Depuis le début de la campagne électorale fédérale, les sondages se multiplient. D'une enquête à l'autre, l'avance du Parti conservateur est plus ou moins grande. Trouvez-vous que les médias publient trop de sondages ? Selon vous, ces enquêtes reflètent-elles fidèlement l'état de l'opinion publique ? Les sondages influenceront-ils votre vote ?

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Philippe Faucher

Professeur au département de science politique et chercheur associé au Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal



UNE INFORMATION INDISPENSABLE



Le sondage est de loin l'information la plus excitante de nos campagnes ternes. Je n'ai jamais compris les raisons pour lesquelles on pouvait s'objecter à la multiplication et à la diffusion des sondages en période électorale. Faut-il croire qu'il est préférable d'être moins bien informé? Les partis dépensent des sommes importantes pour apprécier les humeurs et les préférences des électeurs et adapter leur message en conséquence. Pourquoi seraient-ils les seuls à posséder cette information ? Est-ce pour mieux manipuler les électeurs ? Les grands médias font la nouvelle à partir de sondages et d'enquêtes qu'ils achètent à des firmes spécialisées. Le principe de la concurrence s'applique ici; plus il y a de sondages mieux c'est. Une campagne électorale est une occasion précieuse pour une société de réfléchir, par candidats et médias interposés, aux préoccupations, aux besoins et aux priorités des citoyens. Le portrait des intentions de vote des électeurs est une information indispensable à nos débats.  En démocratie, nous souhaitons que les élus nous représentent. Les candidats s'adaptent à l'opinion publique et les électeurs modifient leurs choix en fonction des messages qui les rejoignent. Les stratégies se répondent; à chacun d'exercer son jugement.

Philippe Faucher

Paul Daniel Muller

Économiste



POUR LE VOTE STRATÉGIQUE

Oui, les médias publient trop de sondages. Les sondages sont utiles aux électeurs vers la fin de la campagne, quand certains d'entre eux veulent voter stratégiquement. (Un vote stratégique, c'est quand un électeur renonce à voter pour son candidat ou son parti préféré au profit de son deuxième choix, parce que ce dernier a de meilleures chances de battre le parti qu'il craint.) Dans ce cas précis, les sondages sont utiles, à la condition qu'ils soient menés à l'échelle des circonscriptions, en ciblant les comtés chauds. Autrement, les sondages ont des effets pervers. En début de campagne, ils accaparent l'attention des électeurs aux dépens des enjeux de fond. Ils fournissent aux journalistes un sujet bien plus facile à couvrir que d'expliquer à leurs lecteurs/auditeurs les différences entre les positions des partis sur un sujet quelconque. En préfigurant le résultat, les sondages poussent les tiers partis hors jeu : pourquoi les électeurs non convaincus d'avance se donneraient-ils la peine d'écouter un candidat qui ne gagnera pas? Ma proposition: suspendre les sondages durant les deux premières semaines d'une campagne, le temps que les partis exposent leur programme; les laisser débuter juste avant le débat des chefs.

Paul-Daniel Muller

Éric Bédard

Historien (Télé-Université) 



SONDER OU ARGUMENTER?



Les fabricants d'images croient que les débats politiques ne servent à rien. Ils réduisent le citoyen à un acheteur potentiel, le peuple à une immense clientèle cible. Dans un tel contexte, les sondages deviennent des outils indispensables au service du marketing électoral. Selon les gourous de la communication politique, les sondages confortent les convaincus qui ne changeraient jamais d'idées et impressionnent les indécis qui se laisseraient émouvoir par les mirages de la publicité. Suffit d'un bon sondage pour clouer le bec à l'adversaire : si une majorité veut de tel parti (entendre « produit »), n'est-ce pas parce qu'il est bon ?! Si la démocratie a encore un sens, il faut stopper cette prolifération de sondages qui ne sert en rien le débat politique. La démocratie repose sur l'idée que le citoyen est doté de raison et qu'il dispose d'un jugement suffisamment éclairé pour se prononcer sur les enjeux les plus complexes. Encore faut-il prendre le temps de lui expliquer le plus honnêtement possible les tenants et les aboutissants de chacune des propositions formulées par les partis durant une campagne. Tout ce temps perdu à décortiquer les sondages, consacrons-le plutôt à discuter et à débattre les avantages et les inconvénients des propositions mises de l'avant.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale 



