Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou est l'une des plus grandes circonscriptions au pays, avec une superficie de 843 721 km2. C'est environ la moitié du territoire du Québec pour seulement 80 894 électeurs. Et le NPD espère y causer une des plus grandes surprises de la campagne avec son candidat-vedette, Roméo Saganash, leader bien connu de la communautée cri.

Né à Waswanipi, M. Saganash a fondé le Conseil des jeunes de la Nation Crie et a déjà été adjoint de l'ancien chef de l'Assemblée des Premières Nations, Matthew Coon-Come. Il l'avait assisté durant les négociations de Charlottetown et la lutte contre le projet hydroélectrique Grande Baleine.

M. Saganash est présentement directeur des relations gouvernementales et des affaires internationales du Grand Conseil des Cris. «Le NPD est sur une lancée au Québec (...) Je crois en mes chances », lançait-il aujourd'hui dans un ralliement devant environ 100 militants dans un hôtel de Val d'Or.

Mais le NPD part de très loin. Aux dernières élections, leur candidat n'avait récolté que 8% des votes, loin derrière le député bloquiste Yvon Lévesque.

Même si le Bloc a conservé le comté, de 2006 à 2008, ses appuis sont passés de 46% à 39%. Les conservateurs avaient terminé deuxième (30%) et pourraient souffler dans le coup du Bloc. Sans oublier les libéraux, qui détenaient la circonscription entre 1997 et 2004.

Faible taux de participation

Dans cette vaste circonscription, on ne vote pas beaucoup. En 2008, moins d'un électeur sur deux y a voté, soit significativement moins que la moyenne canadienne de 58,8%.

M. Saganash mise entre autres sur la participation des premières nations, qui comptent pour le tiers des électeurs. « Il faut qu'ils votent », a-t-il affirmé après une visite de M. Layton hier en fin d'après-midi.

Sa circonscription complexe couvre Val d'Or jusqu'à Chibougamau et tout ce qui s'y trouve au nord, incluant plusieurs villages inuits et cris. Quelque 10 00 électeurs cris y habitent. « Mais ils ne votent pas beaucoup, regrette M. Saganash. Pour plusieurs d'entre eux, leur chef ou leur grand-chef est leur véritable représentant. Ils ne voient pas l'utilité de voter aux élections fédérales. » Il ajoute que la moitié d'entre eux ont moins de 25 ans.

Mais M. Saganash a déjà commencé à se rendre dans plusieurs villages pour parler à ces électeurs.

Entre le Sud et le Nord

La campagne a mal commencé pour le bloquiste Yvon Lévesque. En interview avec Rue Frontenac, il a indiqué que certains électeurs pourraient ne pas voter pour M. Saganash parce qu'il est un autochtone. Il s'est excusé, mais M. Layton a ramené le sujet à l'avant scène à chaque occasion, même au débat des chefs, forçant Gilles Duceppe à rabrouer publiquement une fois de plus son candidat.

Le Bloc plaide que la feuille de route de M. Lévesque prouve ses bonnes relations avec les premières nations. On rappelle son appui au Pavillon des Premiers peuples, à la construction de nouveaux logements dans les communautés autochtones et son travail pour le programme Nutrition Nord. Il a reçu l'appui de l'ex-député du PQ d'Abitibi-Est, le métis Alexis Wawanoloath.

M. Saganash reste sceptique. Que pense-t-il du bilan de son opposant ? « Quel bilan ? », répond-il.

Les enjeux nationaux sont peut-être un peu moins saillants dans Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou. M. Saganash déplore que ce soit surtout le sud qui profite du boom des ressources du Nord. « Tout le monde regarde vers le Nord, l'avenir du Québec passe par là », prévoit-il.

Le taux de chômage est supérieur à la moyenne (11% contre 7,7%, mais le revenu moyen (63 744$) est supérieur à la moyenne.

Harper aussi

Quelques heures avant de lui aussi se rendre à Val-d'Or, Stephen Harper a refusé de «jouer le rôle de l'analyste», tout en vantant les mérites de son candidat conservateur dans Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou.

«Nous avons un très bon candidat à Val-d'Or, Jean-Maurice Matte, un maire renommé dans la région. Je suis très optimiste envers la victoire à Val-d'Or», a souligné M. Harper.

Bien que ce soit la première fois de la campagne électorale qu'il se rend en Abitibi, le chef conservateur n‚a jamais caché son intention de mettre l'emphase, dans la Belle Province, sur les régions du Québec, avec un slogan tout à propos : Ma région au pouvoir.

Maire de Senneterre, M. Matte représentait aussi les couleurs conservatrices dans la même circonscription en 2008.

Il avait alors terminé deuxième, à 2500 votes derrière le bloquiste Yvon Lévesque.

«Je pense que la population du Québec veut éviter un autre référendum, une autre ronde de discussions constitutionnelles et de crises de l‚unité nationale, a estimé Stephen Harper. Je pense que beaucoup au Québec cherchent des options pour éviter ça.»

Il espère que les Québécois qui décident de se tourner vers un parti fédéraliste choisiront le Parti conservateur.

- Avec Malorie Beauchemin