Le NPD dénonce le «double discours» du Bloc sur le dossier constitutionnel. Son lieutenant au Québec, Thomas Mulcair, juge «ironique» que Gilles Duceppe insiste tant pour changer la constitution d'un pays dont il veut se séparer. «Si M. Duceppe veut signer la constitution, il faudrait qu'il nous dise à quelle condition il accepterait de rester dans le Canada», lance M. Mulcair.

Hier, le chef du Bloc disait ne «pas voir d'avenir» dans le fédéralisme canadien. «Nous ne sommes pas là pour faire avancer le débat constitutionnel, a dit le chef du Bloc. Il n'y a plus rien à espérer du Canada. La preuve est faite : le Canada ne veut rien savoir. C'est leur pays, ils le veulent à leur modèle selon leurs valeurs. C'est leur choix. Notre choix, c'est d'avoir notre propre pays.»

Mais M. Duceppe ne veut pas dire s'il appuierait ou non une réforme constitutionnelle néo-démocrate. «Je considère chaque proposition à sa valeur propre, d'où qu'elle vienne. On ne juge pas l'étiquette, on juge si c'est bon pour le Québec», a-t-il répondu. Il a ajouté: «J'aimerais bien juger, mais je ne vois rien actuellement. Je ne peux pas donner mon appui à des propositions inexistantes. C'est le temps (pour le NPD) de les faire.»

Plus tôt dans la campagne, Jack Layton a indiqué qu'il faudra un jour rouvrir la constitution. Mais il s'est empressé tout de dire que cela serait prématuré et qu'il ne s'agit pas d'une priorité.

De son côté, M. Duceppe répète que c'est à Québec, et non à Ottawa, que la souveraineté se fera. Il dit ne pas être à Ottawa pour faire avancer le débat constitutionnel. Mais il demande au NPD de préciser ses propositions constitutionnelles.

En fait, M. Duceppe estime que le NPD fait des promesses vides, ce qui confirme selon lui qu'il ne resterait que deux options pour le Québec : le statu quo constitutionnel ou la séparation.

Quelles conditions gagnantes ?

M. Mulcair s'oppose à cette analyse. En interview avec Cyberpresse, il a précisé en quoi consistent les «conditions gagnantes» du NPD pour que le Québec trouve sa place dans la fédération.

«Étape par étape, cas concret après cas concret, nous répondons aux demandes du Québec en adoptant des lois. Ce n'est pas aussi fort que si c'était inscrit dans la constitution. Mais c'est un premier pas, et ça prépare le chemin.»

M. Layton a déjà évoqué deux projets de loi : exiger le français des juges de la Cour suprême et renforcer le français dans les lieux de travail de compétence fédérale (télécommunications, transport naval et aérien et banques).

Ce dernier a été rédigé par M. Mulcair. Le Bloc le critique, car il voudrait voulu qu'on applique intégralement la loi 101. M. Mulcair défend son choix. «Si vous regardez attentivement le projet de loi, on reprend toutes les principales mesures de la loi 101. (...) Le Bloc voulait qu'on saborde en plus la loi sur les langues officielles. Ce n'était pas nécessaire. Je dirais même que cette demande était une pilule empoisonnée du Bloc.»

M. Mulcair remet aussi les questions du Bloc sur le fédéralisme asymétrique. Le NPD avait voté contre la proposition du député conservateur Maxime Bernier, qui voulait offrir à toutes les provinces un droit de retrait sans compensation des programmes fédéraux. «On a écrit une lettre au Bloc pour leur expliquer notre position. On leur a dit qu'ils n'avaient pas besoin de le demander pour toutes les provinces. Ils n'avaient qu'à le demander pour le Québec.»

M. Mulcair indique que le NPD s'oppose aussi aux projets de loi qu'il juge mauvais pour le Québec. «Tout comme le Bloc, le NPD avait voté contre une commission unique des valeurs mobilières et aussi contre un autre projet de loi des conservateurs qui aurait réduit le nombre de circonscriptions du Québec, et donc son poids à Ottawa», rappelle-t-il.

Le NPD refuse toutefois de soustraire le Québec au multiculturalisme, inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. «Le principe pourrait possiblement être adapté, mais on ne peut pas l'effacer. C'est un élément important pour le pays.»

Depuis quelques jours, le Bloc et les conservateurs accusent le NPD de tenir un discours d'ouverture quand il parle au Québec, et dire autre chose ailleurs au pays. M. Mulcair prétend que c'est le contraire. «Moi, je dis la même chose, que je parle à CJAD ou à Radio-Canada. C'est facile pour le Bloc de parler du Québec. Ils sont seulement présents au Québec. Mais nous, même si nous devons nous préoccuper de toutes les provinces, nous réussissons à défendre le Québec.»

Avec Vincent Brousseau-Pouliot