Conservateurs et néo-démocrates s'attaquent à coups de publicités négatives sur l'internet. Les conservateurs ont lancé une série de vidéos prévenant les Canadiens du risque d'une crise à la grecque et attaquant l'intégrité de Thomas Mulcair, et le Nouveau Parti démocratique (NPD) a répliqué par un message rappelant les démêlés judiciaires de proches du premier ministre.

En moins de 24 heures, le Parti conservateur du Canada a mis en ligne pas moins de sept publicités en français qui s'attaquent directement au NPD, et tout particulièrement à son chef.

«Mulcair est un imposteur dénué de principes», clame en grosses lettres une de ces vidéos. Pour justifier cette sortie, le Parti conservateur affirme qu'il voit une contradiction dans le discours du chef néo-démocrate, qui avait déploré l'influence des syndicats alors qu'il était député provincial, mais s'est réjoui en début de campagne de leur appui à sa candidature.

«Après avoir visé Justin Trudeau, on tourne les canons vers Thomas Mulcair puisqu'il semble en tête, note Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing à l'Université du Québec à Montréal. Si on essaie de décoder, les conservateurs essaient de donner un coup de barre, un électrochoc, pour faire bouger le baromètre.»

Le stratège en communication Louis Aucoin note que la majorité de ces publicités cherchent à «mettre en doute l'intégrité de Thomas Mulcair, son caractère honnête. Dire par exemple qu'il a gardé le silence pendant 17 ans sur une enveloppe que lui aurait remise Gilles Vaillancourt, c'est laisser entendre qu'il a quelque chose à cacher».

Dans une autre vidéo, les conservateurs vont même jusqu'à affirmer que Thomas Mulcair a déjà été «reconnu coupable de conduite malveillante et abusive». En petits caractères, le message précise qu'on fait référence à un jugement de 2005 dans lequel Thomas Mulcair, alors député libéral à l'Assemblée nationale, avait été condamné en diffamation à payer 95 000$ au péquiste Yves Duhaime. Il s'agissait d'une poursuite civile et non d'une accusation en vertu du Code criminel.

Si la qualité des vidéos est plutôt faible, Louis Aucoin note que celles-ci cherchent à «fournir des arguments simples à comprendre» pour convaincre les électeurs de ne pas voter pour le NPD. L'un des messages, intitulé «On n'a pas les moyens de se payer le NPD», affirme que le parti «va ruiner l'économie du Canada». «Tous les pays où les idées du NPD ont été appliquées sont dans le trouble. Il faut juste regarder la Grèce pour voir où ils en sont rendus», s'inquiète une femme présentée comme une simple électrice.

Le NPD réplique

Le NPD n'a pas apprécié ces vidéos ciblant son chef. «C'est exactement à cause de ce genre d'attaques personnelles sans fondement que les Québécois rejettent l'approche des conservateurs et veulent du changement à Ottawa», s'indigne Karl Bélanger, porte-parole de la campagne néo-démocrate. Il ajoute que «Tom Mulcair ne se laissera pas distraire par ces attaques personnelles».

Reste que le NPD a répliqué en diffusant lui aussi une publicité négative sur l'internet qui attaque le chef conservateur. Le message, diffusé autant en anglais qu'en français, fait défiler des manchettes de journaux évoquant les démêlés judiciaires de proches du premier ministre pendant qu'on entend, en trame de fond, Stephen Harper chanter la chanson With A Little Help From My Friends des Beatles. «Avec des amis comme ça, ce n'est pas étonnant que les Canadiens veuillent du changement à Ottawa», peut-on lire à la fin.

Cette stratégie n'étonne pas Louis Aucoin, qui souligne que les néo-démocrates s'attaquent depuis le début de la campagne à l'intégrité du premier ministre. «Quand ils attaquent Stephen Harper, ils veulent montrer que Thomas Mulcair n'est pas un gars un comme ça», analyse-t-il.

Décriées mais efficaces

Les publicités négatives sont souvent décriées, mais réussissent tout de même à attirer l'attention, constate Bernard Motulsky. Le spécialiste doute toutefois que les messages concoctés par le Parti conservateur convainquent de nombreux électeurs de voter pour lui. «Il n'y a rien là-dedans qui amène vers les conservateurs. La question est de savoir si ces attaques vont en détourner certains du NPD, dont les appuis sont encore fragiles, pour aller plutôt vers les libéraux.» Louis Aucoin voit même dans ces messages un «coup de pouce inespéré pour le Bloc».

PHOTO TIRÉE D'UNE VIDÉO DU PARTI CONSERVATEUR

Les conservateurs jugent contradictoire la position syndicale de Thomas Mulcair.