Peut-être tout cela est-il le reflet de la société du «prêt-à-jeter» - des rasoirs aux gadgets électroniques vite démodés. En tout cas, «en politique, il n'y a plus d'allégeances, plus de certitudes, et le Québec est devenu un modèle d'inconstance».

C'est ce qu'observe François-Pierre Gingras, professeur de sciences politiques retraité de l'Université d'Ottawa. L'avant-veille, la vague conservatrice - à droite, toute! - déferlait sur la ville de Québec, par exemple. Lundi soir, virage à gauche, avec les néo-démocrates.

Les politiciens - Mario Dumont l'a bien vécu - peuvent «se retrouver sur le carreau de plus en plus rapidement», note M. Gingras.

«On ne naît plus libéral, on n'est plus bleu toute sa vie, on est dans une société où l'esprit partisan tient de moins en moins. Dans ce contexte, des partis peuvent émerger de nulle part... tout en risquant de devenir des feux de paille.»

S'il y a une logique dans tout cela, elle réside dans l'attachement des Québécois au centre gauche, qui se trouve confirmé.

M. Gingras doute par ailleurs que la déconfiture du Bloc signe l'arrêt de mort de l'option souverainiste. «Tout cela est peut-être anecdotique mais, depuis les élections, dans mon entourage, j'entends des libéraux fédéraux du Québec qui ont voté pour le NPD dire aujourd'hui: «Ce Canada mené par les conservateurs, ce n'est pas le pays que je veux.» Sous le coup de l'émotion, il n'est pas impossible qu'ils votent oui à un éventuel référendum. Sur Twitter, c'est aussi un discours qui revient.»

«Des gens se diront sans doute qu'ils préfèrent vivre dans un petit pays social-démocrate que dans un grand pays de droite. Il faudra voir de quelle façon les souverainistes réussiront à récupérer cela.»

Pour Jean-Herman Guay, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke, la soirée électorale de lundi confirme une fois de plus la grande part de mystère dans le comportement électoral des gens, particulièrement chez les Québécois.

«Même le politologue le plus chevronné ne peut que faire preuve d'humilité», relève M. Guay, qui souligne à quel point il est difficile de faire des prédictions.

Ce qui ressort des élections de lundi, à son avis, «c'est le côté un peu anarchique des Québécois, pour qui il n'est pas mauvais d'être dans l'opposition. Les Québécois ne détestent pas la position de retrait, qui rappelle le rôle de gérant d'estrade.»

Contrairement à plusieurs autres, M. Guay croit que la personnalité attachante de Jack Layton n'a joué qu'un rôle mineur dans les résultats. Après tout, note-t-il, Jack Layton était aussi là aux autres élections, «avec la même personnalité, avec le même sourire. Seulement, cette fois, la conjoncture lui a donné des résultats tout autres».

Est-il possible, cependant, que les Québécois aient voté de façon un peu anarchique, avec un certain je-m'en-foutisme, et qu'ils soient les premiers surpris que tous leurs voisins aient fait de même? «Les sondages ne se sont pas trompés, les gens savaient ce qui s'en venait, fait observer M. Guay. Seulement, sans doute est-ce plus brutal quand les résultats sortent et qu'ils voient Gilles Duceppe démissionner sur-le-champ...»