Après avoir courtisé les nationalistes québécois pendant trois jours, Stephen Harper a fait un saut dans le Grand Nord, hier, pour séduire les nationalistes canadiens.

M. Harper est le premier chef à se rendre dans l'Arctique au cours de cette campagne électorale. Dans son cas, c'est même la seconde visite en moins d'un mois. À la fin du mois d'août, il était venu y annoncer une série de mesures destinées à protéger la souveraineté canadienne.

 

Cette fois, il a notamment promis de créer pour le Nunavut une agence de développement économique semblable à celles qui existent déjà dans d'autres parties du pays, dont le Québec et les provinces atlantiques.

Il s'est aussi engagé à simplifier le processus réglementaire pour les projets sur les ressources naturelles et à ouvrir un bureau satellite du Bureau de gestion des grands projets créé à Ottawa par son gouvernement en 2007.

Les conservateurs espèrent faire des gains dans le Nord, notamment dans la vaste circonscription de Nunavut, dont la députée libérale, Nancy Karetak-Lindell, en poste depuis 10 ans, vient tout juste de tirer sa révérence.

Mais de l'aveu même du premier ministre, les raisons de sa visite d'hier transcendaient la simple politique locale.

«Nous sommes ici parce que nous croyons au nation building, parce que nous sommes un pays du Nord et parce que nous sommes déterminés peu importe ce que les partis d'opposition peuvent dire , nous sommes déterminés à ce que le drapeau du Canada flotte aussi haut et fièrement ici qu'ailleurs au pays.»

Dans la fièvre de son discours patriotique, M. Harper est allé jusqu'à emprunter le «Yes we can» du candidat démocrate à la présidence américaine, Barack Obama.

«Il y a toute une histoire de gens qui disent que le Canada est une tâche impossible à accomplir. Que les Français ne pouvaient pas établir de colonies, que nous ne pourrions pas nous distinguer des Américains durant la révolution américaine, que nous ne pourrions pas nous défendre durant la guerre de 1812 et, dans une économie moderne, que nous ne pouvons défendre les passages est-ouest», a-t-il dit en conférence de presse.

«Mais les Canadiens ont toujours été capables de dire: oui, nous le pouvons. Nous pouvons bâtir un pays, nous bâtissons un pays. Et c'est ce que nous allons faire.»

Quelques sceptiques

Dans les rues d'Iqaluit, cependant, quelques personnes doutaient des plans de grandeur du premier ministre et ont dit craindre d'être oubliées entre la souveraineté canadienne et l'exploitation des ressources naturelles.

«Le développement économique est important. Mais qu'est-ce que le développement économique va faire quand la moitié de nos jeunes décrochent de l'école secondaire? Ils ne savent pas lire... Comment peuvent-ils démarrer une entreprise?» a lancé le candidat libéral Kirt Kootoo Ejesiak.

M. Harper a répondu que son gouvernement se soucie des questions sociales : «Notre parti est le seul dans cette élection qui a des programmes et qui a pris des mesures concrètes dans tous ces domaines pour les habitants de cette région», a-t-il affirmé.

Mais cela ne l'a pas empêché d'orienter la majeure partie de son discours sur les défis et les possibilités qui pointent à l'horizon. «L'importance économique et stratégique de l'Arctique s'est accrue de manière exponentielle au fil des ans, notamment en raison de la hausse de la demande mondiale pour ses ressources énergétiques et minérales, de la fonte de la calotte glaciaire et de l'augmentation de la navigation.»

Et encore une fois, il s'est engagé à défendre la souveraineté canadienne, notamment contre les Russes, dont, encore vendredi, il a dit craindre les récentes démonstrations d'intérêt pour l'Arctique.

«Nous serons présents avec des yeux dans le ciel, des bateaux dans le passage du Nord-Ouest et des bottes sur la toundra», a mis en garde Stephen Harper.