«Pays». «Camp du oui». «Liberté». Jacques Parizeau. Gilles Duceppe a beau prétendre le contraire, sa campagne prend, dans la dernière semaine avant le scrutin, des accents référendaires. Pour enrayer sa chute dans les sondages, le Bloc abat sa carte maîtresse et appelle tous les souverainistes à s'unir.

«Ça prendra le temps que ça prendra, mais ça se fera». Invité à venir prêter main-forte à Gilles Duceppe ce matin, à Saint-Lambert, l'ancien premier ministre Jacques Parizeau a insisté, dans une longue allocution, sur les vertus du Bloc à Ottawa. Il faut appuyer le Bloc pour enfin donner la souveraineté au Québec.

Accueilli sous les applaudissements d'une centaine de militants, Jacques Parizeau, 80 ans, a fait un discours plus académique que polémique. Si sa démarche est celle d'un homme âgé, qui se déplace avec une canne, le ton, lui, n'a pas changé. À peine jettera-t-il un oeil sur sa page de notes, griffonnées au stylo à plume, au cours de son discours d'une trentaine de minutes, à Saint-Lambert.

«Je suis rendu à un âge ou c'est plus difficile que ça l'était. Cela me fait très plaisir de pouvoir appuyer le Bloc québécois et Gilles Duceppe dans ce moment important de la campagne, c'est le dernier droit», dit-il, avant d'ajouter, malicieusement, «ça a été une étrange campagne. Pendant un bon moment, le problème a consisté à savoir si une coalition constituait un péché mortel ou véniel.»

Qualifiant ces discussions de «byzantines», Jacques Parizeau croit que les trois partis fédéralistes ont ensuite fait campagne sur des préoccupations sociales des électeurs. «On allait dire aux gens ce qu'ils voulaient entendre», dit-il, avant de passer en revue les points forts des programmes libéraux et néo-démocrates.

Augmentation du nombre de médecins de famille, coup de pouce aux aidants naturels. Les idées du PLC et du NPD sont séduisantes, convient Jacques Parizeau, mais irréalistes. «Je comprends que ça fait plaisir aux gens. Tout le monde réagit de façon parfaitement humaine là-dedans, mais ça sert à quoi, à ces politiciens fédéraux de promettre des choses dont ils savent très bien que c'est à Québec que ça se décide ?»

Jacques Parizeau ne nomme par les adversaires du Bloc, mais le sous-texte est limpide. Jack Layton, qualifié la semaine dernière de «mirage» par Gilles Duceppe, devient, chez Parizeau, de la «poudre aux yeux».

«C'est sûr que si on peut avoir des préoccupations sociales dans cette campagne et que ceux qui proposent ces idées-là ont l'air sympathiques, c'est sûr que ça touche les gens. C'est évident. Avec le sourire combiné, on peut se dire oui c'est tentant. Mais comme c'est de la poudre aux yeux, faisons attention. C'est assez tordu, comme message», croit-il.

Jacques Parizeau n'a pas manqué d'évoquer avec nostalgie 1995, et la défaite, par 52 000 voix, du oui. «Quand on y pense, on se dit, ça aurait pris si peu de choses. La question serait réglée et ça fait longtemps qu'il n'y aurait plus de députés du Bloc à Ottawa. Ça ferait longtemps que le Québec serait un pays indépendant, un pays souverain. Quand on y pense, ça fait une sorte de frisson. Je comprends qu'il y a des gens qui se disent, c'est bien long. Et ce rôle à Ottawa de constamment servir de chien de garde n'est pas le rôle le plus facile. Mais c'est essentiel», dit-il.

Jacques Parizeau lance clairement un message aux souverainistes qui auraient perdu la foi, ou seraient découragés et tentés de sortir de la dichotomie fédéraliste/souverainiste. Un cri du coeur, qui, espère le Bloc, permettra de consolider la base de l'électorat bloquiste. «Le Bloc, on en a besoin plus que jamais», lance-t-il.