Le Parti conservateur, qui fait de la sécurité intérieure un de ses principaux thèmes de campagne électorale, souhaite, s'il est élu, criminaliser la plupart des voyages des Canadiens dans des zones où des groupes terroristes pratiquent des «activités hostiles».

Un Canadien qui se rendrait, par exemple, dans certaines parties de l'Irak ou de la Syrie contrôlée par le groupe État Islamique ferait l'objet d'une enquête et pourrait être arrêté à son retour au pays.

Le gouvernement identifierait ainsi des «zones de déplacements étrangers interdites» après consultation des organismes de sécurité et du renseignement du Canada, a fait savoir le Parti conservateur.

«La création d'une catégorie de zones de déplacements étrangers interdites donnera aux forces de l'ordre des outils additionnels afin de mieux protéger les Canadiens contre ceux qui se rendent dans ces zones dangereuses avec l'intention de revenir au Canada pour commettre des actes terroristes», a déclaré le chef du parti conservateur, Stephen Harper hier matin, de passage à Ottawa. Le parti précise que certaines parties de la Syrie et de l'Irak seraient «probablement» parmi les premières régions visées par la loi, mais qu'aucun «plan» n'est prévu pour la Somalie, pour le moment.

Ce type de loi, souligne M. Harper, existe notamment en Australie. Sur le site de la sécurité nationale du gouvernement australien, il est effectivement écrit que les personnes qui se rendent à Raqqa, en Syrie ou à Mosul en Irak risquent jusqu'à 10 ans de prison.

M. Harper reprend d'ailleurs à son compte les termes «activités hostiles» et «zones désignés (declared areas) de la loi australienne.

Quelques exceptions

Certains citoyens pourraient toutefois se rendre dans ces zones pour des «raisons légitimes». Ce pourrait être le cas des travailleurs humanitaires, des journalistes, des diplomates ou autres représentants officiels du gouvernement. Il pourrait aussi y avoir des exemptions pour ceux qui doivent visiter leur famille, a souligné le Parti conservateur.

«Les Canadiens pouvant démontrer qu'ils se sont rendus dans des zones désignées à des fins légitimes ne seront pas poursuivis en vertu de cette nouvelle mesure législative», a indiqué le PC dans un communiqué. On peut d'ailleurs lire dans ce même communiqué: «Le premier ministre Harper a ajouté que la diplomatie et la recherche des causes profondes ne stopperaient pas l'État islamique.»

D'un point de vue juridique, l'avocat criminaliste Jean-Claude Hébert croit qu'il pourrait être difficile de déterminer les raisons légitimes d'un voyageur.

«Qui va interpréter ce qui est légitime?», se questionne-t-il. Il note également qu'il pourrait y avoir un renversement du fardeau de la preuve, ce qui généralement, est plutôt mal reçu par les tribunaux bien que cela ne soit pas interdit.

«Si le Canada a le pouvoir d'adopter des lois extra territoriales, ce n'est pas si simple de décréter qu'aller combattre en Syrie est du terrorisme. C'est délicat, car on sait qu'il y a des anciens soldats canadiens qui vont combattre État islamique. Est-ce que ce sera deux poids, deux mesures?»

Questionné à ce sujet, le Parti conservateur a fourni cette réponse à La Presse: «Cette mesure législative ne vise pas à poursuivre ceux qui peuvent prouver qu'ils travaillent avec des groupes qui luttent contre l'État islamique ou d'autres ennemis du Canada.» Le parti invite toutefois les Canadiens qui souhaitent lutter contre le groupe EI à se joindre aux Forces armées canadiennes.

«Ça ressemble plus à un ballon électoral pour montrer qu'on veut protéger les Canadiens, mais c'est facile de faire des promesses sans un texte de loi qui apporterait des nuances et des critères», de conclure Me Hébert.