La vague orange qui déferle sur le pays atteint peu les équipes éditoriales des grands quotidiens canadiens qui ont annoncé leurs couleurs au cours derniers jours. Seul le Toronto Star a manifesté son appui à l'endroit du Nouveau Parti démocratique (NPD). Plusieurs quotidiens se rangent derrière Stephen Harper, un appuie le Bloc québécois alors qu'un autre hésite à prendre position.

«Dans le passé, il a été facile de rejeter le NPD et de les dépeindre comme des idéalistes naïfs. Ce n'est plus le cas. Dans cette campagne, ils ont émergé comme une force crédible, pour plusieurs raisons». L'équipe éditoriale du Toronto Star est la seule des grands quotidiens canadiens à appuyer sans hésitation le parti de Jack Layton. Arguant qu'une autre victoire des conservateurs serait «mauvaise pour le pays», le quotidien affirme, dans un éditorial publié samedi, que les libéraux ne sont désormais plus la seule alternative. Selon le journal torontois, l'élection de Jack Layton serait même bénéfique pour l'unité du pays. «Le parti est sur le point de faire une percée historique au Québec, ce qui contribuerait largement à l'établir comme un parti véritablement national, soutient le Toronto Star. Repousser le Bloc québécois est un immense service rendu à tous les Canadiens.»

Les autres quotidiens ne voient toutefois pas du même oeil les troupes néo-démocrates. Reconnaissant que Jack Layton semble meilleur que les autres chefs pour «connecter avec les gens ordinaires», le Globe and Mail souligne que les idées proposées par le NPD sont irréalistes et inabordables, au moment où «le pays a besoin d'une meilleure gestion des dépenses publiques.» L'équipe éditoriale du Globe and Mail, qui a publié sa position mercredi dernier, ne penche pas non plus du côté libéral. Si Michael Ignatieff a rempli de façon honorable son rôle de chef de l'opposition, il n'est pas parvenu dans cette élection à démontrer en quoi le gouvernement conservateur a échoué et en quoi les libéraux seraient une meilleure alternative, avance le Globe and Mail. C'est pourquoi le vote du quotidien va aux conservateurs de Stephen Harper, lesquels ont fait preuve du «leadership, de l'entêtement et de la discipline dont le pays a besoin.»

Le National Post et The Gazette vont dans le même sens. Tous deux s'entendent sur la nécessité d'un gouvernement majoritaire à Ottawa, particulièrement au moment où les libéraux de Jean Charest sont en difficulté au Québec. «Au Québec, le Parti québécois a de bonnes chances de remporter les prochaines élections provinciales», remarque l'équipe éditoriale du National Post dans un article publié jeudi dernier. «Le Canada a besoin d'une majorité forte -comme celle qu'avait Jean Chrétien lorsqu'il nous a donné la loi sur la clarté- pour faire face à la vague de demandes que Pauline Marois a promis de faire à partir de Québec si elle devient première ministre.» Le quotidien montréalais The Gazette reproche pour sa part à Jack Layton «l'ouverture opportuniste» dont il a fait preuve envers les nationalistes québécois qui ont remis en question son engagement sur la question constitutionnelle.

Du côté francophone, La Presse refuse de donner son appui à un seul parti. «Tel est notre souhait: que chaque électeur québécois choisisse le candidat qui, dans sa circonscription, pourra mieux faire entendre la voix du Québec moderne au Parlement, au sein des grands partis nationaux et dans les autres régions du pays.», indique l'éditorialiste André Pratte dans un texte publié jeudi dernier. Rompant avec ses collègues du Canada anglais, André Pratte déclare que si les conservateurs devaient former le prochain gouvernement, celui-ci doit être minoritaire. Il ajoute que le Parti libéral du Canada s'est présenté comme la seule solution de rechange au Parti conservateur.

Au Devoir, l'éditorialiste Bernard Descôteaux donne son vote au Bloc québécois. «Il n'est pas vrai que le NPD puisse défendre avec autant de vigueur les intérêts du Québec que le Bloc peut le faire», écrit-il. Il ajoute que bien que l'élection d'un gouvernement majoritaire serait «souhaitable», «les conservateurs ne méritent pas notre confiance».