Pendant que leurs rivaux cognent aux portes de leur quartier, des candidats du NPD prennent des vacances à Las Vegas, Paris ou ailleurs sur la plage. Mais cela ne semble pas déranger Jack Layton. Il refuse de les condamner.

Il jette plutôt tout le blâme sur notre système électoral. «Nous n'avons pas une date fixe pour les élections. C'est ça le problème pour les familles et les gens du vrai monde», a-t-il justifié ce matin en point de presse à Winnipeg, après un rassemblement devant environ 400 militants.

M. Layton réagissait au cas de Ruth-Ellen Brosseau, candidate dans Berthier-Maskinongé, en vacances à Las Vegas. Mère célibataire et assistante-gérante au Oliver's Pub dans l'Outaouais, elle avait apparemment obtenu un bon tarif pour ses vacances et a refusé de les annuler. Selon le Globe & Mail, son patron ignorait même qu'elle était candidate en Mauricie.

À Paris, le 2 mai

Un cas similaire s'observe aussi dans les Cantons de l'Est. Si elle est élue le soir du 2 mai, la candidate néo-démocrate de Richmond-Arthabaska, Isabelle Maguire, pourra célébrer avec une baguette, avec un verre de vin, mais pas avec ses électeurs. Elle quitte demain pour la France, un voyage qui durera trois semaines.

C'est ce que Mme Maguire a affirmé au directeur de la Corporation de développement communautaire du Val-Saint-François, Diego Scalzo, qui organisait une rencontre des candidats. Le débat a finalement été annulé, les candidats du Parti conservateur ou libéral s'étant retirés eux aussi.

«Pour la campagne, dans d'autres circonstances, je m'aurais vraiment impliquée (sic) davantage, seulement, je suis pas mal prise (...) bon, évidemment je travaille, mais aussi, je termine ma maîtrise, donc j'ai un cours universitaire, je viens d'acheter une maison (....) et, je pars vendredi pour trois semaines en France!» a-t-elle écrit dans un message que La Presse a obtenu.

Beaucoup d'étudiants

À mesure que le NPD grimpe dans les sondages, l'expérience de ses candidats commence à être montrée du doigt.  Pas moins de 24 étudiants portent les couleurs du parti dans l'élection, dont 11 se présentent au Québec.

La Presse révélait hier qu'Alexandrine Latendresse, qui se présente dans Louis-Saint-Laurent, affirme sur sa page Facebook être «la procrastination incarnée.»

Dans Mégantic-L'Érable, où 98% des électeurs sont francophones, la candidate Cheryl Voisine anime un compte Twitter presque exclusivement en anglais.

En Mauricie, plusieurs candidats ne participent pas aux débats.

À priori, il ne s'agit pas de comtés sur lesquels le NPD mise beaucoup. Par exemple, le Bloc a gagné par 15 000 votes dans Berthier-Maskinongé aux dernières élections. Le NPD avait terminé troisième, avec près de 20 000 votes de retard. Dans Richmond-Arthabaska, le NPD avait récolté 19 000 votes de moins que le Bloc.

Mais avec la montée étonnante et même historique du NPD dans les sondages, il est maintenant très difficile de prévoir combien de néo-démocrates pourraient être élus au Québec, ou du moins comment ils pourraient changer la répartition des votes. Certaines projections de sièges leur accordent 6 députés dans la province, d'autres, 51.

Candidat sur la plage

Au moins un cas similaire a été répertorié ailleurs au pays. Plus tôt durant la campagne, Jim Koppens, candidat du NPD dans le comté ontarien de Ajax-Pickering, a passé une semaine en République dominicaine avec sa famille. Ce boucher d'un Loblaws de sa circonscription n'avait pas pris d'assurance voyage.

M. Layton avait refusé de le critiquer. Encore une fois, il avait justifié son absence en déplorant que les élections ne se déroulent pas à une date fixe.

En fait, même si les élections canadiennes se déroulaient à date fixe, comme c'est le cas aux États-Unis, cela n'aurait rien changé. Si des élections ont été déclenchées, c'est parce que M. Layton et les autres partis d'opposition ont renversé le gouvernement conservateur minoritaire pour ses outrages au Parlement, un précédent historique.

Arroseur arrosé?

Depuis le débat des chefs, M. Layton critique l'absentéisme de Michael Ignatieff, qui a raté plus de 70% des votes en chambre depuis son élection. « Si vous ne vous présentez pas au travail, vous ne demandez pas une promotion!», répète M. Layton à son rival qui voudrait devenir premier ministre.

N'est-ce pas précisément ce qu'on observe avec les candidats du NPD? M. Layton prétend que non. Il assure aussi ne pas présenter des candidats poteau au Québec. «Nous avons des candidats du vrai monde. Ils peuvent représenter les citoyens de façon très efficace. On est fiers de notre équipe», a-t-il soutenu ce matin lors d'un point de presse, le seul de la journée.

Il s'est aussi vanté de compter dans son équipe des gens de formations variées, comme des avocats, entrepreneurs, professeurs, leaders syndicaux ou autochtones ainsi que des étudiants et des politiciens municipaux.

Pendant que certains candidats néo-démocrates prennent des vacances, le chef du Bloc québécois a vanté les mérites des candidats bloquistes. «Je peux vous dire qu'on n'est pas en vacances, dit-il. On travaille très fort, on est au Québec, mais pas dans les casinos. On rencontre les gens parce qu'on pense que les élections, c'est sérieux, et qu'il faut débattre», a-t-il lancé cet après-midi.

Capable de faire sortir le vote?

Même avec une machine électorale modeste et seulement 16 bureaux de circonscription au Québec, Jack Layton croit pouvoir maintenir ses appuis le 2 mai. «On utilise toutes les techniques pour faire sortir le vote. Des fois, on utilise les bureaux, des fois les réseaux de bénévoles», assurait-il hier lors de ce qui était possiblement son dernier passage de la campagne à Montréal.

«À l'ère de Facebook et de Twitter, la façon d'organiser une campagne est différente», a renchéri un stratège. Le NPD assure qu'il compte toutefois au moins un bureau dans chaque région de la province. Certains candidats se partagent les locaux.

Sur le site officiel du NPD, la page de plusieurs candidats reste très succincte. Dans plusieurs cas, la biographie se résume en deux ou trois phrases. C'est toutefois mieux que le Parti conservateur, dont plusieurs des candidats québécois ne comptaient pas encore de page officielle la semaine dernière.

Avec Vincent Brousseau-Pouliot