L'attentat perpétré lors du rassemblement du Parti québécois (PQ) au Métropolis aurait pu se transformer en carnage si l'arme du suspect, Richard Henry Bain, ne s'était pas enrayée après un seul et unique coup de feu, selon certains enquêteurs proches du dossier.

Selon les premières informations qui ont filtré de l'enquête, le tireur serait sorti de son véhicule, derrière le Métropolis, peu avant minuit, au moment où Pauline Marois prononçait son discours de victoire. Il aurait empoigné un sac à ordures, dans lequel il avait caché un fusil d'assaut. Il aurait ensuite franchi rapidement la quinzaine de mètres qui le séparaient d'une porte arrière de la salle de spectacle, d'où la scène est facilement accessible. L'entrée n'était pas gardée par la police et la porte avait été laissée ouverte par des employés.

Devant deux techniciens de scène qui lui barraient le chemin, le suspect aurait saisi son arme et tiré un seul coup de feu, avant que le mécanisme s'enraye.

La balle a traversé le corps du technicien Denis Blanchette puis a poursuivi sa course pour atteindre un autre technicien. Des gardes du corps de la Sûreté du Québec (SQ), affectés à la protection de Mme Marois, ont traîné ce dernier à l'intérieur pendant qu'on fermait la porte au nez du tireur.

Pris à l'extérieur, le suspect aurait mis le feu au Métropolis à l'aide d'un liquide inflammable, selon le récit de la police. Des agents en civil se sont alors jetés sur lui et l'ont plaqué au sol. Richard Bain a été menotté et emmené dans une voiture de police. C'est à ce moment qu'il a crié: «Les Anglais se réveillent!»

Marois retourne sur scène

À l'intérieur, les gardes du corps de Mme Marois l'avaient promptement sortie de scène. La chef péquiste a pu entrevoir les flammes avant qu'elles ne soient maîtrisées.

«Quand on m'a emmenée en coulisse, j'ai constaté qu'il y avait eu un blessé. J'ai vu la porte s'entrouvrir avec une boule de feu, j'ai pensé que c'était une bombe fumigène, mais la porte s'est refermée immédiatement. Il semblait que tout était sous contrôle», a-t-elle expliqué. Après s'être assurée que rien n'était arrivé à son entourage, elle a «insisté» pour retourner au micro afin d'éviter que les militants - ils étaient 2000, selon elle - ne paniquent. Elle a demandé aux candidats présents de monter sur scène pour «finir correctement» la soirée. La salle a ensuite été complètement évacuée.

«Je n'ai jamais eu le sentiment que je n'étais pas en sécurité», a-t-elle noté.

Elle a appris la mort d'une victime peu de temps après son arrivée à l'hôtel.

À l'extérieur, lorsque les policiers ont vu le chargeur à haute capacité bourré de munitions saisi avec le fusil d'assaut du tireur, ils ont pensé au nombre de coups qu'il aurait pu tirer si son arme avait fonctionné correctement. Sans compter qu'une deuxième arme, de poing celle-là, a aussi été saisie pendant l'arrestation de Richard Bain.

Selon des témoins, au moins une vingtaine de personnes se trouvaient à proximité de la porte où est arrivé le suspect.

L'enquête a été confiée à la SQ, puisque l'affaire concerne la «sécurité de l'État». Selon nos sources, les propos plus ou moins «politiques» du suspect pendant son arrestation auraient pesé dans la balance au moment de choisir le corps policier responsable de l'enquête.

Le lieutenant Guy Lapointe, de la SQ, n'a pu préciser si Pauline Marois était directement ciblée.

Hier soir, les autorités prévoyaient faire comparaître le suspect en personne au palais de justice de Montréal, vers 9h30 ce matin.

Les médias sociaux scrutés

Des policiers ont été chargés de parcourir les médias sociaux pour trouver de possibles traces de menaces. Selon nos sources, un député péquiste se serait plaint à la police de Montréal de messages textes reçus par téléphone après l'attentat.

«Des gens pourraient être tentés de tenir des propos qui pourraient être perçus comme menaçants et on prend ça très au sérieux. Je vais être clair: on va les retracer et on va les accuser», a prévenu M. Lapointe.

M. Lapointe affirme toutefois ne pas pouvoir commenter les affirmations d'un homme qui clame sur Facebook avoir alerté les policiers mardi après-midi, après avoir craint un attentat au rassemblement souverainiste.

Lors d'un point de presse, Pauline Marois s'est montrée «attristée» par «l'événement tragique» qui a «assombri la soirée électorale». Elle a eu une pensée pour les victimes et leurs proches.

«Je n'ai jamais pensé que je pouvais être en cause, que c'est moi qu'on venait attaquer», a-t-elle dit. À sa connaissance, elle n'a pas fait l'objet de menaces récemment. Elle se dit «en profond désaccord» avec ceux qui pensent que cet attentat résulte du «printemps érable», ou encore du ton de la campagne électorale.

Cet événement «isolé», qui a fait le tour du monde, ne doit pas, selon elle, ternir la réputation du Québec, a-t-elle insisté.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard, Pierre-André Normandin et Gabrielle Duchaine