Le chef conservateur Stephen Harper entend maintenir son «fédéralisme d'ouverture» dans les relations qu'Ottawa entretient avec le Québec sous sa houlette, ouvrant toute grande la porte à un encadrement du pouvoir fédéral de dépenser lorsqu'il s'agit de mettre sur pied des programmes pancanadiens dans des domaines qui relèvent de la compétence des provinces.

Dans une lettre de six pages qu'il a fait parvenir hier au premier ministre du Québec Philippe Couillard, M. Harper affirme d'ailleurs que son gouvernement conservateur met déjà en application cette philosophie en s'abstenant de créer de nouveaux programmes dans les champs de compétence des provinces. Cette façon de faire a permis d'établir une certaine paix constitutionnelle au pays.

Chose certaine, un gouvernement conservateur réélu n'hésiterait pas à verser au Québec une juste compensation financière et lui donnerait un droit de retrait dans l'éventualité où il voudrait créer un nouveau programme dans un domaine de compétence provinciale.

En août, M. Couillard a envoyé une missive aux chefs de tous les partis politiques dans le cadre de la campagne électorale dans laquelle il leur demandait un engagement «clair» sur un certain nombre de dossiers, dont le transfert en matière de santé, la péréquation, le pouvoir fédéral de dépenser, les changements climatiques, le financement de Radio-Canada, le projet de loi antiterroriste et le péage sur le pont Champlain, entre autres.

Dans sa réponse à son homologue québécois, M. Harper se dit inquiet de voir les autres formations politiques, en particulier le NPD et le Parti libéral, faire des promesses qui empiéteraient directement sur les compétences provinciales.

Pourparlers discrets

Selon des informations obtenues par La Presse, Ottawa et Québec avaient discrètement entrepris des pourparlers de haut niveau afin de conclure une entente administrative formelle pour encadrer le pouvoir de dépenser. Mais ces pourparlers n'ont pas abouti avant le déclenchement des élections fédérales, au début d'août.

«Je suis étonné de constater que tant le NPD que les libéraux durant cette élection mettent de l'avant des empiétements directs sur les compétences du Québec. Ils proposent des interventions directes - par exemple, le NPD a proposé de nommer un ministre fédéral des Affaires urbaines s'il est porté au pouvoir et, comme vous le savez, l'Assemblée nationale a adopté en mai dernier une motion pour dénoncer toute tentative en ce sens», écrit M. Harper.

«Je veux vous assurer que vous n'aurez pas ce genre d'inquiétude avec un gouvernement conservateur réélu. Je constate aussi que ce n'est pas le temps de brouiller les cartes avec des chicanes stériles que le Bloc québécois et le Parti québécois aimeraient provoquer. Nous continuerons à travailler sur un Québec encore plus fort dans un Canada uni», ajoute-t-il.

Il donne en guise d'exemple l'entente sur le logement abordable qui a été prolongé en juillet. Cette entente, a-t-il affirmé, «vous permet d'établir vos priorités sur tout le territoire du Québec». Il a aussi rappelé le programme fédéral d'infrastructures, en vertu duquel le Québec obtiendra 19 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années et pourra choisir lui-même les chantiers prioritaires.

Dans sa lettre, M. Harper réitère son engagement à défendre le système de gestion de l'offre dans les négociations de libre-échange visant à conclure le Partenariat transpacifique. «Nous sommes résolus à demeurer un partenaire de la prospérité du Québec, y compris en matière de construction navale», affirme M. Harper.

Quant à la nomination de juges à la Cour suprême du Canada, le chef conservateur soutient qu'il s'agit d'un pouvoir fédéral exclusif, mais que son gouvernement a tenu à consulter le Québec, ce qui était sans précédent, avant de nommer les juges francophones Clément Gascon et Suzanne Côté. «Notre gouvernement respecte la division des pouvoirs et les traditions du Québec et exerce son leadership dans ses champs de compétence», affirme-t-il.

Transferts fédéraux

En matière de transferts fédéraux aux provinces, M. Harper souligne dans sa missive que le Québec obtient cette année 20,4 milliards d'Ottawa - «une hausse de près de 8,4 milliards de dollars (ou de 70%) comparativement au précédent gouvernement libéral». Il affirme que la formule des transferts a été revue en 2014-2015 afin d'assurer «l'équité entre les provinces et la croissance viable du programme [de péréquation]».

Quant à la place du Québec au sein du Canada, il affirme qu'un gouvernement conservateur réélu «continuera à reconnaître le rôle central joué par le Québec dans la création du Canada - ce pays né en français dans la ville de Québec - et nous allons continuer à souligner ce rôle alors que nous nous préparons à célébrer le 150e anniversaire de la Confédération. De la même manière, nous veillerons au respect des langues officielles et à la préservation du patrimoine historique du Québec.»

Dans sa lettre, M. Harper tient à souligner à M. Couillard «que de plus en plus de Québécois me disent qu'ils se reconnaissent dans les priorités du Parti conservateur - au premier chef l'économie et la sécurité».

«Vous êtes vous-même engagé dans une opération de contrôle des dépenses au Québec. Vous savez que ce n'est pas le moment pour une avalanche de nouvelles dépenses qui se traduiront en hausses de taxes et d'impôts pour les contribuables, ce qui ruinerait notre économie et nous laisserait vulnérables face à des crises économiques dans le futur. C'est pourtant exactement ce que proposent le PLC et le NPD. Mon gouvernement a réduit les taxes et les impôts des Canadiens et est le seul à s'engager à ne pas les augmenter dans le futur», soutient Stephen Harper.