Michel Gauthier juge que le Bloc québécois mène une campagne «aseptisée». En interview avec l'animatrice radio Myriam Segal, l'ancien chef du Bloc a critiqué cette semaine la campagne de Gilles Duceppe.

«J'ai l'impression qu'il n'est même pas dans les nouvelles, des fois. Alors qu'un chef de parti qui fait une campagne, il faut qu'il soit dans les nouvelles, il faut qu'il crée de l'intérêt (...). Il fait une campagne aseptisée.»

M. Gauthier, ancien député de Roberval-Lac-Saint-Jean, a été chef du Bloc pendant moins d'une année en 1996. Il a ensuite été le leader parlementaire de Gilles Duceppe jusqu'à sa retraite en 2007.

L'ex-bloquiste a aussi indirectement attaqué l'entourage de M. Duceppe, qui mènerait une campagne trop prudente en essayant d'éviter les controverses. «Les apparatchiks politiques, les grands conseillers qui ne se sont jamais fait élire, sont autour des chefs. Ils disent: ne dis pas ça, ne parle pas de ceci, ne parle pas de cela, non, non, non, tiens-toi loin de ça. Ça fait des campagnes plates.» Il a ajouté: « (M. Duceppe) ne va dans aucun sujet extrême, il n'est pas à l'avant de la bataille (...). Je pense que Gilles va devoir réorienter sa campagne.»

«Je ne me sens pas aseptisé», a réagi M. Duceppe vendredi après-midi à Saguenay. «Je ne limite pas le nombre de questions des journalistes, je ne mets pas de clôture», a-t-il ajouté en faisant allusion à la campagne contrôlée de Stephen Harper.

«Nuisances publiques»

En 2004, le Bloc détenait les trois sièges du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il ne lui reste plus que celui de Chicoutimi-Le Fjord. Mais la région n'en profite pas, a soutenu le chef du Bloc. Il qualifie même les deux députés conservateurs, Denis Lebel et Jean-Pierre Blackburn, de «nuisances publiques» qui «obéissent comme des valets» à leur chef au lieu de défendre leurs commettants.

M. Duceppe rappelle que MM. Blackburn et Lebel ont suivi la ligne de parti et voté contre le projet de loi pour favoriser les constructions en bois et contre celui pour accorder un crédit d'impôt (d'un maximum de 8000$ en trois ans) aux jeunes diplômés qui s'installent en région. Un projet qui aurait coûté 230 millions pour l'ensemble du Canada, mais qui aurait selon lui permis de contrer l'exode rural. Par exemple, le Saguenay-Lac-Saint-Jean a perdu près de 10% de sa population depuis les années 90. «Et ce sont les plus jeunes et instruits qui partent», souligne-t-il. Un programme similaire existe toutefois déjà au provincial.

Pourquoi s'y opposer? «Le Bloc peut bien parler, mais il ne peut rien livrer», répond Denis Lebel, qui avait gagné par seulement quelque 1500 votes en 2008. Le ministre explique que les gens de sa région veulent des emplois et que son parti a «livré la marchandise» avec plusieurs investissements, dont 100 millions pour des technologies d'énergie propre dans le secteur forestier et encore 100 millions, une initiative ponctuelle, pour «renforcer les collectivités forestières du Québec».

Le Bloc se plaint que l'Ontario a reçu 10 milliards en prêts pour son industrie automobile durant la crise économique, alors que le Québec a reçu moins de 200 millions pour son industrie forestière. Il demande aux conservateurs d'appuyer comme eux les garanties de prêt pour les entreprises forestières de la région. «C'est de la pure démagogie, répond M. Lebel. En automobile, nous avons des partenariats avec les États-Unis. Dans la forêt, on est en compétition et il y a l'entente de bois d'oeuvre, on ne peut pas faire n'importe quoi.»