On ne devrait pas s'aventurer sur le terrain miné du débat constitutionnel, point final, croit Michael Ignatieff. Et il accuse Jack Layton d'être irresponsable de promettre de le faire.

Lors d'un arrêt de campagne à Montréal, le chef du Nouveau parti démocratique a réitéré sa position sur la question constitutionnelle. S'il prend le pouvoir, M. Layton espère créer les «conditions gagnantes» pour permettre au Québec de ratifier la Constitution, ce qu'il a refusé de faire lors de son rapatriement en 1982 par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau.

«Nous ne le voyons pas comme un problème immédiat», a-t-il cependant précisé. Les questions qui préoccupent les Canadiens maintenant sont celles de trouver un emploi, le fait qu'ils n'ont pas de docteur et la sécurité de leur revenus de retraite.»

En point de presse à Vancouver, le chef libéral a accusé Jack Layton d'être irresponsable d'ainsi relancer le débat. «M. Layton veut nous entraîner dans un voyage constitutionnel qui n'est pas responsable, à mon avis», a-t-il chargé.

M. Ignatieff décrit lui aussi la question constitutionnelle au Québec comme étant une «blessure». Mais questionné à savoir quand il comptait faire quelque chose pour régler le problème, il n'a donné aucun échéancier précis -au contraire.

«L'Assemblée nationale n'a pas formellement ratifié notre Constitution. C'est la question. Et c'est un sujet qui, franchement, n'est pas au sommet des priorités», a-t-il commencé par dire.

«Vous n'allez pas sur cette voie! a-t-il ajouté. C'est ce que M. Layton veut. Mais vous n'allez pas sur cette voie! À moins de vouloir poser un risque considérable à l'unité du pays, de partir un débat et des chicanes qui ne sont pas productifs.»

Les dernières tentatives de négociations constitutionnelles remontent aux accords du Lac Meech et de Charlottetown, au début des années 1990. Or, quelques années après l'échec de ces négociations, le Québec a tenu un second référendum, en 1995, gagné de justesse par le camp fédéraliste.

M. Ignatieff a précisé que son approche résidait plutôt dans un «fédéralisme de respect». «Le Canada doit faire ses preuves chaque jour. Il doit prouver aux Canadiens, n'importe où ils sont, que le Canada peut marcher pour eux, avec des résultats concrets», a-t-il insisté.

Oui à la constitution, mais plus tard

M. Layton a profité de son passage au Québec pour déplorer le rapatriement unilatéral de la constitution -auquel son parti avait participé- sans ne rien proposer de concret pour y remédier. Il affirme que le dossier n'est pas une priorité pour lui.

«On a une lacune dans notre société: le fait que le Québec n'ait jamais signé la constitution. On ne peut pas laisser cela ainsi pendant des décennies et des décennies», a-t-il d'abord affirmé ce matin.

Selon lui, il faudra «résoudre le problème un jour». Mais il ne dit pas quand il prévoit rouvrir le dossier, ni quelle concession il offrirait au Québec. C'est cette déclaration qui lui a valu l'opprobre de M. Ignatieff.

M. Layton a simplement répété ce matin son engagement de créer des «conditions gagnantes» -une expression détournée à Lucien Bouchard. Ces conditions, ce sont celles qui permettraient de « faire fonctionner le Québec dans la fédération ». Elles se résument essentiellement à deux projets de loi déjà rédigés par le NPD: exiger le bilinguisme des juges de la cour suprême et renforcer le français dans les entreprises de compétence fédéral au Québec (banques, transport maritime et aérien, télécommunications), sans toutefois y appliquer la loi 101.

Et la constitution?  Il serait «prématuré» de la rouvrir, juge M. Layton. « Ce n'est pas un enjeu immédiat, justifie-t-il. Les enjeux immédiats, c'est de créer de l'emploi, d'augmenter le nombre de médecins de famille et la sécurité des aînés, améliorer les pensions, rendre la vie plus abordable et créer de l'emploi.»