Le gouvernement canadien doit combattre le vent d'intolérance qui souffle du Québec vers le reste du Canada, ont revendiqué les organisateurs d'une grande fête sikhe organisée dans le centre-ville de Toronto, hier.

Ruby Singh, porte-parole de l'Ontario Sikh and Gurudwara Council, a vivement dénoncé la décision de l'Assemblée nationale du Québec d'empêcher des sikhs d'entrer dans le parlement avec un kirpan, en janvier dernier.

Lors d'un discours devant des milliers de personnes réunies dans un parc du centre-ville, Mme Singh a appelé les partis politiques, représentés au rassemblement par deux chefs de l'opposition et un ministre, de faire tout en leur pouvoir pour empêcher que les libertés religieuses ne s'érodent au pays.

«Le seul fait que ça arrive dans ce pays - le Québec n'est pas un pays souverain, il fait partie du Canada -, je crois que ça peut s'étendre ailleurs», a-t-elle déploré lors d'une entrevue avec La Presse, après son allocution.

«Juste par des commentaires que j'ai entendus, cet incident a ramené le débat sur la place publique. Et parce que c'est matière à débat, c'est matière à inquiétude. Il me semblait qu'on en avait discuté et qu'on avait arrêté notre décision. Ça ne semble plus être le cas», a conclu l'avocate.

Engouement pour Layton

Les chefs du Parti libéral et du NPD, ainsi que le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, ont chacun pris la parole devant la marée de personnes rassemblées pour célébrer la fête religieuse de khalsa.

Il y aurait plus d'un demi-million de sikhs au Canada, dont une bonne partie résiderait dans la grande région de Toronto, un centre électoral névralgique dans la présente campagne.

Michael Ignatieff et Jason Kenney se sont empressés de rassurer les organisateurs lorsqu'ils ont pris la parole.

«Ceux qui souhaitent bannir le kirpan ou d'autres éléments des cinq «k» ne sont pas conformes à nos valeurs de pluralisme et de liberté de religion au Canada», a dénoncé Jason Kenney.

La fête de khalsa célèbre entre autres les cinq symboles de la foi sikhe, dont fait partie le kirpan, petit couteau à lame recourbée qui symbolise le besoin de lutter contre l'oppression et l'injustice.

Michael Ignatieff a rappelé que son parti s'était opposé à la décision de l'Assemblée nationale, il y a quelques mois, ainsi qu'à la volonté du Bloc québécois d'étendre cette interdiction au parlement canadien.

«Je l'ai dit clairement à ce moment-là et je le dis clairement maintenant: c'était une violation de leurs droits démocratiques en tant que Canadiens, une violation de leur liberté de religion. Nous nous y sommes opposés. Nous allons toujours nous y opposer», a-t-il dit.

Jack Layton n'est pas allé aussi loin que ses adversaires, se contentant de faire référence à une motion que son parti a fait adopter par la Chambre des communes en 2006 et qui visait à reconnaître l'importance des cinq symboles de la foi sikhe.

Il a néanmoins été accueilli en héros par la foule, qui a scandé le nom de son parti à plusieurs reprises. L'assistance était restée plutôt calme lors de l'allocution des deux autres politiciens. Deux femmes ont même hué Michael Ignatieff: selon elles, sa dénonciation du massacre de 1984 dans le nord de l'Inde n'était pas aussi forte que celle de M. Layton.