Alors que la lutte demeurait extrêmement serrée jusqu'ici entre le Parti conservateur, le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral, voilà que le dossier du niqab fait bouger l'aiguille des intentions de vote de façon spectaculaire, selon un sondage national réalisé par la firme Ekos pour le compte de La Presse. Et ce sont les conservateurs de Stephen Harper, qui ont promis de légiférer dans un délai de 100 jours pour interdire le niqab durant les cérémonies de prestation du serment de citoyenneté s'ils sont reportés au pouvoir le 19 octobre, qui profitent le plus du débat enflammé sur cette question.

Un bond important

Seul parti à vouloir interdire le port du niqab s'il prend le pouvoir, le Parti conservateur voit ses appuis bondir de près de six points de pourcentage en un peu moins d'une semaine, selon la firme Ekos. Si les élections avaient lieu aujourd'hui, les conservateurs de Stephen Harper obtiendraient 35,4% des suffrages, ce qui pourrait être suffisant pour former au moins un gouvernement minoritaire. C'est surtout le NPD qui semble écoper de cette remontée du Parti conservateur: il voit ses appuis chuter de 5,4 points à l'échelle nationale, pour s'établir à 24,5%. Ce faisant, les troupes de Thomas Mulcair culbutent au troisième rang dans les intentions de vote, derrière le Parti libéral, qui récolte 26,3% des appuis, en baisse de 1,1 point de pourcentage. En tout, Ekos a interrogé 2343 Canadiens dans le cadre de ce sondage réalisé du 17 au 22 septembre. La marge d'erreur est de plus ou moins 2%, 19 fois sur 20.

Des appuis en hausse au Québec aussi

Au Québec, le Parti conservateur gagne aussi des points dans la foulée du débat sur l'interdiction du port du niqab durant les cérémonies de prestation du serment de citoyenneté. Ses appuis bondissent de huit points de pourcentage dans la province, passant de 16% à 24%. Encore une fois, le NPD est le principal perdant: ses appuis chutent de huit points dans ce dernier coup de sonde, pour s'établir à 33%. Le Bloc québécois, qui milite aussi pour l'interdiction du port du niqab, récolte 18% des intentions de vote au Québec, en hausse de deux points. Les appuis au Parti libéral bougent d'à peine un point et atteignent 19% (-1%). Au Québec, l'échantillon est de 680 personnes et la marge d'erreur, de plus ou moins 3,8%.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le NPD, avec Thomas Mulcair à sa tête, voit ses appuis chuter de 5,4 points à l'échelle nationale, pour s'établir à 24,5 %.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau et les libéraux récoltent 26,3 % des appuis au pays, en baisse de 1,1 point de pourcentage.

En tête partout au pays sauf au Québec et en Atlantique

Alors que sa campagne a été perturbée par divers événements durant le premier mois de la campagne (procès de Mike Duffy, données de Statistique Canada indiquant que le pays était en récession technique durant les six premiers mois de l'année et crise des migrants), le Parti conservateur se retrouve malgré tout en tête dans les intentions de vote dans toutes les régions sauf au Québec (où le NPD est premier) et les provinces atlantiques (le Parti libéral y arrive au premier rang). Selon le président de la firme Ekos, Frank Graves, le vent souffle en faveur des troupes de Stephen Harper depuis une semaine. «En l'espace d'une semaine, ce qui était une course à trois s'est transformé en une avance pour les conservateurs, alors que les libéraux et le NPD traînent derrière», a-t-il affirmé.

Des gains possibles au Québec

Selon Frank Graves, la hausse des appuis des conservateurs au Québec pourrait leur permettre de faire des gains dans la province, notamment dans la région de Québec. À la dissolution du Parlement, le Parti conservateur ne détenait que 5 des 75 sièges au Québec. Le Québec comptera maintenant 78 sièges aux Communes. Dans les rangs conservateurs, des stratèges ont indiqué que leur objectif était de récolter au moins 10 sièges au Québec le 19 octobre. Selon Frank Graves, il est évident que la position de Stephen Harper sur la question des réfugiés syriens et du niqab lui a permis de se démarquer des autres chefs. «Le Parti conservateur fait meilleure figure en Alberta et en Ontario et, fait intéressant, il montre des signes de vie au Québec. En effet, le Parti conservateur est maintenant dans une position où il peut espérer remporter des sièges dans la région de Québec. Les dossiers des réfugiés et du niqab ne sont pas étrangers à cela», a-t-il analysé.

