L'Office national de l'énergie dévoilera dans les prochaines semaines le déroulement de sa revue des forages extracôtiers dans l'Arctique. Après avoir élargi le mandat initial de ces audiences, l'Office doit maintenant envisager une tournée dans le nord du Canada, à la suite de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique.

«Nous ne savons pas combien de temps prendra le processus de revue», explique Sarah Kiley, porte-parole de l'Office. J'ai entendu plusieurs fois notre président dire qu'il est important de prendre le temps nécessaire pour bien la faire. Nous donnerons plus d'informations sur ce processus à la fin août ou au début du mois de septembre.»

Pour le moment, seule la liste de la cinquantaine de participants à la revue a été dévoilée. Celle-ci pourrait chambouler les règles d'exploration pétrolière dans l'Arctique, région qui fait depuis deux ans l'objet d'exploration sismique par des sociétés telles qu'Imperial Oil, qui envoient des experts sur des brise-glaces de la Garde côtière en mission scientifique.

Parmi les participants, on trouve évidemment des sociétés pétrolières, certaines d'aussi loin que la Russie et le Kazakhstan. Plusieurs groupes environnementaux, dont Sierra Club, ont demandé de l'aide financière à l'Office afin qu'ils puissent engager leurs propres experts. Une tournée dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut a aussi été réclamée.

Signe que l'exercice pourrait avoir un impact sur d'autres régions que l'Arctique, la Nouvelle-Écosse a envoyé une observatrice. Le Québec est par contre absent, malgré la possibilité de forage dans le golfe du Saint-Laurent. Plusieurs participants ont réclamé que tous les permis de forage dans les eaux côtières canadiennes fassent partie de la revue, voire le système d'attribution de permis d'exploration, avant toute analyse sismique.

Au départ, la revue ne devait porter que sur l'exigence actuelle de l'Office selon laquelle les sociétés pétrolières doivent être capables de forer un puits de secours dans la même saison. Ce type de puits est la seule solution certaine en cas de bris comme celui de la plateforme Deepwater Horizon, de la société BP (celle-ci n'a par contre pas eu besoin d'attendre le puits de secours pour colmater la fuite).

«Une saison de forage en Arctique, ça peut être aussi court que trois mois», explique David Pryce, vice-président de l'exploitation à l'Association canadienne des producteurs de pétrole. «Faire deux forages dans la même saison peut être matériellement impossible. C'est pour cette raison que nous avons demandé à l'Office s'il était possible d'avoir d'autres garanties qu'il n'y aurait pas de marées noires, comme des obturateurs avec plusieurs niveaux de redondance. La revue devait être limitée à cette question, mais avec Deepwater Horizon, sa portée a été élargie.»

Selon M. Pryce, forer un puits dans l'Arctique peut coûter de 100 à 200 millions. «En creuser deux, c'est presque doubler le coût de l'exploration. Ça peut faire la différence entre un projet viable ou non.»

Puits de secours

En juillet, dans la revue Nature, Arne Jernelov, spécialiste suédois de l'Institut de recherche sur la réduction des marées noires de Stockholm, avait avancé que la seule manière sûre de poursuivre l'exploration pétrolière océanique était d'obliger les sociétés à forer un puits de secours en même temps que le puits d'exploration.

«Ça augmenterait les coûts d'exploration de 60% à 80%, mais sur la vie utile du puits, c'est négligeable», affirme M. Jernelov en entrevue.

Ce n'est pas aussi simple, rétorque M. Pryce. Le taux de succès des puits d'exploration - le nombre d'essais nécessaires pour trouver un gisement exploitable - est relativement bas dans certaines régions, comme l'Arctique. En général, ce taux varie d'un sur trois à un sur dix. Les coûts de ces tentatives ratées doivent être absorbés dans l'analyse de rentabilité d'un puits.

Un autre Scandinave spécialiste des forages océaniques, Per Holand de la société norvégienne Exprosoft, a un point de vue à mi-chemin. M. Holand, qui a compilé une liste internationale d'un demi-millier de déversements de puits sous-marins dans les quatre dernières décennies pour son doctorat en géologie, estime que l'obligation de creuser deux puits en même temps est abusive.

«Mais c'est sûr que partout dans le monde, les règlements seront plus sévères, dit M. Holand. Les équipements d'obturation d'urgence devront avoir d'autres niveaux de redondance et il y aura plus d'obligations en matière d'intervention sous-marine.»