Un châle mauve jeté sur son bustier noir, Olivia Chow remonte la rue Euclid, dans la circonscription torontoise de Trinity-Spadina, à la recherche d'électeurs indécis.

«Je ne pourrai pas voter pour vous parce que je déménage dans quelques jours», lui confie un électeur attrapé sur le pas de sa porte. Il croit consoler la candidate du NPD dans Trinity-Spadina en l'assurant que sa nouvelle adresse est située dans la circonscription de son mari, Jack Layton. Et que son vote néo-démocrate restera donc, en quelque sorte, dans la famille.

 

Mais c'est mal connaître Olivia que de penser qu'elle fera ce cadeau à son conjoint. «Ah non! Vous pouvez voter dans ma circonscription, j'ai besoin de votre vote plus que Jack!» proteste-t-elle avec énergie.

Mince, l'allure juvénile pour ses 52 ans, Olivia Chow est amoureuse des plantes et des bêtes - elle garde sur son portable la photo du chat qu'elle s'offrira à la fin de cette campagne électorale. C'est aussi une politicienne aguerrie, qui ne laisse pas tomber un seul vote, quand bien même ce serait pour le donner à Jack. Une femme d'action qui n'hésite pas à retrousser ses manches, voire à sortir ses griffes, pour gagner ses batailles.

«Olivia a un coeur en or, elle sait comment atteindre ses objectifs. Mais elle n'y parvient pas uniquement en étant gentille», raconte Adam Vaughan, conseiller municipal dans Trinity-Spadina, le quartier qu'a longtemps représenté Mme Chow.

Lorsque Olivia Chow a été élue députée, en janvier 2006, son organisation a mis toute son énergie derrière celle qui, espérait-on, allait lui succéder au conseil municipal. La bataille a divisé les néo-démocrates torontois. Finalement, c'est Adam Vaughan, un candidat indépendant, qui a été élu.

Il reste plein d'admiration pour Olivia Chow et son infatigable énergie. «Mais parfois, Olivia et Jack sont tellement ambitieux qu'ils perdent le contact avec la base», dit-il.

Comme Bill et Hillary

Difficile de parler d'Olivia sans parler de Jack: «C'est le partenariat politique le plus solide que j'aie jamais vu, ce sont les Bill et Hillary de Toronto!» s'exclame Adam Vaughan.

Le couple s'est rencontré dans une collecte de fonds pour un hôpital, il y a plus de 20 ans. Tous deux se sont successivement fait élire au conseil municipal de Toronto sous la bannière néo-démocrate. En 2006, ils sont devenus un cas de figure quasi unique: un couple de députés siégeant en même temps à la Chambre des communes. «Toutes les semaines, nous prenions le train pour Ottawa, avec un lecteur DVD et des écouteurs communs, c'était notre rendez-vous du dimanche soir», confie Olivia Chow.

Née à Hong Kong, Olivia Chow est arrivée au Canada à l'âge de 13 ans. L'atterrissage a été rocailleux: ses parents, tous deux enseignants, ne trouvaient pas de travail dans leur domaine. Sa mère a fait des ménages, travaillé en usine. Son père a craqué.

«Il a perdu confiance et est devenu paranoïaque», confie Olivia Chow. Un jour, dans un accès de violence, son père a frappé sa mère. Ses parents ont fini par se séparer et Olivia a choisi de vivre avec sa mère. Pour toujours. C'est à prendre ou à laisser: pour vivre avec Olivia Chow, il faut vivre avec Xo Sze Chow, qui, à 83 ans, gère la maison des Layton-Chow. Elle cuisine, s'occupe de la lessive et du jardin. «Sans elle, je ne sais pas comment nous ferions», reconnaît Mme Chow.

Le jour de notre passage dans la maison de la rue Huron, Xo Sze Chow partait faire des courses dans le Chinatown, trottinant à petits pas avec son panier à emplettes. La vieille dame ne parle pas anglais et Jack Layton a dû apprendre des notions de cantonais pour pouvoir communiquer avec elle. Olivia Chow a choisi de parler ouvertement des problèmes de santé de son père. Tout comme elle a parlé du cancer de la thyroïde qui l'a frappée il y a quatre ans. Occulter les sujets délicats, très peu pour elle. «Quand on refuse de parler des maladies mentales, on maintient un sentiment de honte, ça aggrave les choses. Si on veut que les choses changent, il faut parler!»

La maison verte

Les Layton vivent dans une maison centenaire qu'ils transforment progressivement en maison verte. Il y a six panneaux solaires sur le toit, deux barils posés dans le jardin recueillent l'eau de pluie pour l'arrosage des plantes.

Sur le mur du salon trône un grand relief en ciment, signé Olivia Chow. Car avant la politique, il y a eu l'art. Olivia Chow a étudié en cinéma avant de devenir sculptrice. Elle assure qu'elle vivait assez bien de son art. «Mais je voulais aussi changer le monde», confie-t-elle.

Sa première action politique? Une manifestation visant à convaincre Ottawa d'accueillir les boat people vietnamiens. «J'ai réalisé qu'en faisant de la politique, on obtient des résultats», dit Olivia Chow. Elle n'a plus jamais arrêté.