Stephen Harper a annoncé hier que s'il est réélu, son parti remplacerait la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) par une loi plus sévère. L'annonce a été accueillie par un tonnerre de condamnations de spécialistes et des partis de l'opposition.

Les mesures envisagées par les conservateurs incluent la possibilité d'imposer des peines de prison à vie pour des jeunes de 14 ans et plus coupables de meurtres prémédités ou non prémédités. À l'heure actuelle, la peine maximale pour un meurtre prémédité n'est que de 10 ans, avec une période maximale de 6 ans derrièreles barreaux. À noter qu'au Québec, exceptionnellement, ces peines ne peuvent être imposées qu'à compter de l'âge de 16 ans.

 

Le Parti conservateur entendaussi permettre la publication du nom des jeunes contrevenants s'ils sont déclarés coupables d'une infraction violente, comme un meurtre, une tentative de meurtre ou une agression sexuelle. La loi qui remplacerait la LSJPA donnerait aussi la possibilité aux procureurs de la Couronne de demander une telle publication pour des crimes moins graves, mais commis de façon répétée.

La réforme pourrait faire l'objet d'un vote de confiance, a confirmé M. Harper. Un tel vote serait susceptible de provoquer de nouvelles élections si les autres partis à la Chambre des communes s'y opposaient. Raison de plus pour voter conservateur, a fait valoir le premier ministre: «Nous cherchons un mandat fort pour réformer le système judiciaire. «

Tourner le dos à la réhabilitation

Mais l'annonce a plutôt été perçue comme un abandon du principe de réhabilitation par des spécialistes québécois. «Ces jeunes sortiront un jour de prison, en libération conditionnelle, et la prison risquera de les avoir endurcis plutôt qu'autre chose. Donc, contrairement à ce que M. Harper suggère, la société ne sera pas mieux protégée, bien au contraire», a déclaré Jean Trépanier, professeur à l'École de criminologie et au Centre international de criminologie comparée de l'Université de Montréal.

Les adversaires politiques de M. Harper ont fait front commun pour dénoncer l'approche «de droite» du chef conservateur. Dans un communiqué de presse, le Parti libéral a rappelé que ces deux propositions étaient tout droit tirées des plateformes électorales du défunt Parti réformiste.

«M. Harper serait incapable de nous mettre de l'avant des experts, des policiers, des intervenants qui disent que c'est un plan qui va aider à rendre le Canada plus sûr. C'est la mauvaise direction. Les États américains qui ont essayé cela en sont revenus», a déclaré le chef libéral Stéphane Dion.

«C'est la façon républicaine, comme aux États-Unis: plus de gens dans les prisons, plus d'armes en circulation, a quant à lui dénoncé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Je ne veux pas vivre dans cette société-là.»

Le gouvernement Charest a aussi accueilli froidement les intentions des conservateurs. «On ne commentera pas ce qui est encore un engagement de parti, en campagne électorale», a déclaré Émilie Rouleau, porte-parole du ministre de la Justice, Jacques Dupuis.

Dans le passé, a-t-elle toutefois rappelé, la position du gouvernement du Québec a toujours penché vers la clémence envers les jeunes délinquants. «On commentera si cela devient une position d'un gouvernement conservateur mais on a toujours été pour la réhabilitation et la réinsertion sociale des jeunes «, a insisté M me Rouleau.

Constitutionnel ?

Stephen Harper a rejeté ces critiques, tout comme il a nié la possibilité que les tribunaux puissent déclarer ces changements inconstitutionnels. Il y a quelques mois, la Cour suprême a pourtant rappelé l'importance du principe voulant que les jeunes contrevenants soient traités avec moins de sévérité que les justiciables adultes. «Nous respectons la décision de la Cour suprême, a-t-il affirmé. Nous n'imposons pas des peines adultes. Nous avons l'intention d'imposer des peines plus sévères aux jeunes.»

M. Harper a par ailleurs annoncé qu'il ferait passer à 10 millions de dollars par année la contribution fédérale au Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes, un fonds d'aide aux communautés et à la réinsertion de jeunes criminels. «Dans plusieurs cas, des problèmes profonds à la maison et les environnements où les enfants sont élevés contribuent à des comportements délinquants ou criminels plus tard», a-t-il dit.

Néanmoins, son approche serait davantage axée sur la protection de la population que sur la prévention, a martelé le premier ministre. Son but: dissuader les jeunes de commettre les crimes en leur en faisant porter la responsabilité. «Quand une personne s'engage dans la voie du meurtre, du viol, des combats, des tueries, rien de tout cela (l'environnement social) ne peut devenir une excuse «, a-t-il tranché.