais, c'est que je ne fonctionne pas comme ça. C'est contre mes valeurs.»

M. Blackburn a dit que, de toute façon, il refuse de parler de projets avec des entrepreneurs durant les activités de financement. «Ce n'est pas un endroit convenable pour ça, a-t-il dit. Et puis, les dossiers doivent d'abord être recommandés par les fonctionnaires avant que je ne les voie.»

M. Coulombe, qui a quitté ses fonctions au Parti conservateur cette année, nous a dit qu'il n'a aucun souvenir de cet incident. Il ne se souvient même pas d'avoir parlé avec M. Pouliot. De son côté, l'ancien pilote a dit qu'il ne se souvenait pas à combien s'élevait la contribution demandée. Il croit que le montant se situait entre 100$ et 300$. Il ne s'est pas présenté au cocktail à Gaspé, qui se serait tenu à l'automne 2006.

Depuis plusieurs années, M. Pouliot caresse le projet de relancer une petite compagnie aérienne desservant la Gaspésie, la Côte-Nord, l'Abitibi et le Nord québécois. L'idée consiste à récupérer cinq ou six avions Bombardier garés dans le désert en Arizona, qui ne servent à rien parce que les acheteurs ont fait faillite. Selon lui, le gouvernement fédéral les a payés en bonne partie, parce qu'il garantissait les achats.

M. Pouliot est considéré comme le pionnier de l'aviation dans l'est du pays. Le premier ministre Jean Charest lui a remis l'insigne de Chevalier de l'Ordre national du Québec en juin. Dans deux semaines, son nom sera donné à l'aéroport de Gaspé.