Des chefs des Premières Nations estiment que les dernières élections générales ont réveillé chez les Autochtones un géant endormi avec lequel le nouveau gouvernement libéral devra maintenant composer, en commençant par créer une commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.

Le taux de participation dans certaines circonscriptions majoritairement composées d'électeurs autochtones a augmenté de 20 % cette année, selon certains chefs. Sheila North Wilson, qui représente les Premières Nations du nord du Manitoba, a ainsi soutenu qu'on avait manqué de bulletins de vote dans certaines réserves éloignées de la province, et que des électeurs avaient dû voter sur des photocopies de bulletins vierges.

Élections Canada a indiqué mardi que le taux de participation des Autochtones n'avait pas encore été calculé.

Selon certains chefs, cette augmentation du taux de participation chez les Autochtones aurait contribué à chasser les conservateurs du pouvoir, après neuf ans, et fait maintenant miroiter l'espoir de trouver à Ottawa un gouvernement plus respectueux.

Le grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba, Derek Nepinak, a même parlé mardi d'un «grand jour». Il soutient que les gens fondent maintenant beaucoup d'espoirs sur ce nouveau gouvernement, après des années d'«oppression très intentionnelle».

La grande chef North Wilson rappelle par exemple qu'on s'attend maintenant à la mise sur pied, au cours des 100 premiers jours d'un gouvernement Trudeau, d'une commission d'enquête nationale sur les 1200 femmes autochtones disparues ou assassinées au pays - une idée que le premier ministre conservateur sortant, Stephen Harper, a toujours écartée.

Kevin Hart, chef régional pour le Manitoba au sein de l'Assemblée des Premières Nations, a soutenu que son peuple ressentait aujourd'hui un certain soulagement, et espère maintenant établir de nouvelles relations avec Ottawa. M. Hart a rappelé les priorités des communautés autochtones manitobaines: le logement, l'approvisionnement en eau potable, le financement équitable en éducation et le partage des ressources naturelles.

«Les vrais Canadiens se sont levés»

«Il fallait du changement. Les épouvantails, les messages haineux et les campagnes de haine contre les groupes ethniques au Canada n'ont pas marché. Les vrais Canadiens se sont levés et ont accordé leur soutien» (au changement), a estimé le chef Hart.

Au Québec, dans l'immense circonscription nordique d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, le député néo-démocrate sortant, Romeo Saganash, a été réélu avec 37 % des voix, alors que le candidat libéral est arrivé deuxième, avec 32 % des suffrages. Par contre, aux élections de 2011, M. Saganash avait obtenu 45 % des voix, alors que le libéral arrivait quatrième avec 10,5 % des suffrages.

En Ontario, dans la circonscription nordique de Kenora, à la frontière avec le Manitoba, le taux de participation a augmenté au sein des quelque 40 Premières Nations de la région, selon le chef de Shoal Lake 40, Erwin Redsky. Le député conservateur sortant, Greg Rickford, ministre des Ressources naturelles, est arrivé troisième, et c'est un ancien ministre libéral des Affaires indiennes sous Jean Chrétien, Bob Nault, qui l'a finalement emporté, après une chaude lutte, devant le néo-démocrate.

Selon le chef Redsky, les gens se sont mobilisés cette fois-ci, surtout en entendant la promesse de rapports de «nation à nation» avec le Canada. «J'ai demandé à ma femme de me pincer. Je ne pensais jamais entendre ça (...) On a hâte de connaître cette nouvelle ère. Le travail ne fait que commencer.»