Stephen Harper a été forcé de défendre son bilan des 10 dernières années, jeudi soir, devant les tirs groupés de ses adversaires durant le premier débat de la campagne en cours, organisé par le magazine Maclean's.

Les thèmes de l'économie et de l'unité nationale ont donné lieu à certains des échanges les plus musclés entre les quatre chefs présents: Thomas Mulcair, du Nouveau Parti démocratique, Justin Trudeau, du Parti libéral du Canada, Elizabeth May, du Parti vert et Stephen Harper, du Parti conservateur.

M. Harper a été pressé de questions et de critiques dès les premières minutes de la soirée sur l'état de l'économie canadienne et sa gestion des finances publiques depuis 2006.

«J'étais dans le débat des chefs de 2008, de même que M. Harper, M. le premier ministre, nous étions les deux présents», a rappelé Elizabeth May. «Je me souviens très clairement que M. Harper disait que s'il y devait y avoir une récession, elle serait déjà en cours... Je ne crois pas vraiment qu'il a un bon bilan pour voir quand ce pays est en récession!»

M. Harper n'a pas nié cette fois-ci que le pays pourrait être aux prises avec une récession, au cours d'un échange animé avec le chef du NPD Thomas Mulcair: «Vous essayez de nier le fait qu'au cours des cinq derniers mois, ces mêmes statistiques du gouvernement du Canada ont démontré que l'économie canadienne a ralenti. Nous sommes à un mois d'une récession technique. Mais selon plusieurs observateurs, nous y sommes déjà», a lancé M. Mulcair.

- Je ne nie pas cela, a répondu M. Harper. Ce que je dis, c'est que...

- Vous ne niez pas que nous sommes dans une récession? C'est bien... l'a interrompu M. Mulcair.

- Ce que je dis, a poursuivi M. Harper, c'est que ce ralentissement est presque exclusivement dans le secteur de l'énergie.

Comme il l'a fait tout au long de son mandat, M. Harper a affirmé que la position financière du Canada est avantageuse par rapport à la situation du reste du monde. «Vous savez qu'il n'y a pas meilleur endroit que ce pays pour vous et votre famille», a-t-il déclaré au terme de la soirée.

«Quel est votre chiffre M. Trudeau?»

Le segment sur les institutions démocratiques a lui aussi donné lieu à de vifs débats entre les quatre chefs, en particulier lorsque les échanges ont dévié sur la question d'un référendum sur la souveraineté du Québec et sur le seuil acceptable pour une victoire du Oui.

C'est le chef libéral Justin Trudeau qui a lancé les hostilités sur cette question en accusant son rival Thomas Mulcair d'agir de manière irresponsable en proposant un seuil de 50 % plus un vote pour accepter un vote du Oui dans un éventuel référendum. M. Trudeau a plutôt vanté les mérites de la Loi sur la clarté, élaborée par Ottawa à la suite du Renvoi de la Cour suprême du Canada sur la sécession du Québec, et qui n'établit pas de seuil ferme.

«Quel est votre chiffre? Quel est votre chiffre Justin?» a lancé M. Mulcair à plusieurs reprises au chef libéral.

«Neuf», a fini par répondre M. Trudeau en évoquant le nombre de juges à la Cour suprême. «Ma position est la position de la Cour suprême, qui a dit que le seuil devrait être établi dans le contexte du prochain référendum s'il survient un jour. Et votre tentative d'attirer le vote souverainiste au NPD en annonçant à la Saint-Jean que ça continue d'être votre politique n'est pas digne d'un premier ministre!»

Stephen Harper a sauté dans la mêlée en accusant à son tour le chef néo-démocrate d'être irresponsable en tentant d'élaborer des procédures sur la manière de «briser le pays». Lorsque le modérateur a souligné qu'il avait lui-même appuyé ce seuil du 50 % plus un en tant que membre du Parti réformiste, M. Harper a refusé de préciser ce qu'il considère aujourd'hui un seuil acceptable: «Je ne crois pas que ça devrait être revisité», a-t-il tranché.

Nouvelle dynamique de débats

Le débat de deux heures se déroulait en anglais dans les studios de télévision du réseau Omni, à Toronto. Il était séparé en quatre blocs portant sur autant de thèmes: l'économie, l'énergie et l'environnement; les institutions démocratiques et les affaires étrangères; et la sécurité.

Chacun de ces blocs comportait deux questions suivies d'un échange de deux minutes avec le modérateur, le journaliste de Maclean's Paul Wells. Cet échange était suivi d'une réplique et de discussions des autres chefs. Ces blocs étaient aussi suivis d'une analyse en direct de commentateurs politiques. Chaque chef avait deux minutes pour présenter une dernière déclaration au terme de la soirée.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, n'était pas invité à la rencontre, mais la chef du Parti vert, Elizabeth May, participait à l'affrontement. C'était une première expérience de débats en tant que chefs de partis fédéraux pour Justin Trudeau et Thomas Mulcair.

La question des débats demeure un point d'interrogation tout au long de cette longue campagne, puisque le refus des conservateurs de participer à ceux organisés par le consortium des télédiffuseurs, les 7 et 8 octobre, crée une nouvelle dynamique.

Le NPD a affirmé que Thomas Mulcair ne participera qu'à ceux auxquels Stephen Harper participera. M. Harper a accepté de participer à ceux de TVA, du groupe Munk et à celui organisé par le Globe and Mail et Google.

«Nous avons les leaders de quatre partis politiques nationaux ensemble dans une seule pièce. Nous ne savons pas si cela arrivera encore avant le vote. Je ne sais même pas s'ils le savent eux-mêmes , a lancé le modérateur Paul Wells d'entrée de jeu.