La fonte des glaces, le dégel des sols du grand Nord et la diminution de la capacité d'absorption du CO2 par les forêts et les océans sont autant de bombes à retardement qui pourraient accélérer le changement climatique, selon les scientifiques.

La concentration atmosphérique en CO2, passée de 280 ppm il y a 150 ans à 385 ppm aujourd'hui, continue d'augmenter (les ppm ou parties par million mesurent la part des molécules de gaz à effet de serre dans l'air). Même si les rejets de CO2 d'origine humaine s'arrêtaient complètement demain, la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone se maintiendrait encore au même niveau pendant plusieurs siècles.

«Le système a une inertie relativement importante», souligne le climatologue Hervé Le Treut.

Il faudra au mieux plusieurs décennies avant de stopper la hausse des températures, et la montée du niveau moyen des mers se poursuivra pendant des siècles, rappelle-t-il.

«Une fois engagée, la transition vers une calotte groenlandaise plus petite ne sera probablement pas réversible», assurent 24 climatologues dans un document publié la semaine dernière par l'Institut de recherche de Postdam sur le climat, à la veille du sommet climat de Copenhague (7-18 décembre).

Le rythme de la hausse du niveau des mers dépendra de la vitesse à laquelle fondront les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique. La fonte de celle du Groenland entraînerait une élévation moyenne de 7 mètres du niveau des océans.

La banquise arctique, qui couvre 15 millions de km2, a commencé à fondre durant l'été. Pour la première fois en 2008, les passages du Nord-Ouest (Canada) et du Nord-Est (Sibérie) sont libres de glace au même moment.

Or, moins il y a de glace, moins la chaleur des rayons du soleil est réfléchie dans l'atmosphère et plus elle est absorbée par l'océan, accélérant la fonte de la banquise.

Une autre bombe à retardement réside dans la diminution des «puits» de carbone. Aujourd'hui, plus de la moitié des émissions d'origine humaine est absorbée par la végétation et les océans.

Ce recyclage est de moins en moins efficace: la proportion de CO2 émise dans l'atmosphère et qui y reste est passée au cours du dernier demi-siècle de 40% à 45%.

La forêt amazonienne recycle chaque année 66 milliards de tonnes du CO2, soit près de trois fois ce que dégagent les carburants fossiles du monde.

Mais en 2005, ce poumon de la planète a connu une grave sécheresse, transformant temporairement le puits en source émettrice de carbone. Une multiplication de tels épisodes conduirait à une dégradation irréversible de la forêt tropicale humide qui se transformerait en savane.

Le dégel des permafrosts du Grand Nord, dans lesquels sont stockées des quantités considérables de méthane, un gaz au pouvoir réchauffant 30 fois supérieur au CO2, pourrait en cas de dégazage massif entraîner un doublement de l'effet de serre.

L'élévation des températures et l'acidification des océans réduit leur capacité à retenir du CO2. Les petits organismes marins perdent leur capacité à fabriquer leur coquille.

«Le risque de modification de la faune, de la flore, de la biodiversité, aussi fait partie des grands risques», ajoute Hervé le Treut.

«Mais ce n'est pas très facile d'y mettre des seuils, car ce sont des seuils par espèce, qui sont pour le moment déterminés de manière un peu empirique», relativise ce climatologue qui ne croit pas à l'existence d'un point de basculement unique de l'ensemble du système climatique. «C'est plutôt une accumulation de choses qui peuvent changer brutalement».