Un parfum de résignation flottait dans l'air du centre des congrès de Calgary, lundi soir, où quelques centaines de supporteurs du Parti conservateur attendaient que leur leader, Stephen Harper, vienne tirer les conclusions d'une campagne qui s'est soldée par une retentissante défaite.

De petits drapeaux canadiens avaient été placés sur les chaises, mais les militants les ont à peine agités dans les rares moments de réjouissance, comme l'annonce de la réélection de ministres comme Tony Clement, Rona Ambrose, Jason Kenney ou M. Harper lui-même.

Au moment de mettre en ligne, M. Harper n'avait pas encore pris la parole, mais dans la salle, de nombreux militants, tout en digérant la nouvelle que le Canada venait de se doter d'un gouvernement libéral majoritaire, spéculaient déjà sur la possibilité qu'il annonce son départ de la politique. « Pourquoi resterait-il? Il n'y a pas de raison pour lui de continuer », a dit Geraint Roberts, 53 ans.

La loyauté envers leur chef demeurait visiblement intacte et plusieurs souhaitaient qu'il reste à la tête du parti qu'il a mené à trois victoires électorales au cours de la dernière décennie. Mais la majorité des militants à qui La Presse a parlé ne se faisaient pas trop d'illusions. « Je m'attends à ce qu'il fasse ce que Jim Prentice a fait au printemps », a dit Brenda Eales, une retraitée. Le premier ministre albertain, même s'il avait lui-même réélu, avait annoncé sa retraite politique le soir même de la défaite de son parti aux élections albertaines, en mai.

La soirée a été longue pour les supporteurs conservateurs. Les premiers étaient arrivés vers 19 h, le nez dans leurs téléphones intelligents. Les nouvelles n'étaient pas très bonnes. Leur parti a été blanchi à Terre-Neuve-et-Labrador et dans les Maritimes. La ministre des Pêches et Océans, Gail Shea, a été battue, tout comme Bernard Valcourt, ministre des Affaires autochtones « On dirait que ça va être un balayage, même si les sondages étaient relativement serrés, a dit Robert Matheson, un militant de 60 ans de Calgary-Centre. C'est habituellement un signe de la tendance qui va suivre [dans le reste du pays]. » Il ne se trompait pas.

Malgré l'appui de plusieurs grands quotidiens du pays, la dernière ligne droite de cette longue campagne a été difficile pour les conservateurs, doublés par les libéraux dans la plupart des sondages. Un ex-allié est même venu les hanter dans les heures précédant le scrutin: Benjamin Perrin, ancien avocat du bureau du premier ministre ayant témoigné dans l'affaire du sénateur Mike Duffy, a affirmé, dimanche, que le Parti conservateur avait perdu « l'autorité morale de gouverner ».

Jugement moral ou non, les Canadiens ont tranché. Invité à dire comment il se sentait à son arrivée au bureau de vote, lundi matin, M. Harper s'était contenté de dire: « Il y a un beau ciel bleu aujourd'hui. »

C'était avant que les nuages ne surgissent en fin de journée.