Élu lundi à la tête du premier gouvernement majoritaire conservateur depuis 1988 au terme d'une campagne électorale de 37 jours, Stephen Harper doit maintenant former son nouveau cabinet, préparer le discours du Trône et adopter un budget avant la fin juin.

Le premier ministre devrait annoncer la composition de son équipe ministérielle d'ici une dizaine de jours, selon certains stratèges interrogés hier. M. Harper devra remplacer quatre ministres qui n'ont pas été réélus, doit trois du Québec. Il s'agit de Lawrence Cannon (Affaires étrangères), de Josée Verner (Affaires intergouvernementales), de Jean-Pierre Blackburn (Anciens Combattants) et de Garry Lunn (ministre d'État au sport amateur, battu par la chef du Parti vert, Elizabeth May, dans Saanich-Gulf Islands, en Colombie-Britannique).

Des 11 députés que le Parti conservateur comptait au Québec, seuls 6 ont survécu à la vague orange qui a déferlé sur la province. Les ministres Denis Lebel et Christian Paradis resteront à la table du cabinet, et d'aucuns s'attendent à ce que Maxime Bernier y revienne.

Après un purgatoire de près de trois ans, M. Bernier pourrait se voir confier le poste de président du Conseil du Trésor, où il prendrait la relève de Stockwell Day, qui a pris sa retraite. M. Bernier, qui a été ministre des Affaires étrangères et de l'Industrie dans le premier mandat minoritaire des conservateurs, pourrait ainsi épauler le ministre des Finances, Jim Flaherty, dans la lutte contre le déficit.

L'Ontario, qui a permis à Stephen Harper de remporter la majorité qu'il convoitait depuis 2006, sera bien représenté à la table du cabinet.

Tous les ministres de l'Ontario ont été facilement réélus, mais de nouvelles recrues de la région de Toronto pourraient obtenir une promotion, en particulier Christopher Alexander, député d'Ajax-Pickering et ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan, ou encore Bernard Trottier, qui a battu Michael Ignatieff dans Etobicoke-Lakeshore.

Selon nos sources, la Chambre des communes devrait reprendre ses travaux au plus tôt le 30 mai. Le premier point à l'ordre du jour sera l'élection d'un nouveau président afin de remplacer Peter Milliken, qui a pris sa retraite.

Le lendemain, le gouvernement Harper fera connaître ses intentions dans le discours du Trône.

Ensuite, le ministre des Finances, Jim Flaherty, présentera son budget, qui reprendra les grandes lignes du plan proposé le 22 mars et rejeté par les trois partis de l'opposition.

En entrevue à CTV, lundi, M. Flaherty a indiqué qu'il apportera quelques modifications mineures à son budget. Notamment, il devancera d'un an l'élimination du déficit, prévue désormais en 2014. Son budget pourrait aussi inclure le versement d'une compensation de 2,2 milliards de dollars au Québec pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ avant le 15 septembre et l'augmentation de 6% par année des transferts aux provinces pour la santé à partir de 2014, date à laquelle prend fin l'accord sur le financement de la santé.

En conférence de presse hier à Calgary, Stephen Harper a reconnu qu'il devra travailler d'arrache-pied pour gagner la confiance des Québécois.

«Nous acceptons la décision des électeurs. Et nous acceptons le fait que nous avons beaucoup de travail à faire pour gagner réellement la confiance des Québécois», a souligné un premier ministre visiblement serein, détendu et souriant.

Estimant qu'il devra prendre le temps d'analyser ce qui s'est passé au Québec, il a insisté sur le fait que les conservateurs ont tout de même une base électorale sur laquelle ils pourront compter pour faire croître leurs appuis.

«Je suis déçu, mais pas découragé», a-t-il lancé, assurant que les quelques députés élus dans la province auront «une place importante» dans son gouvernement. Ce qui l'encourage par ailleurs, c'est le virage inattendu des Québécois, qui ont voté en masse pour un parti fédéraliste pour la première fois depuis deux décennies.

«Notre façon de gérer la fédération a grandement aidé ce changement au bénéfice du pays et au bénéfice du NPD, a dit M. Harper. Je prends un peu de crédit pour ça», a-t-il ajouté, sourire en coin.

Même s'il a obtenu une majorité de sièges (167 sur 308) et qu'il a maintenant les coudées franches à la Chambre des communes, le chef conservateur s'est engagé à respecter sa plateforme et à ne pas radicaliser ses positions, comme le craignent ses opposants.

«Les Canadiens s'attendent à ce qu'on continue dans la même direction, qu'on respecte les engagements contenus dans la plateforme, qu'on respecte nos politiques et nos valeurs, a-t-il affirmé. Les surprises, ce n'est généralement pas bien reçu par la population.»

Puis, dans un rare moment de confidence, Stephen Harper a raconté à la salle bondée de journalistes sa fin de soirée électorale. «Mes employés ont insisté pour que je boive du champagne», a-t-il indiqué. Et au goulot, a-t-il précisé, mais «seulement un petit peu».