POUR FOUETTER LES TROUPES 



Personne ne s'étonnera  de voir que les conservateurs perdent des plumes. Ils sont partis avec une bonne avance. Toutefois, leur campagne est tellement scénarisée et aseptisée et leur message est tellement filtré que l'idée de les voir majoritaires peut donner la trouille à plusieurs. C'est ce que les sondages commencent à refléter. Cette attitude de « control freak » comme disent les anglais, respire l'arrogance.  Les organisateurs de M. Harper devraient cesser de se prendre pour des douaniers américains lorsque leur chef débarque quelque part.  Le style de campagne de M. Harper ajoute une couche de verglas sur sa froideur naturelle. En comparaison, M. Ignatieff commence à donner l'impression qu'il est un bon vieux poêle à bois auprès duquel on pourra se chauffer. C'est la chance qu'il doit saisir. Les médias nous apprennent aussi que cette élection est loin de troubler la quiétude des citoyens. Il n'y a pas de vague, pas d'emballement, pas d'enjeu fondamental, pas de chef ou d'équipe qui se démarque vraiment. Les sondages servent surtout à fouetter les troupes sur le terrain. Plusieurs politiciens diraient que le vrai sondage aura lieu le 2 mai et que si la tendance se maintient...

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires



PEU D'INFLUENCE



Lors d'une campagne électorale, les firmes de sondage font des affaires d'or. Mais qui bénéficient vraiment de ces enquêtes ? Les politiciens ne commentent que très rarement les résultats d'un sondage. Les citoyens, quant a eux, sont très peu influencés par ces petits échantillonnages. Pour ma part, les résultats d'un sondage n'ont aucune influence sur ma décision d'appuyer un candidat en particulier. Je préfère baser mon choix sur ce que m'inspirent les déclarations et les idées exprimées  tout au long de la campagne électorale. Cela dit, je crois tout de même que les sondages peuvent être utiles pour certaines personnes néophytes de la scène politique. L'ultime décision que prendra l'électeur dans l'isoloir sera souvent basée sur ce qu'il entend a son lieu de travail, dans les médias, ainsi que de la part de ses proches. Selon moi, nul sondage ne peux modifier nos convictions politiques ainsi que l'opinion que nous avons déjà d'un candidat.

Louis Bernard

Avocat, consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec



FAUT VIVRE AVEC

Les médias d'information et, en particulier les journaux, ont choisi de multiplier la publication des sondages d'opinion relatifs aux résultats projetés de la présente campagne électorale. Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais celui-ci a pris de plus en plus d'ampleur cette année à mesure que la campagne progresse. Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, cela reste un fait de la vie avec lequel il nous faudra désormais apprendre à «vivre avec». C'est-à-dire qu'il nous faudra, plus que jamais, savoir interpréter les sondages et en connaître les limites. Surtout qu'avec les nouveaux moyens de communication sociaux, tous les sondages n'ont pas la même valeur. À cet égard, les médias ont une responsabilité qu'ils ne devraient pas esquiver: un sondage sur Facebook n'a pas encore la même valeur qu'un sondage téléphonique et les limites de chacun devraient être clairement indiquées. Pour le reste, on peut faire confiance aux citoyens.


Thomas Mulcair

Candidat du NPD dans Outremont



ANALYSER AVEC PRUDENCE



Lorsqu'ils sont faits dans les règles de l'art, c'est-à-dire qu'ils sont basés sur un échantillon caractéristique et que les questions posées sont neutres, les sondages peuvent être représentatifs de la réalité. Lorsqu'on observe la courbe des sondages sur une période d'un an ou sur plusieurs années, il est possible de déceler des tendances telles que celle qui démontre la progression constante du NPD au Québec depuis l'arrivée de Jack Layton à la tête du parti. En effet, depuis les élections de 2000, les intentions de votes du NPD au Québec sont passées de 2% à 20%, démontrant bel et bien que le NPD est un parti en pleine croissance ici. Cette tendance s'observe également en ce qui concerne le choix du meilleur premier ministre aux yeux des Québécois. Sondage après sondage, les Québécois expriment leur préférence pour Jack Layton au poste de premier ministre. Au cours d'une campagne électorale, les sondages quotidiens varient énormément, ce qui ne contribue pas nécessairement au débat public. Les sondages ont donc leur place, mais il faut savoir les analyser et en rapporter les résultats avec prudence. Il n'en demeure pas moins que le véritable sondage aura lieu le 2 mai.

Steven Blaney

Candidat conservateur dans Lévis-Bellechasse 



LE SEUL SONDAGE QUI COMPTE



Les sondages sont devenus une partie intégrale des campagnes électorales. La réalité est que le seul sondage qui compte est celui qui aura lieu le 2 mai prochain. Les électeurs auront donc à choisir et ils se fieront aux engagements que le Parti conservateur a pris pour mettre nos régions au pouvoir pour faire leur choix. Le seul sondage qui nous intéresse est celui qui permet aux Québécois et de mettre leurs régions au pouvoir.