Le débat n'avait pas si mal démarré pour la chef du Parti vert, Elizabeth May. Elle a d'ailleurs surpris et ravi des auditeurs francophones avec sa réplique vive au sujet du niqab. Mais à mesure que le temps passait, sa maîtrise du français devenait de plus en plus laborieuse.

«À la fin, quand elle a lu son texte de clôture, on voyait qu'elle était épuisée», a noté Benoît Melançon, professeur au département des littératures de langue française de l'UdeM.

Néanmoins, Mme May «s'est améliorée en français», estime le professeur, auteur du blogue L'Oreille tendue. «En 2011, il y avait un paquet de mots qu'elle n'arrivait pas à prononcer. En 2015, ça va beaucoup mieux, dit-il. Mais elle n'a pas encore la rapidité et la fluidité pour être à l'aise dans un débat.»

Mme May, par exemple, omettait de conjuguer ses verbes. «Elle les mettait à l'infinitif, ou les conjuguait seulement à la première personne du singulier.» 

Elle peine toujours, souligne M. Melançon, à prononcer certains sons. Ainsi, «budget» devient «bouget», «abus» devient «abusss», «surplus» devient «surplusss». 

«On voit bien que c'est quelqu'un qui manque d'entraînement. Ce n'est pas aussi catastrophique que ça a déjà été, mais à certains moments, mieux vaut connaître soi-même l'anglais pour pouvoir retraduire et comprendre ce qu'elle veut dire.»

«Manifestement, c'est quelqu'un qui a commencé à parler français très tard, en comparaison de Stephen Harper. Lui aussi avait de graves problèmes quand il a commencé, mais j'ai l'impression qu'il a commencé plus jeune.» 

La qualité du français du premier ministre, maintes fois soulignée par le passé, laissait toutefois à désirer, jeudi soir, selon le linguiste.

Le débit plus lent de Mme May, signe qu'elle réfléchit très fort pour ne pas faire d'erreurs, rend la conversation difficile. 

«Stephen Harper aussi parle lentement», dit M. Melançon. «Quand je l'entends parler français, j'ai l'impression de suivre en temps réel les mouvements des rouages grammaticaux... Alors que ce n'est pas le cas chez Thomas Mulcair: il parle vite, il fait des fautes, et ça ne le dérange pas.»

Comme l'ancien chef néo-démocrate Jack Layton, d'ailleurs. «Layton parlait un français assez macaronique! Et il en était très à l'aise. Il voulait être près des gens, être compris.» Et il ne connaissait pas les niveaux de langue. «Mais ça n'entravait pas la communication, dit M. Melançon. Alors qu'Elizabeth May, quand elle cherche ses mots, la conversation bloque.»