À l'occasion de son dernier vol de campagne d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, jusqu'à Calgary, Stephen Harper a pris place aux côtés de ses plus proches alliés et a commencé à forger le plan pour son retrait comme chef du Parti conservateur.

Ce plan se met en branle, mardi, alors que les politiciens conservateurs et les administrateurs du parti se penchent sur une future course à la direction - seulement la deuxième de la formation politique fusionnée -, tentant de mettre les morceaux en place et reconstruire après un revers électoral dévastateur.

M. Harper s'est montré calme à l'égard de la défaite qui se matérialisait, selon des sources qui ont parlé à La Presse Canadienne, lundi et mardi. Il a discuté séparément avec son conseiller de longue date Ray Novak, et avec le président du parti John Walsh à bord de l'avion.

Un certain nombre de choses surviendront dans l'immédiat. M. Harper démissionnera comme chef, mais restera en poste comme député. Un caucus désormais beaucoup plus maigre votera pour un chef intérimaire. Le nom de l'ancienne ministre Diane Finley est l'un des premiers à avoir circulé. Puis, l'exécutif national constituera un «Comité organisateur de l'élection du chef», qui établira les règles pour une course à la direction.

Tout cela amènera bien sûr le parti dans une période de chambardement - la formation politique ayant essuyé un revers est celle qu'a forgée M. Harper, comblant des postes avec des proches fidèles au fil des années de telle manière qu'il y a eu à peine un murmure de mécontentement en 12 ans.

Parallèlement à la mise en marche d'une course à la direction, les militants analyseront ce qui a cloché dans cette campagne et à qui revient la faute. Le directeur général du Parti conservateur, Dustin van Vugt, est chargé d'entreprendre un processus d'examen de la campagne de 2015. Une source haut placée du parti a indiqué que la formation serait endettée au terme de ces élections, une situation à laquelle les membres ne sont pas habitués.

Dans un signe des tensions dans l'environnement de M. Harper, la directrice de campagne Jenni Byrne ne se trouvait pas à Calgary le soir du scrutin, et se retrouve sans travail, mardi.

Des sources indiquent que, durant la campagne, des frictions de longue date entre Mme Byrne et le président de campagne Guy Giorno se sont aggravées, et les deux personnalités fortes ont été en grand désaccord sur des éléments de la campagne. Une source interne a affirmé que Mme Byrne avait refusé de remettre une liste détaillée des contacts de candidats à M. Giorno dans les derniers jours.

Éventuellement, l'hostilité entre les deux a aussi entraîné des tensions entre Mme Byrne et M. Novak, la principale personne de confiance de M. Harper.

Une source près de l'état-major de la campagne a affirmé que les groupes témoins et les études sur l'électorat avaient laissé croire que les cartes étaient jouées avant le début de la campagne. Les électeurs conservateurs «en avaient assez du PM (Stephen Harper) et avaient du mal à se résigner à voter pour lui», a relaté cette source.

«Le sentiment de Jenni (Byrne) en tant que directrice de campagne était que la bataille était perdue d'avance», a dit la source, ayant requis l'anonymat.

«Ils ont sous-estimé les sentiments des gens à l'égard du PM, et il y avait un désir de changement plus fort que ce qu'ils avaient réalisé.»

Brad Wall ne veut pas remplacer Harper

Même s'il se dit flatté par la rumeur, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a indiqué mardi qu'il n'avait pas du tout l'intention de remplacer Stephen Harper à la tête du Parti conservateur du Canada.

M. Wall, chef du Parti saskatchewanais (centre-droite), estime qu'il occupe actuellement le meilleur poste au pays et assure qu'il ne fera pas le saut en politique fédérale.

Les prochaines élections générales en Saskatchewan auront lieu au printemps prochain, et M. Wall, élu pour la première fois en 2007, sollicitera un troisième mandat.

M. Wall a parlé brièvement avec le premier ministre libéral désigné, lundi soir, évoquant surtout avec Justin Trudeau la difficile conciliation travail-famille. Le chef de ce parti plutôt conservateur, sans le nom, soutient qu'il a toujours eu de bons rapports avec le gouvernement Harper, mais qu'il n'est pas déçu des résultats de lundi.

Le premier ministre a rappelé que quel que soit le gouvernement en place à Ottawa, plusieurs dossiers importants pour sa province restent à régler, et qu'il les portera maintenant à l'attention de M. Trudeau.

Le premier ministre a énuméré mardi les priorités de la Saskatchewan, notamment le Partenariat transpacifique et les oléoducs - Keystone XL et Énergie est. Il souhaiterait aussi plus de financement fédéral en matière d'éducation pour les Premières Nations et la tenue d'une commission d'enquête sur les femmes autochtones tuées ou disparues - une idée que le premier ministre conservateur sortant a toujours écartée. Il souhaite aussi plus d'investissements dans les infrastructures, un élément-clé de la plateforme libérale.

M. Wall n'avait pas franchement pris parti durant la campagne, si ce n'est pour soutenir que les intérêts économiques de sa province étaient mal servis par les politiques des néo-démocrates, surtout leur opposition au Partenariat transpacifique. Le premier ministre estime que cet accord de libre-échange sera bénéfique pour la province - notamment pour les secteurs agricole et forestier - et il espère maintenant que les libéraux l'entérineront.

- Jennifer Graham, La Presse Canadienne