Un groupe d'activistes canadiens lance aujourd'hui le Manifeste du bond en avant, qui réclame le respect des revendications territoriales autochtones, des garderies publiques d'un océan à l'autre, la nationalisation du secteur de l'énergie, la fin de l'austérité budgétaire et l'augmentation des impôts pour les riches, entre autres. La journaliste torontoise Naomi Klein est porte-parole du manifeste. La Presse s'est entretenue avec elle.

Pourquoi lancer ce manifeste en plein milieu de la campagne électorale ?

La classe politique tout entière n'est pas à la hauteur du défi en ce moment historique. Les changements climatiques atteignent des niveaux de crise et il reste peu de temps pour agir. Il y a aussi la crise des inégalités. Les politiciens ne font que se fier aux sondages.

Y a-t-il un parti qui réponde mieux à votre manifeste ?

Les gens qui sont impliqués dans le manifeste soutiennent différents partis. Certains, aucun. Aucune des politiques des programmes des partis ne répond aux exigences de la science, aucune plateforme ne réunit les actions contre l'injustice raciale et climatique. Si nous avons un nouveau gouvernement, qu'il soit de Mulcair ou de Trudeau, il devra être poussé par la base. Certains partis sont meilleurs sur certaines questions, d'autres partis sont meilleurs sur d'autres questions.

Vous dites que certains partis sont meilleurs que d'autres sur certains points. Les conservateurs sont-ils meilleurs sur certains points ?

Non, pas les conservateurs. Je pense que les verts sont meilleurs pour les politiques climatiques et que d'autres partis sont meilleurs pour les politiques sociales. Le but n'est pas d'appuyer un parti.

Justin Trudeau ou Thomas Mulcair, est-ce vraiment égal pour vous ?

Je ne souhaite vraiment pas commenter l'issue des élections de cette manière. Ce n'est d'aucune aide dans le contexte du manifeste. Je n'ai jamais été très partisane. J'espère que Harper ne sera pas réélu.

Pensez-vous que le NPD a réussi un recentrage similaire au New Labour de Tony Blair en Grande-Bretagne ?

Il y a un plus grand appétit pour des changements transformationnels que ce que nos partis et leurs sondeurs croient. J'ai été stupéfaite de constater combien de gens ont signé notre manifeste, qui réclame que notre énergie soit 100 % renouvelable d'ici deux décennies. Le mouvement syndical embrasse cet avenir avec beaucoup de courage.

Selon vous, les sondages ne reflètent pas la volonté de la population ?

Aux États-Unis, les candidats aux primaires présidentielles démocrates, Bernie Sanders et Hillary Clinton, rivalisent d'ardeur en ce qui concerne leur plan climatique. Les partis canadiens se basent sur des sondages d'il y a un an. Beaucoup de choses ont changé depuis. Juillet a été le mois le plus chaud de l'histoire et il y a beaucoup d'intérêt pour le sommet climatique de Paris, en décembre. Obama en parle beaucoup.

N'y aurait-il pas un risque, pour un parti, d'adopter comme plateforme des changements aussi radicaux que ceux proposés par votre manifeste ? N'y a-t-il pas un parallèle avec la plateforme travailliste britannique de 1983, très à gauche, surnommée par la presse « la plus longue lettre de suicide de l'histoire » ?

Je crois qu'au Canada, il existe un truisme en politique à propos de la campagne de Stéphane Dion [élections fédérales de 2008] et de l'échec de sa plateforme environnementale. Je pense qu'on peut tirer d'autres conclusions de son échec électoral. Peut-être n'était-il pas un grand politicien.

Incluez-vous l'hydroélectricité dans votre définition de l'énergie renouvelable ?

Notre but est d'augmenter la contribution des projets éoliens et solaires décentralisés et contrôlés par les communautés locales. Nous sommes contre les superprojets. Nous ne sommes pas contre l'hydroélectricité, mais pas particulièrement en faveur de celle-ci.