Une autre victoire conservatrice?

Il reste encore plus de trois semaines à cette longue campagne électorale et trois autres débats des chefs, dont celui de ce soir en français à Montréal, organisé par La Presse, Radio-Canada et Télé-Québec. Or, une pluralité de Canadiens (35%) estiment que ce sont les conservateurs de Stephen Harper qui vont remporter la victoire le 19 octobre, tandis que 29% des répondants estiment au contraire que le NPD écrira une page d'histoire le jour du scrutin en formant le premier gouvernement social-démocrate. Moins d'un quart des répondants (24%) se disent convaincus que ce sont les libéraux de Justin Trudeau qui vont coiffer tout le monde au fil d'arrivée.

Oui à des discussions constitutionnelles

Fait intéressant, il existe un appétit au sein de la population canadienne pour rouvrir la Constitution afin de décider de l'avenir du Sénat (69% en faveur; 22% contre) ou encore pour répondre aux revendications territoriales des peuples autochtones au pays (57% en faveur et 35% contre). Mais cet appétit disparaît net quand il s'agit de relancer les pourparlers afin que le Québec signe la Constitution canadienne. En effet, 53% des répondants rejettent cette option, tandis que seulement 36% l'appuient. «L'idée de relancer les négociations constitutionnelles pour satisfaire le Québec est clairement rejetée, même si le dossier de l'unité nationale suscite des échanges soutenus entre Thomas Mulcair et Justin Trudeau durant la campagne», a expliqué Frank Graves.

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Méthodologie du sondage

La firme Ekos a réalisé ce sondage auprès de 2343 Canadiens du 17 au 22 septembre à l'aide d'un serveur vocal interactif de haute définition (en anglais, High Definition Interactive Voice Response, ou IVR). Cette technologie permet à un système informatique de dialoguer avec un utilisateur par téléphone. La firme a utilisé une proportion de répondants ayant une ligne terrestre et une autre proportion ayant un téléphone cellulaire seulement afin d'assurer une fiabilité accrue des données. La marge d'erreur de ce sondage est de plus ou moins 2%, 19 fois sur 20. Dans le cas du Québec, où on compte 680 répondants, la marge d'erreur est de plus ou moins 3,8%, 19 fois sur 20.

Photo Patrick Sanfaçon, archives La Presse

Le Bloc québécois de Gilles Duceppe récolte pour sa part 18 % des intentions de vote au Québec.

Une coalition plus qu'un gouvernement minoritaire

Les Canadiens ne sont pas très enthousiastes  à l'idée de voir un gouvernement minoritaire s'installer au pouvoir le 19 octobre, comme le laissent entendre les sondages depuis un certain temps. Mais ils appuient par une majorité importante la possibilité d'avoir à la place un gouvernement de coalition - qu'il soit dirigé par Justin Trudeau ou Thomas Mulcair.

Selon un sondage national réalisé par la firme Ekos pour le compte de La Presse, seulement 48% des Canadiens croient que l'élection d'un gouvernement minoritaire serait bonne pour le pays, tandis que 46% croient au contraire que cela serait néfaste et qu'environ 7% des gens n'ont pas d'opinion à ce sujet.

Mais quand on demande aux Canadiens s'ils voient d'un bon oeil la formation d'un gouvernement de coalition entre les libéraux et les néo-démocrates, ils répondent par l'affirmative dans une proportion de 59% si cette coalition est menée par le chef libéral Justin Trudeau et dans une proportion presque identique de 57% si elle est dirigée par le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Thomas Mulcair.

Un gouvernement minoritaire déplaît

Seulement 41% des répondants préfèrent un gouvernement minoritaire conservateur dirigé par Stephen Harper au lieu de voir Justin Trudeau à la tête d'une coalition pour gouverner le pays. La proportion des partisans d'un gouvernement minoritaire conservateur grimpe à 43% dans le cas d'une coalition menée par Thomas Mulcair.

«Les coalitions demeurent un choix populaire, en particulier chez les gens qui n'appuient pas le Parti conservateur. En effet, chez les électeurs dits progressistes, peu importe qu'il soit d'allégeance libérale ou néo-démocrate, ou que cette coalition soit dirigée par Trudeau ou Mulcair, l'appui à une coalition est très élevé et certainement plus grand qu'en 2011. Mais ceux qui appuient les conservateurs y sont fermement opposés», a analysé Frank Graves, de la firme Ekos.