Conscients que le jour du scrutin approche, Stephen Harper, Thomas Mulcair, Justin Trudeau et Gilles Duceppe ont multiplié les attaques et les répliques incisives, vendredi soir, durant le dernier débat des chefs de ce long marathon électoral, dans l'espoir de consolider leurs appuis, et ce, alors que la lutte demeure serrée.

Les leaders ont croisé le fer sur l'économie et les finances publiques, la sécurité et la lutte contre le terrorisme ainsi que les politiques sociales et la gouvernance. Et comme ce fut le cas lors du précédent débat en français, la question du port du niqab a de nouveau donné lieu à des échanges enflammés.

Le changement

Confronté à une baisse de ses appuis dans les sondages, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a cherché à démontrer d'entrée de jeu que le chef libéral Justin Trudeau n'incarne pas le changement, soulignant que les libéraux ont souvent voté pour des mesures proposées par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il a notamment cité en guise d'exemple l'appui des libéraux à la Loi antiterroriste des conservateurs.

Le chef libéral avait lancé les hostilités en accusant M. Mulcair de vouloir équilibrer le budget fédéral à tout prix, comme Stephen Harper, alors que selon lui, l'économie aurait besoin d'une injection massive de fonds pour créer des emplois. «Vous ne pouvez pas investir dans les familles, vous ne pouvez pas investir dans les infrastructures», a dit M. Trudeau.

«M. Trudeau, dans ma famille, on m'a toujours dit que les actions parlaient plus fort que les paroles. Vous parlez des budgets de M. Harper. Vous avez appuyé en votant pour plusieurs des budgets de M. Harper. Je n'ai jamais voté pour des budgets de M. Harper. Vous avez voté pour le projet de loi C-51, la plus grande attaque contre les droits et libertés depuis que les libéraux ont adopté la Loi sur les mesures de guerre de 1970. Vous l'avez appuyé sur Keystone. Vous avez les mêmes politiques au niveau économique, social et environnemental. Nous, on vote contre M. Harper. On veut le battre et le remplacer», a rétorqué M. Mulcair.

Le chef conservateur Stephen Harper a quant à lui défendu son bilan économique, accusant sans ménagement à la fois M. Mulcair et M. Trudeau de vouloir augmenter le fardeau fiscal des contribuables et de dépenser sans compter.

M. Harper s'est aussi défendu de s'en prendre à des fins politiques à une minorité en promettant d'adopter un projet de loi interdisant le port du niqab durant les cérémonies de prestation de serment de citoyenneté. Il a accusé le NPD et le Parti libéral d'être «déconnectés» de la majorité des Québécois et des Canadiens en refusant d'agir. «Toute l'opinion publique est en faveur de cette politique», a-t-il dit.

«M. Harper, je trouve que vous avez du cran de venir ici parler des valeurs québécoises et de la défense des droits des femmes. Vous avez plus d'hommes dans votre caucus qui sont antiavortement qu'il y a de femmes qui portent le niqab au Québec», a lancé M. Trudeau.

«M. Harper, vous jouez un jeu dangereux que je n'ai jamais vu dans ma vie. Je n'ai jamais pensé que je verrais un premier ministre du Canada jouer ce jeu-là. Vous avez un candidat qui a dit que les femmes musulmanes n'ont qu'à sacrer leur camp chez elles. [...] C'est le reflet d'un mépris profond des valeurs canadiennes. Vous êtes en train d'utiliser comme cible, comme bouc émissaire une communauté pour faire de la politique sur son dos. C'est indigne d'un premier ministre canadien», a renchéri M. Mulcair.

«Quatre ans pour agir»

Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe a aussi accusé M. Harper de ne pas avoir le courage d'exiger le vote à visage découvert pour le vote et pour l'octroi et l'obtention de services publics, comme le réclame l'Assemblée nationale. «Il avait quatre ans pour agir. Il ne l'a pas fait», a-t-il dit.

Durant le débat, M. Duceppe a mis au défi le chef conservateur de protéger intégralement le système de gestion de l'offre dans le cadre des négociations visant à conclure un Partenariat transpacifique. M. Harper a répété que durant toutes les négociations de libre-échange, il s'est évertué à protéger la gestion de l'offre.

Marijuana

M. Trudeau a dû défendre sa promesse de légaliser la marijuana. «C'est plus facile d'acheter de la marijuana que de la bière», a-t-il lancé, précisant que c'est le crime organisé qui profite le plus de la vente au noir de cette drogue.

Stephen Harper s'est montré lapidaire. «Les leaders doivent montrer l'exemple. M. Trudeau, vous vous êtes vanté d'avoir fumé de la marijuana. Ce n'est pas une position responsable», a-t-il dit.

La leader du Parti vert, Elizabeth May, n'avait pas été invitée à cette joute oratoire. Le débat de vendredi soir était le cinquième de ce marathon électoral et l'un des plus attendus en raison de la volatilité de l'électorat, notamment au Québec. Les chefs reprennent la route samedi alors qu'il ne reste plus qu'environ deux semaines avant le jour du scrutin.