Les libéraux accusent le NPD de ne pas pouvoir dire quelle promesse verte il annulerait s'il ne réussissait pas à récolter les 3,6 milliards prévus avec un nouveau marché de vente de crédits d'émission de carbone.  

En point de presse ce matin, Jack Layton a esquivé la question. «Notre but, c'est de réussir à amasser tout cet argent », a-t-il répondu. «Ce que ça prend, c'est de la volonté politique», a-t-il ajouté.

Dans sa plate-forme, le NPD promet de mettre en place un marché de crédits de carbone au Canada. Selon les calculs du NPD, le fédéral récolterait 3,6 milliards en vente de permis dès 2011-12. L'argent servirait à financer l'année prochaine une dizaine de projets d'infrastructures et d'énergies vertes.

M. Layton assure qu'il récoltera cette somme. Mais pour rassurer les électeurs, il a déjà indiqué que s'il ne réussit pas à amasser l'argent, il annulera en conséquence une partie ou la totalité de ces projets. M. Layton refuse toutefois de dire lesquels.

Plusieurs de ces projets sont au coeur du programme du NPD, qui prévoit près de 50 milliards de nouvelles dépenses en quatre ans. Parmi eux : deux programmes pour les maisons écoénergétiques, un autre sur le logement abordable, des prestations fiscales pour les technologies et emplois verts ainsi que 500 millions par année pour le transport en commun.

Lesquels seront coupés, demandent avec insistance les libéraux ?

Même s'ils partagent l'objectif du NPD, les libéraux critiquent son échéancier, qu'ils jugent « non crédible». Les libéraux, eux, ne se sont pas donné d'échéancier.

Avant de récolter les 3,6 milliards en vente de crédits, le NPD devra adopter la législation nécessaire, négocier avec les provinces et déterminer plusieurs modalités du programme - par exemple, quelles entreprises participeront à l'enchère. Le NPD croit pouvoir faire le tout en moins de 11 mois.

Or, les libéraux rappellent qu'il a fallu plusieurs années à l'Union européenne pour mettre en place le marché. Et la Western Climate Initiative (qui regroupe entre autres la Californie, l'Ontario et le Québec) n'est pas encore opérationnelle après quelques années de travail.

Politique pour adultes

En point de presse à Thunder Bay, Michael Ignatieff a dénoncé ce qu'il a décrit comme un grave manque de sérieux du NPD.

Il soutient qu'en envisageant la possibilité de ne pas récolter les 3,6 milliards en 2011-12, le NPD a contredit son programme. «C'est la première fois dans une campagne électorale qu'un chef de parti a démenti sa propre plateforme deux semaines après l'avoir signé », a-t-il chargé.

L'histoire tombe à pic pour les libéraux. Rattrapés par le NPD dans certains sondages, ils dénoncent depuis plusieurs jours le manque de crédibilité de la plateforme néo-démocrate. Selon eux, les coûts qui y sont présentés ne tiennent pas la route.

Encore ce matin, les troupes de Michael Ignatieff ont lancé une publicité attaquant ce qui est devenu leur plus proche rival. « Nous avons passé un an et demi à développer cette plateforme, a affirmé le chef libéral. Nous l'avons chiffrée, nous avons parlé avec les provinces pour nous assurer qu'elle respectait leurs juridictions. C'est de la politique sérieuse, pour adultes. Nous ne faisons pas de promesses que nous ne pouvons tenir ! »

Les libéraux et le NPD promettent que leur marché du carbone respectera les provinces. Le NPD s'est engagé à ce que chaque dollar perçu à une entreprise soit redonné à la province où elle se situe. L'argent y retournerait sous la forme d'investissement en énergie ou infrastructure verte. Mais le NPD voudrait choisir avec la province cet investissement au lieu de tout simplement redonner l'enveloppe. Cela nécessitera une entente, ce qui rend l'échéancier du NPD encore moins réaliste, selon les libéraux.

Travail déjà fait, répond le NPD

Le NPD répond que la majorité du travail est fait. « On en parle depuis plusieurs années », a rappelé M. Layton. Il dit pouvoir s'inspirer du travail déjà abattu aussi par l'Union européenne et la Western Climate Initiative pour rapidement mettre en place le marché en sol canadien.

M. Layton ajoute qu'il mise sur l'expertise de la bourse du carbone de Montréal et que plusieurs entreprises ont pris les devants. Certaines comme Shell prévoient déjà dans leurs investissements une somme pour les crédits d'émission de carbone.

Le NPD a déjà détaillé son plan. Les crédits seraient vendus en enchère. Le prix de base serait de 45$/tonne d'émission. Un prix plus élevé que le marché a déjà critiqué le Bloc.

Seuls les grands émetteurs - une catégorie qui comprend plus de 700 entreprises canadiennes, dont des pétrolières, des manufactures et des centrales d'énergie - devraient acheter un tel permis.   Dans la première année, un peu moins du quart des grands émetteurs devrait acheter un permis. Les autres le recevraient gratuitement. Cette proportion diminuerait graduellement. D'ici 2025, tous les grands émetteurs devraient participer à l'enchère. L'argent récolté par le fédéral augmenterait donc chaque année.

Les conservateurs restent quant à eux en marge du débat. Ils s'opposent tout simplement à un tel marché. Il s'agirait d'une initiative « anticanadienne », a même raillé leur leader parlementaire, John Baird.