Les adeptes de Twitter qui ont enfreint la Loi électorale du Canada ont reçu presque autant d'attention médiatique aux États-Unis que la victoire des conservateurs, qui accèdent pourtant à la majorité qu'ils ont tant convoitée à la suite d'un effondrement historique du Parti libéral.

Encore captivés par la mort d'Oussama ben Laden, tué dans la nuit de lundi par un commando des forces spéciales de la Marine, les Américains accordent encore moins d'attention à la situation politique canadienne qu'ils ne le font habituellement, surtout depuis que ceux qu'ils appellent les «socialistes» de Jack Layton ont échoué dans leur tentative de former un gouvernement.

Le Wall Street Journal a publié mardi un article à propos des élections qui a été écrit par un de ses journalistes, tandis que le Washington Post a placé un texte de l'agence Associated Press sur son site Web. Le New York Times a aussi utilisé un texte de l'AP dans ses journaux papier de mardi.

D'autres médias américains ont produit des nouvelles sur l'élection. Ainsi, Voice of America a indiqué que les résultats de la campagne électorale canadienne avaient créé la plus grande surprise dans l'histoire récente du pays, et que les libéraux n'avaient jamais obtenu de résultats aussi désastreux depuis la fondation du Canada.

Time Magazine, quant à lui, a publié un texte au sujet des Canadiens avides de réseaux sociaux qui ont défié la loi interdisant la publication des résultats de l'élection avant que les derniers bureaux de scrutin ne soient fermés.

«Ça peut devenir dangereux à ce point-là au Canada», a ironisé l'auteure du texte, Hillary Brenhouse, qui a saupoudré les stéréotypes canadiens dans son article. «Les amateurs de Twitter n'ont pas à s'inquiéter: Élections Canada semble aussi docile et poli que tout bon Canadien», a-t-elle ajouté, avant de préciser que l'agence fédérale n'agit que si elle reçoit de plaintes.

The Hollywood Reporter, dont le sujet de prédilection est le divertissement, a aussi consacré une histoire au branle-bas de combat causé par Twitter et aux interruptions de signal sur la chaîne CBC, qui a enfreint la loi électorale en présentant par inadvertance des résultats avant 22h.

Il n'est pas étonnant que l'élection canadienne ait reçu encore moins d'attention qu'à l'habitude, si on tient compte de l'annonce de la mort de Ben Laden, ont expliqué des experts des relations canado-américaines. Les politiciens se sont cependant intéressés aux événements, selon les observateurs, et préfèrent ce dénouement à la formation, élection après élection, de gouvernements minoritaires ou de coalitions fragiles.

«Les États-Unis veulent savoir à quoi s'attendre de la part du Canada. Ils ne veulent pas de surprises», a estimé mardi David Biette, directeur de l'Institut canadien au Centre Woodrow Wilson, de Washington.

«Avec Harper à la tête d'un gouvernement majoritaire, nous n'avons pas à nous inquiéter de l'instabilité de gouvernements minoritaires, a-t-il ajouté. Une relation stable et sans grands risques est une bonne nouvelle pour les relations Canada-États-Unis.»

D'autres ont précisé que l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire permettra de ne pas envenimer des dossiers environnementaux bilatéraux déjà délicats, à l'heure où certains démocrates, soucieux de l'environnement, sont fortement opposés à l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta et au projet de l'oléoduc TransCanada Keystone XL.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton, a suggéré qu'un moratoire soit imposé sur les nouveaux projets d'exploitation de sables bitumineux, en attendant que les conséquences environnementales soient mieux gérées. Le département d'État américain attend l'automne avant de rendre une décision sur l'avenir de l'oléoduc TransCanada Keystone.

Plus important encore, le gouvernement majoritaire de Stephen Harper est le signe de la bonne entente qui règne entre les deux pays, estime Chris Sands, un expert des relations canado-américaines au Hudson Institute, de Washington.

«Le Canada est assez pro-américain, dans le sens où il ne cherche pas à faire sauter les États-Unis ou à se séparer du continent. Tout le monde apprécie l'importance des relations commerciales entre les deux pays», explique-t-il.

«Bien sûr, certains croient que le Canada devrait diversifier et développer d'autres relations commerciales, mais il semble que cette élection renforcera les relations entre le Canada et les États-Unis.»

David Biette croit que maintenant qu'il a obtenu la majorité, Stephen Harper sera moins préoccupé par sa popularité au Canada lorsqu'il sera à l'étranger. C'est justement par cette préoccupation que M. Biette explique la décision de Stephen Harper de s'exprimer aussi souvent en français lors du point de presse télévisé donné avec Barack Obama plus tôt cette année à Washington à propos de la sécurité frontalière.

Les chaînes de nouvelles continues américaines avaient coupé le son pendant la partie francophone de l'annonce de M. Harper, préférant discuter en studio de la situation en Égypte.

«Quelle opportunité ratée», a estimé M. Biette. «Les Américains détestent que les Canadiens viennent ici pour faire de la politique canadienne. Non seulement devraient-ils s'abstenir de le faire quand ils sont aux côtés du président, ils ne devraient jamais le faire, tout simplement.

«Le premier ministre avait une large audience américaine et il a gaspillé une opportunité en or. Il se préoccupera peut-être moins de ces questions-là maintenant que sa situation politique est différente», a suggéré le spécialiste.