La meilleure façon d'assurer la sécurité du public n'est pas de jeter les jeunes auteurs de crimes violents en prison, mais de les réhabiliter, ont tenu à dire hier cinq intervenants qui travaillent au quotidien avec de jeunes criminels. Le modèle québécois a fait ses preuves: les jeunes qui passent par les ressources de réhabilitation ont un taux de récidive qui varie entre 25 et 35%. En comparaison, les méthodes très répressives, comme les boot camps qui existaient il y a quelques années en Ontario, affichaient un taux de récidive de... 100%.

Ces experts ont tenu à rencontrer la presse pour réagir aux récentes promesses du chef conservateur, Stephen Harper, qui propose d'imposer la prison à des adolescents dès l'âge de 14 ans s'ils ont commis des crimes graves contre la personne. Or, les méthodes punitives comme la prison ne fonctionnent pas, affirment les intervenants.

 

«Avec une intervention sociale et de bons programmes de réhabilitation, on obtient des résultats comparables à ceux des meilleurs traitements médicaux», a souligné Jacques Dionne, professeur au département de psychologie de l'Université du Québec en Outaouais.

«Le Québec est un modèle à suivre en matière de réhabilitation des jeunes, et aussi de prévention. La grande majorité des adolescents est réceptive à l'intervention. Ils peuvent changer», souligne Michèle Goyette, directrice des services aux jeunes contrevenants du centre jeunesse de Montréal.

À preuve, seuls quatre adolescents ont commis des meurtres l'an dernier au Québec. Au Manitoba, 30 jeunes ont été condamnés pour le même crime. Au Brésil, dans une ville de petite taille, on grimpe à 50 jeunes. «Plutôt qu'un modèle à suivre, M. Harper propose que nous devenions un exemple à ne pas suivre», dit Mme Goyette.

Certains de ces jeunes criminels québécois ont écopé d'une peine d'adulte. D'autres ont fait un séjour en garde fermée dans des institutions. Mais l'important, à l'heure actuelle, c'est que la peine de ces jeunes criminels est «personnalisée», c'est-à-dire qu'on considère non seulement la gravité du crime, mais aussi la personnalité du jeune et ses antécédents criminels pour déterminer sa peine.

Reprendre une vie normale

Ce que craignent les intervenants, c'est que les modifications à la loi proposées par Stephen Harper amènent un «automatisme» dans l'imposition de la peine dès qu'un jeune aurait commis un crime grave.

«La prison, c'est un pis-aller qu'on n'utilise que lorsqu'on n'a plus d'autres moyens», ajoute Cécile Toutant, coordonnatrice du programme pour adolescents à l'institut Philippe-Pinel de Montréal.

Même dans le cas de jeunes qui ont commis leurs crimes alors qu'ils appartenaient à des gangs de rue, la réhabilitation fonctionne mieux que la prison, témoigne Chantal Fredette, experte de la question des gangs au centre jeunesse de Montréal. «Le jeune qui est dans un gang n'arrive plus à vivre en société comme le citoyen moyen. Il faut lui apprendre à gérer sa colère, à résoudre ses conflits autrement. Si on ne fait pas cela, on est dans le champ», dit-elle.

Le chef conservateur propose également qu'on puisse dévoiler l'identité des jeunes criminels dès l'âge de 14 ans. «Cela reviendrait à stigmatiser davantage les adolescents. On ferait tout pour les empêcher de reprendre une vie normale», conclut Mme Goyette.